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Tribune libre

L’obligation bancale du mariage civil avant le mariage religieux : entrave désuète à la Liberté religieuse

L’obligation bancale du mariage civil avant le mariage religieux : entrave désuète à la Liberté religieuse

Cet article est une tribune libre, non rédigée par la rédaction du Salon beige. Si vous souhaitez, vous aussi, publier une tribune libre, vous pouvez le faire en cliquant sur « Proposer un article » en haut de la page.

Tout Français sait qu’un mariage civil doit normalement précéder un mariage religieux. Mais, contrairement à la pensée répandue, il n’est pas interdit dans tous les cas de se marier religieusement avant de se marier civilement. Le droit actuel est plus subtil. Il sera dans quelques mois l’anniversaire des 30 ans de l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, code dont c’est l’article 433-21 qui régit cette obligation :

« Tout ministre d’un culte qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l’acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil sera puni d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. »

La subtilité est dans le « de manière habituelle » qui fait appel au délit d’habitude caractérisé dès la seconde occurrence. En clair : un ministre d’un culte qui marie une unique fois sans mariage civil préalable peut le faire en toute légalité.

Il est à noter qu’un « ministre d’un culte » de nationalité étrangère coupable de ce délit d’habitude peut, depuis 2021, être interdit du territoire français, et même à titre définitif (art. 433-21-2). Enfin, les peines complémentaires pouvant également sanctionner ce délit d’habitude sont les suivantes (art. 433-22) :

  • Interdiction des droits civiques, civils et de famille (durée maximum de 5 ans cf. art. 131-26),
  • Interdiction d’exercer une fonction publique ou l’activité professionnelle (sic) ou sociale (durée maximum de 5 ans cf. art. 131-27),
  • Affichage et/ou diffusion de la décision prononcée (à la charge du condamné, durée maximale de 2 mois, cf. art. 131-35).

Il est à noter que, depuis 1905, les « ministres d’un culte » ont été particulièrement respectueux de la règle d’antériorité du mariage civil, à tel point que les condamnations comptent à priori moins de 10 occurrences : 1906 (deux cas), 1907, 1923, 1934, 1972, 2008, et 2011 (relaxé au bénéfice du doute en appel en 2013). Depuis le nouveau code pénal de 1994, les deux seules condamnations relevées concernent des imams. Les amnisties à la suite des élections présidentielles de la Ve République (jusqu’en 2002) ont par ailleurs souvent couvert ces délits ainsi que tout ou partie de leurs sanctions, à l’exception toutefois des récidives visées par l’article 200 de l’ancien Code pénal.

Une obligation incohérente si l’on tient à se marier religieusement

Commençons tout d’abord par le devoir de se marier à deux reprises qu’impose cette obligation. En prenant un peu de recul, il est curieux de devoir s’engager dans le mariage à deux reprises avec la même personne pour que tout soit en ordre. D’aucuns diront qu’il s’agit d’un engagement devant la société pour le mariage civil, et un devant Dieu pour le mariage religieux. Cette interprétation me semble fallacieuse : dans le mariage religieux la société est bien présente au même titre qu’au mariage civil : les témoins et l’assemblée. Il s’agirait plutôt d’un mariage devant César, puis d’un mariage devant Dieu, selon la célèbre formule évangélique. Mais cela n’enlève rien répétition imposée de se marier deux fois…

Prenons ensuite l’exemple du dernier rituel du mariage catholique en langue française. Dans celui-ci, le célébrant dit lors du dialogue initial avec les futurs époux : « Vous allez vous engager l’un envers l’autre. Est-ce librement et sans contrainte ? ». En lisant textuellement, on comprend que l’Eglise catholique considère qu’ils ne sont pas engagés et leur demande s’ils sont bien libres. Il faut remonter à une traduction littérale de la version latine de référence (Editio typica de 1991) pour comprendre le sens véritable de la question : « Êtes-vous venus ici sans contrainte, mais avec un cœur libre et plein pour contracter mariage ? ». Cette question concerne en fait la liberté de volonté qu’ont des futurs époux de s’engager, qui est indispensable pour que le mariage catholique soit valide. Comment imaginer que le fait de s’être déjà engagés à la mairie n’a aucun impact sur la liberté de la volonté des futurs époux ? On peut noter que la cérémonie de mariage civil ne fait, elle, pas intervenir la notion de liberté de volonté des époux au moment où ils contractent le mariage, mais uniquement la notion de leur volonté à s’engager : « Voulez-vous prendre pour époux (épouse) monsieur (madame), ici présent (e) ? ». Il est ainsi logique de considérer que l’ordre ayant le plus de sens pour les deux cérémonies de mariage serait celui du mariage religieux avant le mariage civil.

Enfin, depuis le changement de définition et de nature du mariage civil avec le dit « mariage pour tous », de nombreuses personnes ne comprennent pas pourquoi il leur est obligatoire de procéder, avant leur mariage religieux, aux cérémonies de ce dit « mariage pour tous » heurtant leur liberté de conscience.

La France est isolée sur ce sujet de Liberté religieuse au sein du monde occidental

De très nombreux pays reconnaissent des effets civils à au moins certains mariages religieux : Australie, Canada, Croatie, Espagne, Etats-Unis, Irlande, Grande-Bretagne, Grèce, Italie, Macédoine, Malte, Nouvelle Zélande, Pologne, Portugal, République tchèque, Slovaquie, les 4 pays scandinaves, les 3 pays baltes.

D’autres encore ne donnent pas d’effets civil au mariage religieux, mais n’imposent pas non plus l’antériorité du mariage civil : Albanie à priori, Allemagne (obligation d’antériorité supprimée en 2007), Autriche (obligation d’antériorité jugée inconstitutionnelle en 1955), Serbie (obligation d’antériorité supprimée en 1994), et des pays de l’ex-URSS (Biélorussie, Moldavie, Russie, Ukraine) à priori.

Enfin, en queue de peloton figurent, avec la France (art. 433-21 Code pénal), ceux qui imposent l’antériorité du mariage civil : Belgique (art. 21 Constitution), Liechtenstein (art. 3 loi de 1973 sur le mariage), Luxembourg (art. 267 Code Pénal), Pays-Bas (art. 449 du Code pénal), Suisse (art. 97 Code civil), des pays de l’ex-Bloc de l’Est (Bulgarie, Hongrie, Roumanie), et des pays de l’ex-Yougoslavie (Bosnie-Herzégovine, Monténégro à priori, Slovénie).

Une loi bancale

Il est curieux de noter que la notion de « ministre d’un culte » et de « cérémonie religieuse » n’est pas adaptée à toutes les religions. Comme le reconnaissait le ministre de l’Intérieur lui-même en répondant à la question écrite du député Mourrut l’interrogeant sur le sujet en 2007, le mariage religieux musulman est un engagement privé entre deux personnes qui ne donne pas nécessairement lieu à célébration religieuse par un imam. Ainsi, de nombreux mariages religieux musulmans célébrés en France échappent à cette loi bancale. Ils sont estimés à 40 000 par an. Et il est ahurissant que la « Loi séparatisme » de 2021, qui a pourtant retouché cet article 433-21 du Code pénal en alourdissant la sanction, n’a pas corrigé son aspect bancal. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, cette loi visait pourtant justement à empêcher quelques dérives de certains musulmans, notamment dans l’aspect du mariage avec les vices de consentements, la polygamie, etc.

Les autres parades utilisées pour échapper à cette obligation sont le mariage religieux à l’étranger où ils valent mariage civil (Maghreb, Israël, etc) et ensuite transcrits en toute légalité à l’Etat civil français. Selon l’INSEE, environ également 40 000 mariages, pas forcément uniquement religieux, célébrés à l’étranger sont transcrits chaque année à l’Etat civil français. Par contre pour un français non musulman qui souhaite avoir la liberté de se marier religieusement dans son pays avant le mariage civil, il n’existe aujourd’hui pas d’autre moyen légal que d’utiliser la première occurrence avant que le délit d’habitude ne puisse être caractérisé pour le « ministre d’un culte ».

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28 commentaires

  1. Je trouve très bien que le mariage civil précède l’éventuel mariage religieux catholique ou autres et je ne vois pas en quoi cela entrave la liberté des catholiques. En revanche, cela empêche en principe la reconnaissance de mariages sous d’autres religions qui pourraient instaurer d’autres moeurs (polygamie, mariage avec mineurs, mariages forcés, …)

    Dans mon cas, je me suis marié civilement à Paris puis religieusement dans un pays lointain à majorité musulmane grâce à la communauté catholique à laquelle appartenait mon épouse. De plus, il se trouve qu’à ce moment, le prêtre qui y exerçait était français. Que de beaux souvenirs …

  2. Je comprends l’argumentaire mais traiter ce type de sujet en France en 2023 me semble “chasser le moustique & passer à coté du chameau”…

    • Je pense que vous n’avez pas bien lu tout l’article qui propose également de traiter du chameau c’est à dire des mariages musulmans sous le manteau. Toutefois personne ne dit que ce sujet va régler le problème principal du pays.

  3. L’antériorité de la coutume et des pratiques rituelles constituent et fondent la légitimité. L’origine du mariage a été rappelé par le Christ à des Pharisiens qui l’interrogeaient sur le droit, tiré de la Loi de Moïse, de répudier sa femme : “À l’origine, il n’en a pas été ainsi : Dieu créa l’homme à Son Image ; homme et femme Il les créa et l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et ils ne feront plus qu’un.” Ce fondement n’est autre que Dieu.
    La République, si elle mettait vraiment en œuvre la laïcité dont elle se réclame, devrait reconnaître les Droits de Dieu, seul ministre et maître du mariage. Mais au contraire, elle s’est appropriée l’ensemble de la vie sans aucun mandat de qui que ce soit. Et plutôt que de se soumettre à la Loi de Dieu, elle met tout en œuvre pour la détruire. Il devient ainsi plus facile de divorcer que de se marier civilement.

  4. On n’en a rien à cirer du mariage civil en tant que catho. Par contre est-ce que ce soi-disant mariage empêche la polygamie? Il n’y a que les bisounours qui croient à ce mensonge, les muz n’en ont rien à faire. Et il est grand temps que les vrais français ouvrent les yeux

  5. Le mariage civil est un simple contrat (qui bien sûr fait appel aussi à la volonté des parties, à leur liberté et à leur capacité).
    Le mariage catholique est un Sacrement.
    Il y a donc une grande différence de nature, c’est pourquoi il n’est pas possible de mettre sur le même plan les deux événements.
    Nous devrions seulement parler de Sacrement de mariage.

    • Sacrement du mariage = contrat matrimonial valide entre baptisés (canon 1055 §2). Un mariage est valide dès sa consommation charnelle (CEC 1640). Donc l’Eglise nous dit que deux baptisés, qui se marient civilement et consomment leur mariage, se sont en fait donnés le sacrement du mariage…

      • Je précise que pour qu’un mariage soit valide, il faut qu’il soit, sauf empêchement, célébré en présence d’un prêtre ou d’un diacre. Mais il n’empêche.

  6. Il faut ajouter que dans le Sacrement de mariage ce sont les époux qui se donnent ce Sacrement. Le prêtre n’est présent que pour la Bénédiction en quelque sorte. Donc on pourrait dire que le vrai ministre du culte, dans le Sacrement de mariage, ce sont les époux. Ceux-ci ne pourront donc pas être poursuivi s’ils organisent leur cérémonie de mariage (de manière habituelle ils ne se marieront qu’une fois !).
    Car « Le titre de ministre du culte est ainsi conféré à toutes les personnes qui occupent, en vertu d’un contrat ou à quelque titre que ce soit et en quelque lieu que ce soit, une fonction primordiale dans la direction, le déroulement, l’animation et l’enseignement d’un culte » https://www.senat.fr/leg/ppl17-030.html

    Bon, un peu tirer par les cheveux, je vous l’accorde, d’autant que le prêtre est le responsable de son église et tient les registres…

    • Malheureusement, un prêtre a déjà essayé de jouer à ce jeu en allant dans la sacristie pendant l’échange des consentements, et il s’est quand même fait condamner, en 1934 si je ne m’abuse. Cela fait jurisprudence.

  7. L’article passe à côté de l’essentiel:
    le mariage civil est d’abord un contrat, dont il existe désormais différentes formes “concurrentes” (PACS, concubinage).
    Il n’y a aucune raison d’en priver l’individu de tel ou tel religion ainsi que les avantages associés (car sont associés des conséquences fiscales et successorales qui ne sont vraiment pas les mêmes !)
    Il est ainsi très étrange de voir un refus de mariage religieux pour un veuf qui voudrait préserver ses 1er enfants de conséquences successorales déplaisantes au profit de leur belle mère ! Choisir son contrat et vivre sa religion est un droit, l’article 433-21 une discrimination évidente !

    • Cet argument est présent à la fin de l’article, et est l’argument principal d’un détachement complet des deux mariages.
      Il pourrait par contre être répliqué que l’Etat civil est changé par le seul mariage civil, et non le PACS, et que l’Etat ne pourrait se permettre de laisser prospérer en masse des régimes maritaux privés conclus entre des personnes concubines ou pacsées.

      • Je ne comprends pas le contre argument. Si l’état permet la multiplication des régimes maritaux privés par le PACs et le concubinage pour les personnes athées ou agnostique, elle doit le permettre aux croyants.

        • Un exemple : l’Etat peut-il se permettre de laisser prospérer un mariage religieux musulman qui ne serait cadré que par la charia en tant que droit privé ? Comment l’Etat pourrait-il empêcher des mariages forcés où des femmes se retrouvent prisonnières ?

  8. Il y en a qui en souffrent de cette loi car ils ne peuvent pas se marier à l’église en raison d’un mariage civil antérieur de la fiancée qui n’arrive pas à obtenir son acte de divorce à l’étranger (car elle est étrangère). Alors, cela fait des années qu’ils restent chastes et qu’ils attendent.

    • Il leur suffirait de trouver un prêtre qui utilise la première occurence avant la caractérisation de l’infraction d’habitude, cf le début de l’article.

  9. Je connais un Marocain immigré en France. Il a acquis la nationalité française et est parfaitement intégré, s’intéressant beaucoup à la vie politique française.
    J’ai tout lieu de supposer qu’il s’est marié “religieusement” au Maroc.
    Si c’est bien le cas, il n’a pas voulu transcrire ce mariage en mariage civil français, car “le mariage français est incompatible avec la loi islamique”. Il est donc pacsé (si je fais du mauvais esprit : cela lui permettra de se débarrasser de sa femme sans subir de tracas).

  10. La forme même du mariage est indifférente, puisque historiquement il n’y était attaché aucune liturgie, et que « entre baptisés, il ne peut exister de contrat matrimonial valide qui ne soit, _par le fait même_, un sacrement » (canon 1055-2). De plus, dans le temps, le point de départ de la vie conjugale se situe au moment où les deux futurs époux “forment le contrat”, se donnent formellement l’un à l’autre entièrement et se reçoivent mutuellement comme époux. Le contrat est avant tout l’affaire du couple. L’échange de consentement réalise le mariage chrétien dans la mesure où ce consentement porte sur un tel don, en adhésion à ce qu’est la réalité du mariage au sein de l’Église.
    En réalité, un couple est donc marié dès que cet engagement mutuel est résolument pris, indépendamment de toute cérémonie (et de fait, si le couple est sur une ile déserte, il n’y aura pas de cérémonie). La cérémonie civile ne fait que solenniser le mariage, et le fait reconnaitre dans la société civile. De même, la cérémonie religieuse le fait reconnaitre dans la communauté religieuse.
    L’ordre des cérémonies est donc indifférent, puisque le mariage réel _du couple_ -l’engagement mutuel, aux yeux de Dieu et non de tel ou tel corps social- aura été antérieur.

    • Il me semble que vous dites d’une certaine façon tout et son contraire pour essayer de justifier la situation française actuelle :
      – si tout contrat matrimonial entre baptisés est un sacrement, alors le mariage civil est aussi un sacrement, et alors que vient faire le mariage religieux ? Le mariage religieux ne s’appelle par ailleurs plus “bénédiction nuptiale” sans doute pour une bonne raison
      – vous oubliez la situation française naturelle avant 1791 (qui est la réalité encore aujourd’hui dans de nombreux pays) où le mariage religieux vaut changement d’Etat civil : la société est également présente dans l’église au moment du mariage…

      • J’ajoute qu’aux yeux de l’Eglise un mariage ne peut être valide (sauf cas exceptionnels) que s’ils sont prononcés devant un prêtre ou un diacre (canon 1108). Ainsi les autres engagements pris auparavant sont invalides de fait aux yeux de l’Eglise. Il me semble un peu curieux d’affirmer qu’un mariage civil consommé est un sacrement de mariage au yeux de Dieu alors que l’Eglise dit l’inverse en le considérant invalide.

        • Parce qu’il faut distinguer entre le mariage valide aux yeux de l’Église (canon 1108) et le sacrement du mariage. L’engagement est pris par le couple, que le regard extérieur le considère valide ou pas ne change rien au fait qu’il est un sacrement (canon 1055) – juste, ça rendra plus facile un divorce aux yeux de la société qui considère que le mariage est invalide, mais ce n’est pas le but du mariage.
          Ce n’est pas la messe qui fait le mariage, mais bien le don de soi mutuel, et ce don n’est pas une cérémonie mais se vit au quotidien et doit être une progression quotidienne. Donc le “sacrement du mariage” n”est pas dans la cérémonie, mais dans le quotidien du couple. Mais pour comprendre ça, il faut retourner aux fondamentaux, sur ce qu’est un sacrement et ce qu’est un don mutuel intégral.
          Tout d’abord, le don est intégral y compris dans la sexualité : « Ce n’est pas la femme qui dispose de son propre corps, c’est son mari ; et de même, ce n’est pas le mari qui dispose de son propre corps, c’est sa femme » (1Co 7 :4). Don gratuit sur tous les plans, donc, y compris le plan physique, y compris dans sa dimension sexuelle.
          Après, un sacrement est un « signe sensible et efficace de la grâce », par lesquels nous est donnée la vie divine (Compedidum 224). La liturgie sacramentelle y articule le « sacramentum tantum », qui est le seul signe extérieur « sensible » ou perceptible – mais qui n’a pas par lui-même une conséquence spirituelle ; et le « res tantum », qui est l’effet ultime du sacrement qui nous permet in fine de nous ouvrir à la Charité – mais qui n’a pas nécessairement besoin d’un geste pour nous atteindre ; les deux étant réunis dans le « res et sacramentum », acte sacramentel où le geste est effectué avec une intentionnalité qui en fait un « symbole », réunissant le geste et son effet spirituel.
          Enfin, il faut se rappeler la doctrine catholique, que le sacrement du mariage se donne entre époux (le prêtre ne fait que recevoir le consentement). Donc, le sacramentum tantum est l’affaire du couple, pas de la société.
          Dans le mariage, le sacramentum tantum est donc bien la sexualité et la vie de couple, par elle-même universelle. C’est la consécration au don de soi marquant le mariage qui en fait un res et sacramentum au quotidien, et donne accès à cette croissance quotidienne dans la Charité, qui est son res tantum et la vocation de tout chrétien.
          La vie conjugale chrétienne est ainsi au centre du mariage, compris comme un état de vie, par lui-même « signe d’une réalité sacrée et source de grâces ». De ce don mutuel et de la vie conjugale qu’il inaugure découlent les biens attachés au mariage tels que les cite St Augustin : proles, parce que le mariage doit apporter une fécondité extérieure, non seulement par les enfants mais également (voire surtout) par l’évangélisation qu’il amène ; fides, parce que la consécration des conjoints et du couple par le don mutuel leur permet de s’engager avec confiance (tant en Dieu qu’en leur conjoint) sur leur chemin de sainteté, où ils bénéficieront des grâces sacramentelles associées ; et surtout sacramentum, parce que l’état de mariage est par lui-même et dès l’origine un mystère qui rend sensible l’action divine dans le monde, et est une source de grâces.
          C’est pour cette raison que l’engagement de deux chrétien à “se” marier au sens chrétien est par lui-même sacramental, sans que l’Église ait à y ajouter quoi que ce soit _en tant que sacrement_. Mais pour qu’il soit reconnu par l’Église, donc qu’il ait un effet civil ou ecclésial, il faut évidemment l’officialiser dans les formes.

          • Tout ceci est très intéressant, mais ne clarifie pas la question de savoir s’il est bon ou non que le mariage civil doive être avant le mariage religieux. Il me semble que votre argumentation puisse être essentialisée en : “Mariage civil et mariage religieux se valent finalement parce que seul compte consentement des époux, et plus encore l’union charnelle des époux”.

            Prenons le cas classique d’un couple de fiancés catholiques qui n’a pas échangé de consentements (même sans témoins). Son mariage sera en fait devant le maire puisque le consentement est le mariage (canon 1057), et la cérémonie religieuse ne sera que répétition du mariage qui a déjà eu lieu… Il est pourtant légitime que des époux catholiques souhaitent vouloir suivre l’enseignement de l’Eglise, cf le Catéchisme de l’Eglise catholique :

            – 1621 Dans le rite latin, la célébration du mariage entre deux fidèles catholiques a normalement lieu au cours de la Sainte Messe, en raison du lien de tous les sacrements avec le Mystère Pascal du Christ (cf. SC 61). Dans l’Eucharistie se réalise le mémorial de la Nouvelle Alliance, en laquelle le Christ s’est uni pour toujours à l’Église, son épouse bien-aimée pour laquelle il s’est livré (cf. LG 6). Il est donc convenable que les époux scellent leur consentement à se donner l’un à l’autre par l’offrande de leurs propres vies, en l’unissant à l’offrande du Christ pour son Église, rendue présente dans le sacrifice eucharistique, et en recevant l’Eucharistie, afin que, communiant au même Corps et au même Sang du Christ, ils ” ne forment qu’un corps ” dans le Christ (cf. 1 Co 10, 17).
            – 1622 ” En tant que geste sacramentel de sanctification, la célébration liturgique du mariage … doit être par elle-même valide, digne et fructueuse ” (FC 67). Il convient donc que les futurs époux se disposent à la célébration de leur mariage en recevant le sacrement de pénitence.
            – 1623 Selon la tradition latine, ce sont les époux qui, comme ministres de la grâce du Christ, se confèrent mutuellement le sacrement du Mariage en exprimant devant l’Église leur consentement. Dans la tradition des Eglises orientales, les prêtres ou évêques qui officient sont les témoins du consentement mutuel échangé par les époux (cf. CCEO, can. 817), mais leur bénédiction est nécessaire aussi à la validité du sacrement (cf. CCEO, can. 828).

  11. Je ne vois pas en quoi c’est contradictoire avec ce que j’ai écrit.
    Le cœur du mariage, ce qui fait naitre la réalité du couple, c’est le don mutuel. Ce qui officialise un changement d’état social c’est la cérémonie, plus ou moins complexe, mais elle ne fait que révéler un état préexistant. Pour prendre un parallèle, “le roi est mort, vive le roi” : la royauté existe dès la mort du roi précédent. Jean 1er le posthume a été roi dès sa naissance, mais il n’a pas régné, faute d’avoir été couronné. C’est le couronnement qui officialise le changement social, mais ça ne change pas un état préexistant.
    S’il faut officialiser un mariage dans telle ou telle forme, en quoi la forme change-t-elle la substance de l’état? que l’on casse le verre d’un coup de talon ou que l’on passe d’abord à la mairie puis à l’église, la procédure peut être plus ou moins complexe pour pouvoir se dire achevée, mais une fois encore, ce n’est pas la procédure qui fait le mariage – elle ne fait que l’officialiser pour la société. La meilleure preuve en est que l’on peut officialiser aussi des mariages posthumes, non pas qu’un cadavre puisse exprimer son consentement, mais parce que la preuve d’un consentement antérieur a pu être obtenue par d’autre moyen. Le détail de la procédure n’en fait pas l’essence, c’est juste un prétexte commode pour se donner la possibilité de la contester si la forme n’est pas respectée: les portes de l’église étaient fermées? la belle affaire, en quoi est-ce que ça a vicié le consentement des conjoints? mais en cas de divorce on ira chercher le détail… La lettre tue, c’est l’esprit qui fait vivre.
    Le mariage d’un chrétien en France est plus long parce que la procédure suppose une reconnaissance par la société civile et par la communauté religieuse. Mais, de fait, ceux qui se marient ainsi l’envisagent comme une procédure globale officialisant un état unique. Que la procédure soit complexe est juste le résultat d’aléas historiques.
    La véritable question est plutôt, si un couple chrétien français décide de se marier civilement, en repoussant un mariage religieux à un futur vague, quel serait son statut marital? Par leur choix de ne pas passer par la cérémonie religieuse, ils manifestent que leur union ne correspond pas à ce que l’Église enseigne du mariage, et donc leur union ne peut pas être reconnue comme sacramentelle par la communauté chrétienne. Après, qu’elle le soit ou pas est dans le secret de Dieu, et “la divine Providence ne refuse pas les secours nécessaires à leur salut” (Lumen Gentium).

    • Un mariage civil français ayant lieu pour des catholiques avant le mariage religieux est un mariage nul pour défaut de forme. Ne nous faites pas croire qu’un mariage nul (et invalide) puisse être valide aux yeux de Dieu.

      Pour citer des textes parfaitement clairs, le Syllabus de Pie IX condamne l’affirmation suivante : “Par la force du contrat purement civil, un vrai mariage peut exister entre chrétiens ; et il est faux, ou que le contrat de mariage entre chrétiens soit toujours un sacrement, ou que ce contrat soit nul en dehors du sacrement” (73)

  12. Pour nous, qui sommes chrétiens, le mariage est une institution divine inscrite dans le cœur de l’homme et de la femme. Toute l’histoire biblique est remplie de couple, de famille et de naissance d’enfants, comme “image et ressemblance de Dieu”.
    Dans une civilisation qui reconnait la prééminence de Dieu, la question du mariage religieux, comme seul, légitime, ne se pose pas. Dans la société juive de la Bible, le mariage à la synagogue se suffit à lui-même. D’Abraham et Sara, jusqu’à Joseph et Marie, la légitimité religieuse du mariage tenait lieu de loi civile.
    Le mariage religieux, au Moyen Âge, devient le seul juridiquement valable.
    Mais, la Révolution vient mettre un terme au “pouvoir de l’Église”. Dès lors, le mariage n’est plus un acte d’amour, mais un simple contrat. Contrat qui peut être rompu à tout moment. Comme, au demeurant, la grossesse et la vie en général qui peut être interrompue à chaque instant (avortement, euthanasie par exemple). La pouvoir civil de la République supplante celui de l’Église. La République ne reconnait désormais que ce qu’elle unit ou sépare. Et l’Église est contrainte de se soumettre. D’une civilisation de l’amour dont Dieu est l’origine, nous sommes passés au Contrat social de Rousseau qui font et défont les liens conjugaux et matrimoniaux.
    Sans changer profondément de régime, le mariage restera sous la coupe de la République laïciste qui ne veut rien rendre à Dieu qu’elle ignore.

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