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Pays : International / Pays : Turquie

Syrie : A propos de la poche d’Afrin

Décryptage de Géoculture :

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De plus en plus de voix réclament une intervention diplomatique, voire militaire, de la France ou de l’Europe pour protéger la poche kurde d’Afrin menacée par les troupes turques. De nombreux médias s’alarment d’un risque d’épuration ethnique de grande ampleur contre les populations civiles.

Nous nous retrouvons à nouveau dans une vision manichéenne de la guerre en Syrie, opposant le mal absolu (ici incarné par la Turquie) au bien, à savoir les Kurdes. Or, c’est exactement ce type de représentation qui a ruiné la diplomatie française au Moyen-Orient depuis 2011.

Quelques rappels s’imposent :

-Ankara intervient contre les Kurdes d’Afrin avec le soutien de milices islamistes, d’ex-jihadistes de Jabhat al-Nosra et même de groupes issus de l’ASL, l’Armée syrienne libre, que l’Europe a voulu armer, et que le France continue de soutenir comme seule alternative à Bachar al-Assad. Lorsque l’ancien président français, François Hollande, s’étonne que la Turquie apporte son soutien à des jihadistes contre « nos alliés » kurdes, il feint d’ignorer que la Turquie aide d’autres groupes que nous considérons aussi comme nos « alliés ».

-Le président Bachar al-Assad négocie son soutien aux Kurdes d’Afrin, afin de rallier les Kurdes syriens ; si ceux-ci acceptent son aide contre la Turquie, ils devront aussi le payer en aidant le régime de Damas à réinstaurer son autorité sur la zone au nord de l’Euphrate, qu’ils contrôlent avec l’aide des États-Unis.

-Washington hésite à intervenir militairement directement au profit des Kurdes d’Afrin, car alors ce serait un conflit ouvert avec la Turquie, pays de l’OTAN qui s’est déjà rapproché de la Russie et de l’Iran, deux pays en indélicatesse avec D. Trump. Le déploiement militaire américain devrait en outre être de grande ampleur face à une armée turque aguerrie et bien équipée.

-La Russie n’est guère plus à l’aise puisqu’elle s’est rapprochée de la Turquie, mais cherche d’abord à protéger le régime de Bachar al-Assad : ses deux alliés sont donc en conflit indirect à Afrin, par Kurdes interposés. Si les Kurdes parviennent à rallier Damas à leur cause, ils entraîneront Bachar al-Assad dans un conflit ouvert avec Ankara, fragilisant ainsi la géopolitique russe en Syrie.

Conséquences :

-Si nous soutenons les Kurdes contre Ankara :

1- nous affaiblissons l’OTAN,

2- nous créons une solidarité sunnite et islamiste autour de la Turquie, qui sera perçue comme la seule force luttant contre le sécularisme kurde et l’Occident ; Ankara sera alors incité à intervenir contre l’Occident dans d’autres zones (Libye, Soudan…), à ouvrir les vannes aux flux de réfugiés, ou à soutenir des groupes combattants de plus en plus violents ou radicaux,

3- nous renforçons la partition de la Syrie, puisque les Kurdes n’auront plus besoin du soutien de Damas ; ils seront nécessairement incités à faire bon accueil à la présence occidentale, mais aussi à stigmatiser les populations arabes et sunnites de leurs zones,

4- nous aidons la Russie à renforcer ses liens avec Ankara et Damas.

-Si nous laissons faire Ankara :

1- nous passons pour des traîtres vis-à-vis des Kurdes (même si ceux-ci ont eux-mêmes négocié avec Damas),

2- nous fragilisons le tandem Russie-Turquie, qui est déjà très instable,

3- nous renforçons la cohésion Russie-Syrie, ce qui peut inciter Moscou à intervenir diplomatiquement contre Ankara ; Damas aura besoin de l’aide de l’Iran, dont il cherchait pourtant à se défaire,

4- nous renforçons les liens entre les Kurdes syriens et Damas.

Bilan :

Quel que soit le choix qui sera fait par la France, il aura des conséquences qui peuvent nous impacter négativement. En aucun cas la France n’a les moyens d’améliorer la situation en Syrie. D’autres puissances ont désormais la main dans la région, mais sans qu’elles parviennent elles-mêmes à dominer une situation explosive…

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1 commentaire

  1. Les soldats US me font penser à ces garnements des cours de récréation qui, apres avoir malmené leurs camarades pendants des années, disent “pouce” lorsqu’ils tombent sur plus fort qu’eux.

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