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Sermon de Dom Louis-Marie pour la messe d’inhumation de Hélie de Saint-Marc

Sermon pour la messe d'inhumation de Hélie DENOIX de SAINT-MARC par Dom LOUIS-MARIE, Père Abbé de Sainte-Madeleine du Barroux à Lagarde-Adhémar le samedi 31 août 2013 :

Cher Monsieur l'Abbé,
Messieurs les représentants des autorités civiles,
Chère Manette et chère famille,
Chers Amis,

C'est
en raison de la grande amitié entre le Comandant Hélie de Saint-Marc et
Dom Gérard, mon prédécesseur, que l'on m'a invité à célébrer cette
messe d'inhumation. L'amitié entre ces deux grands hommes était faite de
respect, de bienveillance et de valeurs partagées.

DHélie Denoix
de Saint-Marc était tenu en grande estime au monastère, non seulement
parce que comme disait Dom Gérard « les moines sont un peu les
légionnaires de l'Église et les légionnaires les moines de l'Armée »
mais aussi pour son attitude en 1961 lors du putsch des généraux. Je me
souviens avec joie de ce que nous disait notre professeur de théologie,
qui le donnait comme exemple parfait d'une action morale droite :
une action en conscience
une action qui respectait les éléments de la guerre juste
une action dont il a assumé la responsabilité
une action qu'il a payée, lui et sa famille, par un prix bien lourd et injuste.
Mais
on a peut-être trop parlé de tout cela. Et je voudrai aujourd'hui
mettre en lumière trois valeurs que le Commandant Hélie de Saint-Marc
partageait avec le moine bénédictin Dom Gérard.

Le premier point
commun est le combat de la foi.
Cela pourra vous étonner mais Dom Gérard
a combattu pour  défendre la foi alors que Hélie de Saint-Marc l'a fait
aussi pour l'atteindre : en combattant Dieu en face. Certains ont dit
qu'il avait laissé sa foi à Langenstein. Je crois que c'est un peu vite
dit.
Il a combattu Dieu en face.
Un combat vieux comme le monde.
Un combat qu'ont mené Jacob et Job.
Un combat présent dans toute la Bible.
Un combat que mènent tous ceux qui refusent de vivre à la surface des réalités.
C'est
le combat de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, de Mère Térésa, de saint
Jean de la Croix. Ce combat consiste très précisément à confronter le
Dieu que l'on connaît par la foi et le Dieu que l'on perçoit dans
l'histoire. C'est un combat redoutable.
Hélie de Saint Marc disait
quelques jours avant sa mort que la souffrance indicible des innocents
était pour lui un mystère incompréhensible. Dans Champs de Braises, il
écrivait : « Je ne peux certifier qu'il existe un Dieu et qu'Il est
l'image de Celui que nos pères nous ont enseigné, mais je sais au moins
que le Mal existe, je l'ai vu en face. » Et, de fait, la réponse au
grand mystère ténébreux du mal n'est ni facile, ni simple, ni rapide.
Mais, trois jours avant sa mort, je crois qu'Hélie avait trouvé un début
de réponse. Comme Job, à plus de deux mille ans de distance.
Job,
qui avait touché le fond de la souffrance, de l'injustice (car là est le
problème), après des cris de révolte, de façon inattendue, au chapitre
19, se lève de son grabat, et fait un acte de foi et d'espérance dans un
au-delà, et il dit que ses yeux de chair verront son Dieu. Israël a mis
du temps à croire et à espérer dans cet au-delà, à faire une confiance
absolue à son Dieu.
Et Hélie de Saint-Marc a fait cet acte de foi, de
confiance. Je lui ai demandé s'il croyait à la résurrection et il m'a
répondu affirmativement, avec humilité car il a ajouté : « je suis bien
obligé ! » et une véritable joie. La joie de celui qui goûte
intérieurement ce à quoi il croit.

Et l'on en vient au deuxième trésor que partageaient le moine et le soldat : une âme contemplative.
Dom
Gérard était un contemplatif par vocation. Hélie de Saint-Marc était
aussi un contemplatif par nature. Un contemplatif, c'est à dire un homme
capable de voir l'invisible à travers les choses visibles. Même au camp
de Langenstein où il a souffert jusqu'au paroxysme de la faim, de
l'épuisement, des coups, des humiliations, de la déshumanisation, il a
gardé ce regard contemplatif par lequel, par delà les origines sociales,
il voyait avec surprise les âmes telles qu'elles étaient.
Hélie était un contemplatif car il était sensible à la beauté :
la beauté des paysages
la beauté de la musique
la beauté des corps et des visages
la beauté de sa femme
la beauté des âmes.
Il
a laissé un testament spirituel sur la beauté que nous devons tenir
absolument : « A travers les siècles, la violence et les passions se
succèdent. Seule la beauté demeure et résiste à tout. Elle seule élève
l'homme. Elle seule peut transfigurer certaines défaites trop lourdes à
porter… ».
Hélie était un contemplatif car il avait cette capacité
d'unifier dans un regard tout simple un monde bien complexe et même
contradictoire. Il était capable en une phrase de faire voir tout le
charme du Vietnam dans le mouvement de paupière d'une vietnamienne.
Et
nous prions aujourd'hui pour que Hélie puisse parvenir enfin à la
plénitude de contemplation de l'Être le plus vrai le plus beau, le plus
simple qu'est Dieu. Et nous nous rappellerons que nous avons tous, que
nous soyons croyants où non-croyant, la vocation bienheureuse de voir
Dieu, de le voir enfin face à face, avec cette joie de Le comprendre, de
L'aimer, de Le vivre.

J'en arrive au troisième trésor que partageaient Dom Gérard et Hélie, peut-être le meilleur.
Ils étaient tous les deux des pères.
Quand Dom Gérard est mort, un cri unanime s'est élevé d'une foule nombreuse : « on a perdu un père ».
Hélie
de Saint-Marc avait lui aussi une puissance paternelle hors du commun.
Il est le père d'une grande famille. Et vous me permettrez de donner un
témoignage personnel. En lisant ses écrits, j'ai reçu de lui, d'une
certaine manière, la vie. Il m'a donné envie de vivre. Non seulement
d'aller un jour voir le Vietnam, non seulement de rencontrer un jour
cette femme dont il parlait avec tant de charme : Manette. Mais aussi de
devenir un homme. Hélie nous a montré qu'il n'était pas facile d'être
un homme mais que c'était possible et que c'était bon et grand. Nous
sommes toute une génération à avoir repris espoir en lisant ses écrits.
Lors
de notre dernier entretien aux Borias, Hélie s'est encore montré tel
qu'il était, en père. Il me demandait, malgré son extrême faiblesse, ce
qu'il pouvait faire pour nous. Il pensait aux jeunes novices, à ce qu'il
aurait pu leur dire pour les aider. Et je lui ai simplement demandé de
nous bénir, ce qui l'a beaucoup étonné mais qu'il a fait volontiers. Il
s'est signé et il nous a imposé les mains, comme les patriarches de
l'Ancien Testament.
Hélie était un père qui a su, contrairement à
d'autres grands hommes, fonder une belle famille. Qui eut pu imaginer
qu'un homme qui avait tant souffert donnerait le jour à quatre jolies
fleurs qui à leur tour donneraient de beaux fruits. Il a aimé sa femme,
il a aimé ses quatre filles, et il a su se faire aimer, et il laisse une
vingtaine de petits-enfants qui semblent ne pas avoir peur de la vie.
Et
je tiens à dire que l'amour qu'il a eu pour sa femme, un amour mutuel,
un amour fidèle, un amour qui a su passer au dessus de sa solitude, est
le plus bel héritage qu'il laisse à ses enfants en ces temps où l'amour
est humilié et déshumanisé.

Maintenant, je me dois de vous
transmettre à tous sa dernière demande, faite juste avant qu'on se
quitte : Hélie a demandé qu'on prie pour lui. Il l'a demandé à plusieurs
reprises. Il savait que la porte de l'éternité s'ouvrait devant lui. Et
que c'était grave. Dieu l'attendait.
Il savait
qu'il avait besoin d'aide,
qu'il avait besoin de la grâce,
qu'il n'était pas au niveau de Dieu.
Il
avait bien du mal à se faire à l'idée que Dieu s'était abaissé, qu'Il
était venu jusqu'à lui par l'incarnation, par la croix, par l'Église,
par le prêtre.
Mais je le lui ai rappelé, et il a souri. Prions pour lui.
Amen

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