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L'Eglise : Benoît XVI

Rémi Brague analyse Benoît XVI

Le philosophe Rémi Brague signe une tribune aujourd’hui dans le Figaro, dans laquelle il analyse deux ouvrages de l’ex-Cardinal Ratzinger, Valeurs pour un temps de crise et Foi, vérité, tolérance :

Pour le Pape, notre époque est malade de la conscience. Notre culture a peu à peu renoncé à éduquer la conscience. Le Pape parle d’une «tendance autodestructrice de la culture». La conscience est devenue comme le goût. Je suis le seul à savoir si j’aime ou n’aime pas ce que je bois. Or c’est un devoir de former sa conscience, de l’affiner, de l’éduquer. Par l’exemple de la sainteté, par la grande politique, par la beauté de l’oeuvre d’art, etc. Puiser dans la mémoire chrétienne deux mille ans d’expérience, nouer le dialogue avec les cultures est une aide précieuse.

Le Pape se fait de la conscience une idée plus haute que la nôtre. Elle n’est pas le caprice de chacun. "La conscience humaine n’est pas autonome" et "rien ne m’appartient moins que moi-même", "la conscience est l’organe de la transparence du Dieu unique en tous les hommes". La conscience est le lieu de l’accès à la vérité : "la véritable question est celle de la vérité". L’ex-Cardinal pose un diagnostic : "L’absence de vérité est la véritable misère de l’homme." Comment agir droitement sans savoir ce qui est vraiment juste ? Nous nous remettons à poser la question de Pilate, avec le même haussement d’épaules : qu’est-ce que la vérité ? Le Pape souligne que la question : qu’est-ce que la liberté ? est aussi pressante. Car comment savoir si elle choisira le bien ?

Pas question de remplacer la vérité par les «valeurs». Certes, le titre d’un des livres y fait référence. Mais, ironie, on y lit dès le début : "Aujourd’hui, on préfère parler de valeurs plutôt que de vérité" et "les valeurs tirent leur caractère inaliénable de leur vérité même et du fait qu’elles correspondent à de vraies exigences de la nature humaine." Le Pape propose bien plutôt une réflexion sur la vérité qui met en question tous les hommes et toutes les cultures.

Car en dernière analyse, la vérité coïncide avec l’amour. "La vérité fait un avec l’amour. Cette phrase […] est la plus haute garantie de tolérance ; elle est la garantie d’un rapport à la vérité dont la seule arme est elle-même, et donc l’amour." La rencontre des cultures est possible sur le fond d’une nature humaine commune qui permet aux hommes de communiquer entre eux. Cette nature est la raison. Or le christianisme a sur ce point une particularité : "Ce qui caractérise la foi chrétienne […] est le fait qu’elle ne sépare pas la rationalité de la religion, qu’elle ne les oppose pas l’une à l’autre, mais qu’elle les a unies dans une structure où toutes deux doivent mutuellement se purifier et s’approfondir sans cesse." Au début de son histoire, chez les pères de l’Eglise, le christianisme a cherché ses précurseurs non dans les religions, mais dans la rationalité des philosophes.

Envers la raison, la foi a une mission : la guérir de ses égarements et la rendre à elle-même. Une des principales fonctions de la foi est de "proposer des solutions de salut à la raison en tant que raison, de ne pas lui faire violence, de ne pas lui rester extérieure, mais au contraire de la ramener à elle-même. L’instrument historique de la foi peut rendre libre la raison en tant que telle, de sorte que, réorientée par la foi, elle soit de nouveau à même de voir par elle-même".

Ainsi, conclu Rémi Brague, le christianisme est un rationalisme. L’Evangile de Jean s’ouvre par les mots : "Au commencement était le Logos (Verbe)." Et non pas un bruit dépourvu de sens, comme le fameux big bang. La raison ne naît pas de l’irrationnel cosmique ou biologique. De la sorte, le christianisme, qui place la raison en Dieu même, est peut-être le seul rationalisme conséquent.

Michel Janva

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