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L'Eglise : Jean-Paul II

Relire Jean-Paul II – Ecclesia in Eucharistia

Suite de notre série de posts sur les textes majeurs du pape Jean-Paul II, destinés à se préparer à accueillir sa prochaine canonisation. En ce jour de Pâques, je vous propose un extrait (n°47-49) de son encyclique sur l'Eucharistie, publiée en 2003 :

J"Celui qui lit le récit de l'institution de l'Eucharistie dans les Évangiles synoptiques est frappé tout à la fois par la simplicité et par la « gravité » avec lesquelles Jésus, le soir de la dernière Cène, institue ce grand Sacrement. Il y a un épisode qui, en un sens, lui sert de prélude: c'est l'onction à Béthanie. Une femme, que Jean identifie à Marie, sœur de Lazare, verse sur la tête de Jésus un flacon de parfum précieux, provoquant chez les disciples – en particulier chez Judas (cf. Mt 26, 8; Mc 14, 4; Jn 12, 4) – une réaction de protestation, comme si un tel geste constituait un « gaspillage » intolérable en regard des besoins des pauvres. Le jugement de Jésus est cependant bien différent. Sans rien ôter au devoir de charité envers les indigents, auprès desquels les disciples devront toujours se dévouer – « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous » (Mt 26, 11; Mc 14, 7; cf. Jn 12, 8) –, Jésus pense à l'événement imminent de sa mort et de sa sépulture, et il voit dans l'onction qui vient de lui être donnée une anticipation de l'honneur dont son corps continuera à être digne même après sa mort, car il est indissolublement lié au mystère de sa personne.

Dans les Évangiles synoptiques, le récit se poursuit avec l'ordre que donne Jésus à ses disciples de préparer minutieusement la « grande salle » nécessaire pour prendre le repas pascal (cf. Mc 14, 15; Lc 22, 12) et avec le récit de l'institution de l'Eucharistie. Faisant entrevoir au moins en partie le cadre des rites juifs qui structurent le repas pascal jusqu'au chant du Hallel (cf. Mt 26, 30; Mc 14, 26), le récit propose de façon aussi concise que solennelle, même dans les variantes des différentes traditions, les paroles prononcées par le Christ sur le pain et sur le vin, qu'il assume comme expressions concrètes de son corps livré et de son sang versé. Tous ces détails sont rappelés par les Évangélistes à la lumière d'une pratique de la « fraction du pain » désormais affermie dans l'Église primitive. Mais assurément, à partir de l'histoire vécue par Jésus, l'événement du Jeudi saint porte de manière visible les traits d'une « sensibilité » liturgique modelée sur la tradition vétéro-testamentaire et prête à se remodeler dans la célébration chrétienne en harmonie avec le nouveau contenu de la Pâque.

Comme la femme de l'onction à Béthanie, l'Église n'a pas craint de « gaspiller », plaçant le meilleur de ses ressources pour exprimer son admiration et son adoration face au don incommensurable de l'Eucharistie. De même que les premiers disciples chargés de préparer la « grande salle », elle s'est sentie poussée, au cours des siècles et dans la succession des cultures, à célébrer l'Eucharistie dans un contexte digne d'un si grand Mystère. La liturgie chrétienne est née dans le sillage des paroles et des gestes de Jésus, développant l'héritage rituel du judaïsme. Et en effet, comment pourrait- on jamais exprimer de manière adéquate l'accueil du don que l'Époux divin fait continuellement de lui-même à l'Église-Épouse, en mettant à la portée des générations successives de croyants le Sacrifice offert une fois pour toutes sur la Croix et en se faisant nourriture pour tous les fidèles? Si la logique du « banquet » suscite un esprit de famille, l'Église n'a jamais cédé à la tentation de banaliser cette « familiarité » avec son Époux en oubliant qu'il est aussi son Seigneur et que le « banquet » demeure pour toujours un banquet sacrificiel, marqué par le sang versé sur le Golgotha. Le Banquet eucharistique est vraiment un banquet « sacré », dans lequel la simplicité des signes cache la profondeur insondable de la sainteté de Dieu: « O Sacrum convivium, in quo Christus sumitur! ». Le pain qui est rompu sur nos autels, offert à notre condition de pèlerins en marche sur les chemins du monde, est « panis angelorum », pain des anges, dont on ne peut s'approcher qu'avec l'humilité du centurion de l'Évangile: « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit » (Mt 8, 8; Lc 7, 6).

En se laissant porter par ce sens élevé du mystère, on comprend que la foi de l'Église dans le Mystère eucharistique se soit exprimée dans l'histoire non seulement par la requête d'une attitude intérieure de dévotion, mais aussi par une série d'expressions extérieures, destinées à évoquer et à souligner la grandeur de l'événement célébré. De là naît le parcours qui a conduit progressivement à délimiter un statut spécial de réglementation pour la liturgie eucharistique, dans le respect des diverses traditions ecclésiales légitimement constituées. Sur cette base s'est aussi développé un riche patrimoine artistique. L'architecture, la sculpture, la peinture, la musique, en se laissant orienter par le mystère chrétien, ont trouvé dans l'Eucharistie, directement ou indirectement, un motif de grande inspiration."

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