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France : Politique en France

Refus d’une commission d’enquête sur la participation de fonds français au financement de Daech

Jeudi, l'Assemblée nationale a rejeté la proposition de résolution de M. Jean-Frédéric Poisson tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la participation de fonds français au financement de Daech. Jean-Frédéric Poisson a défendu ainsi cette proposition :

345937"[…] [N]ous avons découvert et compris depuis – et c’est désormais un fait attesté – qu’en sus du pétrole, l’État islamique tire également profit du trafic d’êtres humains, de réseaux de prostitution, de trafic de drogue, d’armes et d’antiquités, du racket, sans compter les ressources dont il a dépouillé les habitants de ces régions en pillant les banques des villes qu’il a prises, notamment Mossoul. Il dispose désormais d’un patrimoine très conséquent. C’est dans le souci de connaître ses sources de financement et, bien entendu, de trouver les moyens de les assécher que notre groupe a souhaité la constitution d’une commission d’enquête.

En effet la commission d’enquête dispose de prérogatives dont aucun autre organe parlementaire ne peut se prévaloir, notamment le droit de procéder à des enquêtes sur pièces et sur place et celui de convoquer toutes personnes qu’elle juge bon d’entendre et de les faire déposer sous serment, celles-ci étant tenues de déférer à cette convocation. Le mécanisme de la commission d’enquête est donc celui qui nous a paru le plus solide. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains a accepté d’inscrire cette résolution à l’ordre du jour, ce dont je remercie le président Jacob.

Bien sûr, personne ne peut imaginer qu’il y ait ici un seul parlementaire qui ne soit pas sensible à cette question et qui ne désire pas tirer les choses au clair. Bien sûr, aucun parlementaire ne souhaite faciliter la vie à l’État islamique. Cependant, non sans susciter chez nous une certaine surprise, la commission des affaires étrangères a refusé la création d’une telle commission d’enquête pour des motifs que j’avoue ne pas avoir encore très bien compris. Cela a un peu agacé quelques membres éminents de cette commission, mais il m’a été répondu en substance que l’idée était bonne, que le champ de la proposition mériterait d’être un peu plus large, que c’était une vraie question et que, pour autant, on n’allait pas faire comme ça, en tout cas pas à l’initiative de l’opposition. Bien entendu ce n’est pas tout à fait une première. Nous sommes quelques-uns dans cette assemblée à compter suffisamment d’heures de vol pour avoir déjà assisté à des situations de ce genre. Je ne sais pas s’il faut s’en plaindre, mais je le constate.

Cela étant dit, je maintiens que le champ d’investigation de la commission d’enquête tel que nous l’avons défini, c’est-à-dire le financement de Daech, n’est pas limité à la question du pétrole. Il permet donc d’inclure l’ensemble des ressources financières dont dispose aujourd’hui l’État islamique. […]

Jean-Pierre Dufau lui a répondu :

1182"Monsieur le rapporteur, la proposition de résolution que vous avez présentée en commission des affaires étrangères a été rejetée par les députés de la majorité, en particulier les députés socialistes, pour deux raisons principales.

Tout d’abord, l’exposé des motifs, principalement centré sur la situation des chrétiens d’Orient, est manifestement partiel, pour ne pas dire plus, en regard des nombreuses victimes de Daech. La référence à l’acte de protection de Saint-Louis, nous ramenant à la septième croisade, me paraît au mieux inopportune, au pire inutilement provocatrice dans le contexte actuel.

Par ailleurs, dépassée par l’actualité, vous en convenez – elle a été déposée en mai 2015 – votre proposition de résolution se limite à une enquête sur la participation des seuls fonds français au financement de Daech. Je ne vais pas reprendre sur ce point l’argumentation du Gouvernement, que je partage. Après l’avoir rejetée, les commissaires socialistes ont proposé de saisir la Conférence des présidents pour élargir la discussion à l’ensemble des députés de l’Assemblée et étendre le périmètre des investigations nécessaires. Mardi dernier, Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale, a proposé à la Conférence des présidents de créer une mission d’information sur les moyens dont bénéficie l’organisation terroriste Daech. Il en a été ainsi décidé de manière consensuelle par tous les groupes. Cette décision nous agrée. Il serait donc plus sage que vous retiriez votre résolution, mais est-ce la sagesse qui vous motive ?

Jean-Frédéric Poisson :

"Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie pour votre modération. J’ai cru comprendre que vous contestiez le fait qu’il y ait la moindre trace de participation de fonds français au financement de Daech. Il est vrai que l’ambassadrice tchèque de l’Union européenne à Bagdad, qui avait tenu les propos qui ont motivé notre proposition de résolution, a d’ailleurs elle-même reconnu qu’elle avait peut-être parlé un peu vite.

Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur le fait que M. Le Drian, le ministre de la défense, interrogé il y a quelques jours sur ce sujet par une grande radio périphérique, a répondu que, si l’on ne disposait pas d’éléments précis en ce sens, c’était une possibilité que l’on ne pouvait pas exclure. En la mentionnant, nous ne cherchons pas à alimenter la confusion ; nous pointons simplement quelque chose qui mérite d’être étudié.

[…] Je prétends seulement, et peut-être aurait-il fallu l’écrire de manière plus précise, que l’un des buts, très clair, de la guerre menée par l’État islamique est de faire partir les chrétiens du Moyen-Orient. Ce n’est pas le seul, mais à l’évidence, c’en est un. De fait, si l’Europe occidentale et l’Amérique du nord, comme l’Amérique du sud dans une moindre mesure, sont engagées dans le soutien des chrétiens d’Orient, c’est sans doute parce qu’on peut, que l’on soit croyant ou non considérer qu’il y a, derrière leur présence dans cette région du monde, des enjeux politiques, mais aussi civilisationnels, qui dépassent assez largement les équilibres politiques et les différences de culture. C’était l’une des motivations du texte et je regrette vivement que vous ayez employé cet adjectif qui n’appartient à votre vocabulaire habituel."

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