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L'Eglise : Foi

Quelles prières en temps d’épidémie ?

Quelles prières en temps d’épidémie ?

De Jean-Pierre Maugendre, président de Renaissance catholique :

« Dieu qui désirez non pas la mort, mais le repentir des pécheurs, regardez avec bonté votre peuple qui revient vers vous, et puisqu’il se montre fidèle à vous servir, soyez-lui clément, ne brandissez pas contre lui le feu de votre colère. »

Telle est la collecte du missel romain pour la messe votive en temps d’épidémie. Les autres prières de cette messe sont à l’unisson.

« Arrête ton bras ; que la terre ne soit pas dans la désolation, ne détruis pas tout être vivant » (Introït),

« Libérez votre peuple de l’angoisse où l’a plongé votre colère et par une large effusion de votre bonté rendez-lui la sécurité. » (Postcommunion)

L’offertoire, enfin, insiste sur la nécessité d’offrir un sacrifice pour obtenir le pardon de Dieu :

« Offrant un sacrifice d’encens, il apaisa la colère de dieu et le Seigneur fit cesser le fléau. »

Quant aux lectures, un extrait du second livre des Rois (24, 15 – 19) décrit la repentance de David qui offre un sacrifice au Seigneur alors que le peuple était frappé par la peste à cause des péchés de son roi. « Le Seigneur fut apaisé envers le pays, et le fléau cessa de frapper Israël. » L’Évangile (Luc 4, 38 – 44) met en scène le Christ guérissant la belle-mère de Simon ainsi que de nombreux malades. Ces guérissons entraînent l’expulsion de nombreux démons des personnes qu’ils possédaient.

Agir en temps d’épidémie

L’Église, dans la continuité de la Synagogue, a toujours vu dans les épidémies, bien souvent d’une gravité sans commune mesure avec celle que nous vivons, un châtiment divin pouvant être abrégé par la conversion du peuple et l’offrande à Dieu de sacrifices d’expiation pour les péchés. Cependant cette vision surnaturelle de la réalité ne fait pas tomber l’Église dans un surnaturalisme béat. Saint Roch (1348 – 1379) se dépense sans compter auprès des pestiférés lors de l’épidémie de peste noire. De son côté Dom Prosper Guéranger résume ainsi l’inépuisable charité de saint Charles Borromée (1538 – 1584), archevêque de Milan :

 « Les autorités locales faisant défaut, il a organisé les services sanitaires, il a fondé ou rénové des hôpitaux, il a recherché des fonds et des équipements, décrété des mesures de prévention. Et surtout, il a organisé et dispensé l’assistance spirituelle, la présence auprès des malades, l’enterrement des morts, l’administration des Sacrements aux habitants confinés chez eux par mesure de prudence. » (L’Année liturgique).

Mgr de Belsunce (1671 – 1755), évêque de Marseille, se distingua par son dévouement auprès des malades lors de la grande peste de 1720.

« Quand la contagion commença de se ralentir, M. de Belsunce, à la tête de son clergé, se transporta à l’église des Accoules. Monté sur une esplanade d’où l’on découvrait Marseille, les campagnes, les ports et la mer, il donna la bénédiction, comme le pape à Rome, bénit la ville et le monde : quelle main plus courageuse et plus pure pouvait faire descendre sur tant de malheurs les bénédictions du ciel ? (François-René de Chateaubriand in Mémoires d’Outre-Tombe)

Mgr de Belsunce organise des processions et consacre la ville au Sacré-Cœur le 1er novembre 1720 sur le cours qui porte désormais son nom. Tous ces hommes d’Église étaient convaincus que l’épidémie était « un fléau envoyé du ciel » pour punir les péchés du peuple. Convaincus également qu’il fallait, au-delà des nécessaires mesures sanitaires, recourir à des moyens spirituels. Les maîtres mots des sermons et exhortations étaient alors : sacrifice, pénitence, prière, grâce, miracle, châtiment, colère de Dieu, Providence, conversion, confession, purification, etc.

Une nouvelle perspective ?

La collecte de la messe du quatrième dimanche de carême, dit dimanche de Laetare, implore Dieu :

« Faites Dieu Tout-Puissant, qu’après les épreuves que nos fautes nous méritent, nous puissions reprendre haleine au souffle bienfaisant de votre grâce. »

A l’occasion de la réforme liturgique cette prière pour l’année A est devenue :

« Seigneur Dieu, tu as réconcilié avec toi toute l’humanité en lui donnant ton propre Fils. Réveille la foi de ton peuple. Les yeux ouverts à la lumière que tu nous donnes en Jésus, donne-nous de nous hâter avec amour vers les fêtes pascales qui approchent. Que nous passions avec le Christ des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie. Dès maintenant, pour les siècles des siècles. »

Il est impossible de ne pas observer que ces deux textes procèdent, disons pudiquement, de perspectives très différentes.

Les évêques de France ont adressé aux catholiques et « à tous nos concitoyens » un message le 19 mars dernier. Il n’est pas question de vaincre l’épidémie mais de « dire son espérance et conforter celle de ses voisins », « prier en communion », poser « un geste de communion », etc. Il est ainsi demandé de réciter le chapelet, de faire sonner les cloches le 25 mars à 19h30 et d’allumer des bougies à sa fenêtre les 19 et 25 mars. Tout cela ne peut certainement pas faire de mal mais est-ce à la hauteur des enjeux ? On peut en douter au regard de la manière dont l’Église s’est comportée, face à des fléaux analogues, tout au long de son histoire.

Se pose également, désormais, la question de la pérennité des offices liturgiques. Certains diocèses ont réduit ou supprimé la possibilité pour les fidèles d’assister à la messe en raison de l’interdiction des rassemblements au-delà de vingt personnes dans les lieux de culte. De nombreux prêtres ont renoncé à célébrer la messe puisqu’il n’y a plus de fidèles. Sans doute plus ou moins consciemment sont-ils imprégnés de la rédaction de l’article 7 de la Présentation Générale du Nouvel Ordo de la messe qui enseignait- en 1969- avant qu’il ne soit amendé par le pape Paul VI : « La cène dominicale est la synaxe sacrée ou le rassemblement du peuple de Dieu se réunissant sous la présidence du prêtre pour célébrer le mémorial du Seigneur. » Si le peuple de Dieu ne peut être présent il n’y a plus de raison de célébrer la messe…Là-contre, toute la Tradition de l’Église enseigne que la messe est d’abord un sacrifice de louange à la Très Sainte Trinité, la source de toutes les grâces. Elle est un sacrifice propitiatoire, nous rendant Dieu propice par une expiation procurant la remise des fautes, et apaisant sa colère. Or est-il incongru d’observer que, ces temps-ci, Dieu ne semble pas manquer de motifs de courroux ? Exclusion de la reconnaissance de Sa royauté sociale dans le domaine public, crimes innombrables de l’avortement, mépris et dénaturation du mariage, avilissement général par la pornographie, mépris des plus pauvres, etc. Tous ces péchés publics exigent, en justice, des châtiments et des réparations publiques. N’est-ce pas saint Bernardin de Sienne (1380 – 1444) qui écrivait que : « Les catastrophes naturelles ont toujours accompagné les infidélités et l’apostasie des nations. » Ce n’est pas le discours épiscopal que nous entendons.

En route vers Pâques ?

Simples laïcs du bout du banc nous savons que les sacrements ont été institués pour fortifier notre volonté et la fixer dans la recherche constante du Vrai, du Beau et du Bien. Ils ne sont pas le signe d’appartenance à une communauté mais le canal ordinaire de la grâce sans laquelle nous ne pouvons espérer nous sauver. A l’approche de la fête de Pâques, qui est la victoire du Christ sur la mort, il ne serait pas concevable qu’un culte digne de Lui ne puisse être rendu à celui qui est « La voie, la Vérité, et la Vie. » (Jn 14, 6) Les événements tragiques que nous vivons et qu’il faut cependant relativiser- nous en sommes à 1 000 morts, la bataille de Verdun c’est 1 000 morts par jour pendant… 300 jours ! – nous interrogent sur l’ardeur de notre foi. Refuser d’y voir un signe de Dieu, après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris il y a un an, serait bien téméraire et ne ferait, sans doute, qu’amasser sur nos têtes de nouveaux charbons ardents.

« Deus non irridetur. On ne se moque pas de Dieu. » (Gal. 6,7)

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