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Bioéthique / France : Politique en France

Projet de loi sur la bioéthique : interventions d’Emmanuelle Ménard

Projet de loi sur la bioéthique : interventions d’Emmanuelle Ménard

Dans le cadre du projet de bioéthique actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, le député Emmanuelle Ménard a déposé une motion de rejet et prononcé un discours en discussion générale. La motion de rejet :

Motion de rejet

Monsieur le Président,
Madame et Messieurs les ministres,
Madame la Présidente de la Commission spéciale,
Mesdames et messieurs les rapporteurs,
Chers collègues,

« Le passe-temps de l’homme n’est qu’une entreprise perpétuelle et universelle de démolition ». Châtiment ou simple constat, ces quelques mots interpellent au moment où certains d’entre nous voudraient faire croire que la PMA pour toutes serait le marqueur du « monde d’après ».

Un monde où l’Homme, mû par ses seules ambitions, serait tout-puissant. Où les lois naturelles que l’on pensait éternelles seraient ringardisées et rejetées. Un monde où la privation d’un père, organisée dans les murs de cet hémicycle, serait vue comme un progrès.

Un monde où aucun groupe parlementaire n’a déposé de motion de rejet pour s’opposer à une telle monstruosité. Comme si cet effondrement de l’idée même que l’on se faisait d’une famille – propice à l’épanouissement d’un enfant – était devenu une fatalité, pour ne pas dire un non-sujet.

Il faut bien le reconnaître, nous sommes réunis ici, en fin de session extraordinaire, pour discuter d’un texte tout aussi extraordinaire. Non pas parce qu’il apporte quelque chose à notre société. Mais parce qu’il va donner vie à des enfants volontairement programmés sans père… sans père !

Extraordinaire aussi parce qu’il touche à l’intime, celui de l’adulte dans sa sexualité et dans sa capacité, ou non, à engendrer. Mais aussi parce qu’il touche à la fragilité, celle de l’enfant dans son rapport à ses parents et à son besoin vital de se construire face à l’altérité : face à un homme et face à une femme.

Tous, nous devrions être saisis par ce texte qui engage même celui qui s’abstiendra de voter pour ou contre. Pourquoi ? Parce qu’il va laisser une trace indélébile dans notre société. Celle du bannissement des pères. De ceux contre lesquels on s’est érigé ou avec lesquels on a grandi. Des pères imparfaits, mais qui ont existé. Des pères de chair et d’os.

Alors ne nous y trompons pas. Il ne s’agit ni d’un texte sur la « tolérance », ni d’un texte sur « le vivre ensemble ». Et encore moins sur « le progrès ». En réalité, ce qui se joue ici, c’est une rupture. Profonde. Anthropologique.

Ce texte n’arrive d’ailleurs pas par hasard. Il est le fruit d’un long travail de sape qui a réussi à faire croire à certains d’entre nous que de participer, volontairement, à la destruction de la famille, incarnée par un père et une mère, était source d’épanouissement pour l’enfant.

Il y a d’ailleurs, face à ce texte, ici même, une sorte de malaise. Une forme de tétanie : les ministres ont brillé par leur absence en commission spéciale et, sur 577 députés, seulement 15 % d’entre nous ont déposé des amendements pour cette seconde lecture. Pour certains, c’est pour aller plus loin dans la transgression. En se servant de ce texte pour ouvrir les portes à la GPA au sein d’un couple de femmes, pour étendre la recherche sur les embryons, pour congeler ses ovocytes et se donner l’illusion d’une éternelle fécondité, pour créer des chimères animal/homme, pour légaliser la PMA post mortem, le bébé médicament, l’embryon transgénique et j’en passe…

Pour d’autres, il s’agit de rappeler le bon sens. Celui qui colle au réel, qui est charnel, qui ne se cache pas derrière les désirs égoïstes des adultes. Ce bon sens fait tristement défaut avant même que nous commencions cette discussion puisque, je le rappelle, nous allons voter en catimini un texte, en plein mois de juillet, en temps législatif programmé, dans l’incapacité de défendre tous nos amendements et sans que les Français puissent manifester. Quel mépris ! Avouez-le.

L’ancienne ministre de la santé, Agnès Buzyn, avait eu pourtant, en première lecture, la justesse de rappeler les mots de Hans Jonas qui, dans la préface du Principe responsabilité, nous invitait à l’humilité en ces termes : « Le Prométhée définitivement déchaîné, auquel la science confère des forces jamais encore connues et l’économie son impulsion effrénée, réclame une éthique qui, par des entraves librement consenties, empêche le pouvoir de l’homme de devenir une malédiction pour lui. »

Oui, mes chers collègues, notre plus grande dignité doit être de nous limiter. Non pas par peur. Mais par une saine alliance entre humilité et audace. Humilité puisque nous sommes inscrits dans une histoire, dans une descendance, dans une humanité. Et audace pour nous effacer nous, adultes, derrière eux, les enfants.

La motion de rejet que je défends pose cette question simple : est-ce juste ? Est-ce juste de priver, en l’espace d’un vote, des milliers d’enfants de leur père pour les générations à venir ?
J’en appelle à votre conscience. J’en appelle à votre courage. Oubliez les stratégies partisanes. Pensez à la profondeur des bouleversements d’une telle loi et résistez ! Résistez aux idéologies d’une poignée et osez répondre à cette question en votre âme et conscience : qui suis-je pour infliger cela à un enfant ?

Discours durant la discussion générale :

Monsieur le Président,

Monsieur le ministre,

Madame la Présidente de la Commission spéciale,

Monsieur le rapporteur,

Chers collègues,

Ce n’est donc pas un cauchemar. L’examen en deuxième lecture du projet de loi bioéthique démarre bien aujourd’hui, la dernière semaine de juillet très exactement, en plein cœur de l’été. C’est le tout nouveau Premier ministre lui-même, Jean Castex, qui a décidé, dès son entrée en fonction, d’allonger la session parlementaire dans cet objectif.

Curieuse décision. D’autant que le Sénat, qui sera en période électorale à la rentrée, ne siègera pas en septembre… Il n’y avait donc aucune urgence du côté de l’Assemblée nationale à examiner ce texte dans un hémicycle plus que clairsemé, et même quasiment désert côté majorité en début de séance, quand les Français, ou du moins ceux qui le peuvent, sont davantage préoccupés par leurs vacances que par les discussions du Palais Bourbon.

Curieuse décision encore lorsque le Premier ministre, toujours lui, prétend que sa première préoccupation est la crise, avec ses enjeux sanitaires et économiques. En phase pour cela avec les Français qui, selon une enquête Ifop publiée le 15 juin dernier, sont 71 % à considérer que ce projet de loi devrait être suspendu ou même retiré, afin que priorité soit donnée à la gestion des conséquences de la crise du Coronavirus. Mais il est tellement plus simple de céder sur la réforme des retraites quand on peut s’en prendre sans vergogne aux familles et aux plus petits d’entre nous : ces enfants, ces enfants que vous voulez priver de père !

Scandaleuse décision quand on se penche sur les conditions d’examen du texte lui-même : c’est en effet, comme en première lecture, le temps législatif programmé qui a été choisi. Une procédure qui permet de limiter la durée des débats de façon drastique !

Vous devez être bien peu sûrs de votre fait pour tenter, par tous les moyens, de brider, de contrôler, d’entraver les débats et de limiter la parole. 30 minutes, j’ai bien dit 30 minutes sont en effet « gracieusement » accordées à l’ensemble des députés non inscrits pour défendre leurs convictions en matière de bioéthique… 30 minutes, c’est-à-dire rien du tout… Moins de 8 secondes par amendement déposé en ce qui me concerne. Mais la majorité En Marche osera nous expliquer, une fois encore, qu’elle souhaite un « débat serein et apaisé »…

Dans le fond, cette décision d’imposer au plus vite ce prétendu « engagement de campagne » n’est pas surprenante. Car finalement, Emmanuel Macron aura failli sur toutes ses promesses. Que pourra-t-il revendiquer dans 600 jours lorsque l’heure du bilan aura sonné ? Une économie en berne : la France fait partie du peloton de queue de l’Union européenne, avec un PIB qui devrait chuter de 10,6 % en 2020. Des crises sociales à répétition : gilets jaunes, réforme des retraites finalement pitoyablement repoussée après avoir mis notre pays à genoux, un personnel de santé exsangue, des forces de l’ordre au bord de l’explosion, etc.

Mais, avec la loi bioéthique, Emmanuel Macron tient enfin l’occasion de satisfaire son camp. À quel prix ? Celui de l’avenir de nos enfants… Des enfants – je l’ai dit et je le redirai sans cesse – que vous vous apprêtez à faire naître sans père… Que l’un d’entre vous ose, oui ose nous dire qu’un enfant n’a pas besoin de père ! Qu’il ose.

Mais c’est vrai que vous osez tout : le bébé médicament, l’embryon transgénique, les chimères animal-homme, l’absence du consentement du conjoint sur le don de gamètes, l’élargissement du diagnostic préimplantatoire aux maladies non héréditaires, la suppression de l’équipe pluridisciplinaire pour préparer les couples à la procréation médicalement assistée. Oui, vous osez tout !

Et en plus, vous mentez ! Vous avez juré, main sur le cœur, que vous diriez non à la gestation pour autrui. C’est faux ! Votre nouveau texte lui ouvre la porte quand il prévoit une transcription quasi automatique à l’état civil de l’acte de naissance de l’enfant né de GPA désignant un parent d’intention. Comment empêcherez-vous, demain, au nom de votre sacro-sainte égalité, un couple d’hommes de pouvoir avoir des enfants en louant le ventre d’une femme quand vous autorisez aujourd’hui un couple de femmes à procréer ? Toutes vos dénégations n’y changeront rien.

Vous exigez la parité, sauf pour la filiation ! Vous exigez l’égalité, sauf pour les enfants dont certains connaîtront leur père et d’autres, de votre faute, qui ne le connaîtront pas. Vous qui invoquez à tout bout de champ le principe de précaution, vous l’oubliez quand il s’agit des enfants, de nos enfants ! J’aurais aimé pouvoir interroger le garde des Sceaux, lui qui aime les défis : les défendra-t-il ces enfants qui, dans 20 ans, attaqueront l’État français pour les avoir délibérément privés de pères ?

Finalement, cette loi bioéthique sera votre seul bilan. Et elle sera votre honte…

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