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France : Politique en France

Pourquoi dit-on que Marine Le Pen a abandonné les “fondamentaux” du FN ?

Pourquoi dit-on que Marine Le Pen a abandonné les “fondamentaux” du FN ?

Alors que Marine le Pen redécouvre le sujet de l’immigration ces derniers jours afin de reprendre un peu la main par rapport à la percée d’Eric Zemmour (voir son très bon interview sur Cnews ce matin ou ses propos forts tenus devant les médias à Alençon)), Camille Pérez analyse, pour Polémia, quatre positionnements de Marine le Pen et du nouveau RN qui mettent en évidence un “abandon des « fondamentaux » au profit d’une ligne politique fluctuante et de plus en plus édulcorée”  qui, en une décennie, a modifié de fond en comble la doctrine de son mouvement.

1. Immigration et islam: petits renoncements plutôt que Grand remplacement

La question migratoire et identitaire est incontestablement le sujet-phare pour le FN/RN et le premier motif de vote en sa faveur. Jean-Marie Le Pen a su, dès les années 1970, alerter les Français sur les dangers de l’immigration de masse. A partir de 2011, sa fille a veillé à édulcorer son discours notamment en interdisant à ses cadres d’employer l’expression « Grand remplacement » popularisée par l’écrivain Renaud Camus. En 2014, elle a même indiqué « le concept de grand remplacement suppose un plan établi. Je ne participe pas de cette vision complotiste ». Ce rejet de la terminologie de Renaud Camus est d’autant plus incompréhensible qu’elle est depuis longtemps validée par les faits et reconnue par une grande majorité d’électeurs, y compris parfois à gauche. De la même manière Marine Le Pen refuse de parler de « remigration » terme associé aux identitaires dont les marinistes se méfient. « L’inversion des flux migratoires » prônée du temps de Jean-Marie Le Pen semble elle aussi reléguée au second plan au profit d’un discours « moins clivant ».

Sur l’islam, la stratégie d’évitement et de pasteurisation se confirme très largement. En 2016, en pleine campagne autour du thème de « la France apaisée », la présidente du FN a indiqué que l’islam était selon elle compatible avec la République. En 2017, elle a publié une photo d’elle en train de serrer amicalement la main d’une femme voilée sur le marché aux puces d’Hénin-Beaumont. Depuis des années, le RN a repris à son compte la distinction islam/islamisme afin d’éviter les fameux « amalgames ». Plus généralement Marine Le Pen s’est efforcée de minorer la place des questions identitaires au profit de thèmes économiques et sociaux (retraites, pouvoir d’achat, services publics). Ces renoncements successifs ont mécontenté la base militante sans permettre de gagner le moindre électorat.

2. Peine de mort : l’incompréhensible volte-face de 2017

Le FN a réclamé avec constance, depuis son abolition en 1981, le rétablissement de la peine capitale, notamment au moyen d’un referendum. Même quand l’opinion publique y est devenue hostile (décennies 1990-2000), Jean-Marie Le Pen a continué à défendre la peine de mort seul contre tous les médias et partis du système. Marine Le Pen est dans un premier temps restée dans la droite ligne de son père, se démarquant par exemple de sa nièce et de Florian Philippot. En 2012, la présidente du FN avait présenté l’idée d’un référendum pour permettre aux Français de choisir entre la perpétuité réelle et la peine de mort, indiquant être « à titre personnel » favorable à la seconde option. En outre la vague d’attentats islamistes de 2015 a reversé l’opinion qui est redevenue favorable à la peine capitale.

Mais en 2017, en pleine campagne présidentielle, Marine a stupéfait ses cadres et militants en annonçant, sans la moindre consultation, qu’elle retirait cette proposition de son programme. Ainsi, elle a défendu avec son père la peine de mort lorsque celle-ci était impopulaire pour y renoncer lorsque les Français y redeviennent favorables: la quête de la « dédiabolisation » conduit Marine Le Pen à des revirements incompréhensibles pour les électeurs.

3. Lois sociétales : malaise et lobbying à la direction du RN

Marine Le Pen, dont le mépris pour l’électorat catholique conservateur est connu de tous, s’est généralement désintéressée des question dites « sociétales » c’est-à-dire liées à la politique familiale et à la bioéthique. La loi Taubira sur le « mariage pour tous » a créé en 2012 et 2013 un grand malaise au FN. Marine Le Pen et Florian Philippot ne souhaitaient pas s’associer au mouvement massif de « La Manif pour Tous » (LMPT) contrairement à la quasi-totalité des cadres du mouvement. Ainsi la présidente et son vice-président ont boycotté LMPT tout en autorisant la présence de cortèges FN. En 2017, Marine Le Pen, poussée par sa base, proposait tout de même d’abroger la loi Taubira (sans rétroactivité) au profit d’un PACS amélioré. Cette proposition consensuelle lui avait permis d’évacuer ce sujet qu’elle jugeait « secondaire » tout en conservant la ligne « pro-famille » du parti.

Depuis, le RN a non-seulement renoncé à abroger la loi Taubira (considérée par ses porte-paroles comme « un acquis »), mais il se désengage progressivement de toutes les questions sociétales. La critique du planning familial, la défense d’un salaire parental ou la relance de la natalité sont devenus des sujets tabous, notamment sous l’influence du clan BBR (Bilde, Briois, Rachline) dont l’hostilité à LMPT est de notoriété publique. Ainsi, le maire de Fréjus a jugé pertinent en 2020, en pleine campagne régionale, de faire la publicité d’un mariage lesbien sur ses réseaux sociaux. Inaudible sur la théorie du genre et très discret sur la PMA/GPA, le RN, dont beaucoup de cadres n’ont pas d’enfant, n’est manifestement plus un défenseur de la famille traditionnelle.

4. Souveraineté : le grand bazar idéologique de Marine Le Pen

C’est sans aucun doute la question de la souveraineté qui illustre le mieux l’inconsistance programmatique de Marine Le Pen. Active en 2005 aux côtés de son père pour dénoncer (avec succès) la constitution européenne, très virulente contre la Commission de Bruxelles, la Présidente du FN, longtemps eurodéputée, a tenu, sur les conseils de Florian Philippot, un discours souverainiste assumé de 2011 à 2017. Il s’agissait à l’époque de sortir de l’euro, de l’Union européenne et de tous ses avatars grâce à une négociation en plusieurs étapes. Le Brexit, voté en 2016 au Royaume Uni, a conforté le FN dans sa posture anti-européiste. Le Frexit devint alors le leitmotiv de la présidentielle 2017.

Mais dès l’été 2017, convaincue par ses proches que la stratégie souverainiste dure inspirée par Florian Philippot était la raison de son échec présidentiel, Marine Le Pen a abandonné d’idée du Frexit au profit de « l’alliance européenne des nations » permise grâce à la victoire éphémère de ses alliés autrichiens et italiens. Rapidement ce discours déjà très édulcoré est abandonné. Etape par étape toutes les souverainetés sont mises de coté. La sortie de l’euro, rendue illisible suite à l’accord d’entre-deux tours avec DLF en 2017, est totalement abandonnée en 2018. Le Frexit est officiellement mis à la corbeille lors des élections européennes de 2019 où le RN entend changer l’UE de l’intérieur. La suspension de Schengen n’est plus réclamée à partir de janvier 2021. La sortie de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), longtemps qualifiée de « camisole », n’est plus jugée « utile » à partir de mai 2021. En seulement 4 ans, le parti de Marine Le Pen est donc passé du souverainisme pur et dur à un européisme classique.

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6 commentaires

  1. Fiction : Zemmour est élu Président, Maron est nommé Ministre, Marine est marginalisée…
    Et pendant ce temps-là, dans la maison familiale à la Trinité-sur-Mer, Marine, allongée dans un transat écoutait d’une oreille distraite les informations de BFM en caressant ses chats qui se pressaient autour d’elle. Eux, au moins lui étaient restés fidèles.
    Depuis qu’elle avait été écartée de la présidentielle et avait dû se résoudre à laisser ce qui restait du Rassemblement National à un obscur et gay transfuge d’une dissidence de la France Insoumise, elle s’ennuyait ferme et ne pouvait s’empêcher de ressasser indéfiniment les évènements qui l’avaient laissé sur la touche…
    La promotion de Marion, sa nièce qui lui devait tant, loin de la réjouir, n’avait fait qu’augmenter son amertume.
    On lui avait bien proposé quelques postes honorifiques mais aucun n’était digne d’une ancienne finaliste de la présidentielle. A vrai dire, après avoir été à la tête du premier parti d’opposition pendant près de vingt ans, elle se sentait incapable de se fondre dans une autre structure que la sienne.
    Pratiquement du jour au lendemain, elle disparue de la scène médiatique et la seule fois où son nom avait émergé d’une revue de presse, c’était pour relayer d’une manière sarcastique, l’initiative soi-disant compatissante d’un collectif de soi-disant admirateurs qui avait lancé une pétition pour qu’elle soit nommée à la présidence … de la section chat de la SPA.
    C’était bientôt l’été, il faisait beau et Marine rêvait de plage et de baignade. Malheureusement, elle craignait trop les paparazzis. A plus de 50 ans , Marine ne tenait pas à faire son retour médiatique en maillot de bain dans « Paris-Flash » ou dans « Voici-Voilà ». N’est pas Brigitte Macron qui veut.
    De guerre las, elle feuilletait un vieil album photo, en écoutant distraitement BFM où l’on échangeait gravement sur la folle intervention de reconquête musclée des banlieues.
    Nostalgique, elle se rappela son bras tendu envers la communauté musulmane lorsqu’elle avait affirmé que l’Islam était compatible avec la République.
    C’est à ce moment qu’elle tomba sur une photo de son père sur la plage à Nice lors d’une convention du Front National à la fin des années 80. Jean-Marie Le Pen avait voulu montrer sa virilité et sa bravoure en plongeant dans la Méditerranée par une froide journée de janvier, vêtu d’un slip de bain ridicule et indécent.
    Ruminant de manière mêlée l’actualité et son envie de plage, Marine eut soudain une illumination ! Elle allait faire d’une pierre, deux coups et même trois : profiter enfin de la plage et se rappeler au souvenir de tous en se dédiabolisant définitivement.
    Elle se saisit si soudainement de son portable que ses chats s’enfuirent aux quatre coins de la pièce. Elle pianota alors fébrilement sur Amazon pour commander un burkini.

  2. Il va falloir inventer et surtout utiliser le concept de :

    ISLAMO-DROITISME

    puisqu’elle se prétend de droite… N’hésitez pas à le lancer et à en faire usage à son égard !

  3. Bon résumé du problème. Marine Le Pen contrairement à son père manque de vraies convictions personnelles et est influencée par l’air du temps. Zemmour, comme JMLP, a des convictions fortes qu’il s’est forgées au fil des années. S’il arrive au pouvoir, il fera des erreurs et devra tenir compte de la situation, mais on n’aura pas à faire à une girouette trahissant ses promesses comme cela a été le cas des représentants de la droite ces dernières décennies.

  4. Le vrai problème, ce n’est pas l’Islam. C’est le vide spirituel de l’Occident.
    Le vrai problème, ce n’est pas l’immigration, mais que les familles ne font plus que deux enfant maximum. Si elles en avaient chacune 6 ou 8, ce serait autre chose.
    Cessons de pleurnicher et d’accuser les autres. Regardons nous. Retournons à l’église (ou au temple ou à la synagogue), approfondissons notre foi en Dieu, suivons Sa Parole!

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