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L'Eglise : Foi

Peut-on choisir sa destinée éternelle après la mort, y a-t-il une possibilité d’ « option finale » dans la mort ?

Peut-on choisir sa destinée éternelle après la mort, y a-t-il une possibilité d’ « option finale » dans la mort ?

Non, contrairement à ce qu’enseignent actuellement certains théologiens comme Françoise Breynaert, notamment dans son livre Bonne nouvelle aux défunts (préfacé par Mgr Minnerath), ainsi que le rappelle cet article de Claves :

La doctrine de l’immutabilité de l’âme après la mort est théologiquement certaine, cela est entendu. N’y aurait-il pas cependant une ultime possibilité de conversion dans la mort, c’est-à-dire à l’instant même de la mort ? C’est l’hypothèse d’une « option finale dans la mort », qui a été développée par certains théologiens au XXe siècle[1].

Écartons tout d’abord deux équivoques possibles. L’hypothèse de l’option finale dans la mort n’est pas un développement théologique qui s’appuierait sur les fameuses « expériences de mort imminente »[2]. Elle ne s’intéresse pas non plus aux grâces spéciales dont peuvent bénéficier les mourants en vue d’une conversion in extremis, laquelle intervient par définition avant la mort.

Venons-en à l’hypothèse elle-même. Aux yeux de ceux qui la soutiennent, l’option finale dans la mort est un choix pour ou contre Dieu que chacun fait à l’instant même de sa mort, étant entendu que ce choix implique la possibilité d’une conversion. On voit aussitôt l’intérêt de l’hypothèse. D’une part, la doctrine de l’immutabilité de l’âme après la mort semble respectée, puisque l’option finale n’a pas lieu après la mort, mais dans la mort. D’autre part, l’option finale aurait lieu dans des conditions telles que l’âme bénéficierait d’une grande clairvoyance, puisqu’elle se trouverait libérée des nombreuses infirmités que comporte l’état d’union au corps, qui obscurcissent ici-bas le jugement de l’homme[3]. L’option finale serait ainsi à rapprocher du choix définitif qu’ont fait les anges pour ou contre Dieu, avec une parfaite connaissance des tenants et des aboutissants de leur décision. Dans cette perspective, l’option finale n’est ultime que chronologiquement (elle vient en dernier), mais elle vient en premier quant à la profondeur de la liberté dont jouit l’âme qui s’engage pour l’éternité. On peut alors espérer que, dans la lumière de l’instant de leur mort, de nombreuses âmes prennent conscience de la bonté de Dieu et de la gravité du péché, se convertissent, reçoivent la grâce et obtiennent la vie éternelle.

L’hypothèse de l’option finale a beau être séduisante, elle soulève d’importantes difficultés, que nous pouvons schématiquement ramener à deux objections. La première concerne le statut même de cet « instant de la mort » sur lequel repose l’hypothèse.  La seconde concerne le rôle attribué à la mort et, par conséquent, la conception de la liberté humaine et du salut qui sous-tend l’hypothèse.

Y a-t-il un instant de la mort ?

L’hypothèse de l’option finale postule l’existence d’un instant de la mort dans lequel l’homme se trouverait dans un état en quelque manière intermédiaire entre l’état de voie – caractérisé par l’union de l’âme au corps – et l’état de terme – caractérisé par la séparation de l’âme et du corps. De l’état antérieur, l’instant de la mort retiendrait la possibilité de se convertir, tandis qu’il anticiperait déjà la clairvoyance dont l’âme séparée jouit dans l’état postérieur. L’instant de la mort ne peut cependant appartenir à la fois à l’état antérieur et à l’état postérieur. En effet, l’âme ne peut, dans le même instant être à la fois unie au corps et séparée du corps. Pour éviter la contradiction il faut donc que l’instant de la mort, tel qu’il est conçu par les partisans de l’option finale, n’appartienne ni à l’état antérieur, ni à l’état postérieur.

Malheureusement, ce découpage chronologique, s’il peut éventuellement satisfaire l’imagination, ne se révèle pas conforme à la réalité concrète du temps telle que l’intelligence peut l’appréhender. Une réflexion de saint Thomas à propos de la justification du pécheur – le passage de l’état de péché mortel à l’état de grâce – nous éclaire sur ce point :

[…] on ne peut concevoir de dernier instant en lequel le pécheur a la faute, mais […] on peut concevoir un temps ultime. Par ailleurs, on conçoit de fait un premier instant en lequel il a eu la grâce : cet instant est le terme de ce temps en lequel il a eu la faute. Or aucun intermédiaire ne vient entre un temps et le terme d’un temps.[4]

L’instant de la justification n’est donc pas un instant intermédiaire entre le temps où le péché demeure et le temps où la grâce existe : il est le premier instant du temps où la grâce existe. Quant au temps où le péché demeure, on ne peut lui assigner de dernier instant, mais simplement dire qu’il est borné par l’instant de la justification, qui appartient déjà au temps de la grâce. En affirmant cela, saint Thomas ne se fonde pas sur quelque spécificité que présenterait la justification du pécheur, mais sur la nature même du temps. Il est donc possible de transposer son argumentation au cas qui nous occupe[5].

L’instant de la mort n’est pas un instant intermédiaire entre le temps où l’âme demeure unie au corps et le temps où elle se trouve séparée du corps : il est le premier instant du temps où l’âme se trouve séparée du corps. Quant au temps où l’âme demeure unie au corps, on ne peut lui assigner de dernier instant, mais simplement dire qu’il est borné par l’instant de la mort, qui appartient déjà au temps de la séparation. Ce temps ultime de la vie, borné par la mort, c’est ce que nous appelons dans le langage courant « les derniers instants », c’est « l’heure de notre de mort » que nous évoquons dans le « Je vous salue Marie », mais ce n’est pas l’instant de la mort au sens où l’entendent les partisans de l’option finale. Or, entre ce temps ultime et son terme, qui est le premier instant en lequel l’âme est séparée du corps, aucun intermédiaire ne vient :

[…] la mort est la limite de la vie, mais n’en fait pas partie, comme la digue est la limite de la mer mais n’en fait pas partie, étant le début de la terre ferme. […] En réalité, l’“instant de la mort” n’existe pas, mais il y a seulement un premier instant où l’on est mort et dans lequel on ne peut plus poser les actes d’un vivant. »[6]

L’actualité du salut

S’il n’y a pas d’« instant de la mort », il n’y a pas non plus d’option finale dans la mort. Telle est notre conclusion. Les considérations « techniques » dont elle découle ne doivent pas nous faire oublier ce qui est jeu lorsque l’on s’intéresse à l’hypothèse de l’option finale : rien moins que la conception que nous nous faisons de la liberté humaine et du salut. Mettons donc de côté un instant notre conclusion pour nous pencher sur les implications théologiques de l’hypothèse de l’option finale. Nous pourrons ainsi mettre en valeur, par contraste, l’actualité du salut qui caractérise la doctrine catholique de l’immutabilité de l’âme après – et donc dans – la mort.

L’hypothèse de l’option finale situe donc à l’« instant de la mort », et à cet instant seulement, l’acte dans lequel l’homme agit vraiment comme homme. « Si l’hypothèse est vraie, note le P. Noonan, c’est que l’homme passe toute sa vie à ne pas être vraiment homme. »[7] Sa liberté est en effet à ce point diminuée dans l’état d’union de l’âme au corps qu’il n’est pas capable de s’engager d’une manière en soi définitive à l’égard de l’essentiel, à savoir la fin dernière. Il y a, certes, une tradition théologique plutôt pessimiste quant aux capacités de la nature humaine blessée par le péché originel. Mais il s’agit alors de magnifier l’œuvre de la grâce divine. Or, l’hypothèse de l’option finale manifeste également « une grande défiance par rapport à la puissance de la grâce en cette vie »[8].

En apparence, l’hypothèse de l’option finale se présente comme un motif d’espérance. Elle est en réalité un geste de « désespoir théologique »[9]. Elle est une tentative hasardeuse de réapprivoiser la mort, non pas en la regardant en face et pour ce qu’elle est en soi – une peine que nous subissons en raison du péché originel – mais en évacuant tout ce qui en elle peut gêner : « la difficulté majeure de l’hypothèse se trouve dans son incapacité, ou plutôt son refus, de regarder en face la cruauté de la mort. »[10]

Certes, la mort, qui est un mal en soi, peut devenir un bien sous un certain aspect. Tel est l’exemple que nous donnent la « mort des saints, précieuse aux yeux du Seigneur »[11]et, en premier lieu la mort de Notre-Seigneur. Mais alors c’est pour ceux qui ont bien vécu que la mort est d’une certaine façon un bien[12], pour ceux qui, précisément, ont fait de leur vie le temps de la conversion. La doctrine de l’immutabilité de l’âme après – et donc dans – la mort, souligne en effet que le temps de la conversion est celui de cette vie :

le salut est quelque chose qui nous concerne aujourd’hui. […] C’est ici et maintenant que je décide de mon destin éternel, par le choix concret que je fais en me tournant vers Dieu pour lui obéir et vers le prochain pour l’aimer et l’aider, ou bien en me tournant vers moi-même, refusant d’accepter de Dieu la vie qu’il veut tant me donner par sa grâce miséricordieuse. »[13]

Saint Paul nous donne dernier mot :

Il faut que tous nous soyons mis à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun recouvre ce qu’il aura fait pendant qu’il était dans son corps, soit en bien, soit en mal. […] Voici maintenant le temps favorable, voici le jour du salut.[14]

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