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France : Politique en France

La question du dimanche touche au temporel et au spirituel

Lu dans le dernier numéro de L'Homme Nouveau :

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"Objection éculée : les chrétiens sont libres de ne pas travailler le dimanche, comme ils sont libres de ne pas avorter, c’est leur choix, mais pourquoi imposeraient-ils leurs options à tous ? La question du repos dominical vient concrètement remettre en cause une certaine interprétation de la liberté religieuse et de la laïcité positive. L’État, nous répète-t-on, […] est incompétent en matière religieuse et ne saurait contraindre ou imposer en cette matière ultime et intime qu’il doit néanmoins respecter. C’est vrai en un sens, car c’est le pouvoir spirituel de la (vraie) religion qui a autorité dans l’ordre eschatologique. Mais en ce monde matériel et visible les domaines distincts ne sont jamais séparés au point qu’il n’y aurait aucune rencontre ni intercausalité réciproques.

La fin dernière de l’homme (religieuse) doit éclairer sa fin intermédiaire (politique) et celle- ci, nonobstant sa légitime autonomie et sa consistance spécifique, ne se conçoit bien qu’en étant ouverte, comme médiation, à la fin ultime de l’homme. Fin intermédiaire précisément et non pas dernière, fermée unilatéralement sur elle-même. Cette réciprocité simultanée et (sub)ordonnée implique donc une compétence propre et relative de l’État en matière religieuse, contre l’argument libéral. La preuve par la question du dimanche, qui touche à la fois le plan naturel et surnaturel dans une distinction qui réunit et que le pouvoir politique ne peut vraiment ignorer. Il est révélateur, au reste, de constater que ce sont aussi bien des députés que des évêques qui ont défendu le repos dominical en vertu de ce principe de compétence relative de l’État, c’est-à-dire de discernement en matière religieuse.

T

La respiration (sur)naturelle d’une société dans le temps nécessite forcément le choix d’un jour chômé qui soit le même pour tous indépendamment de la religion ou de l’irréligion de chacun. Avec la loi (morale) naturelle, l’histoire et l’identité d’une nation « imposent » ce jour et ce rythme auquel les minorités doivent elles-mêmes se subordonner malgré des traditions religieuses éventuellement différentes, pour ne pas troubler l’ordre public. Le sophisme du pluralisme ne tient plus devant ce bien commun du dimanche, bien commun de la nation à la fois temporel (laïc) et surnaturel (catholique). Cette culture de l’accord communautaire (national), enracinée dans le passé et le droit naturel, apparaît évidente dans cette nécessité d’un mutuel « seigneur des jours » qui ne soit pas le samedi des juifs ni le vendredi des musulmans…

C’est sans doute plus flagrant encore pour le temps social (linéaire) que pour l’espace social, avec un pays de plus en plus divisé de croyances et tendant au kaléidoscope du multi- communautarisme. Il n’empêche que cet accord identitaire vaut cependant pour toute la politique. Non ! Non, la laïcité libérale, même positive, n’est pas notre sort commun, notre bien commun national ! Non, toutes les religions, et a fortiori toutes les morales, n’ont pas leur place à égalité de droits, quels que soient leur statut, leur ancienneté ou le nombre de leurs fidèles. Non, la juste laïcité de l’État n’est pas « au confluent de la liberté et de l’égalité » (Raffarin) : elle est au confluent du temporel et du spirituel, de la liberté humaine et de la vérité, qu’elle soit divine, historique ou scientifique. Une nation « neutre », sans justes discriminations, sans amis ni ennemis, sans préférences ni tolérances et refus, une nation qui cultive simplement le désaccord (le bouillon de cultures !) et ne sait pas « imposer » son choix communautaire (directement culturel et indirectement religieux) pour tous et pour elle-même, est une nation sans âme, sans devenir, qui met son existence en péril. […] La question du dimanche n’est pas une affaire de liberté publique (religieuse) qui doive laisser l’autorité politique indifférente. C’est une affaire d’État, de salut public, et non pas de liberté publique, où les catholiques, au nom de la Vérité, doivent se mobiliser non seulement pour le bien commun national et notre salut temporel mais pour le salut éternel de chacun."

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8 commentaires

  1. D’accord sur le dimanche et sur la finitude du politique.
    Mais accuser le libéralisme d’imposer par la loi le travail du dimanche pour ensuite demander à l’Etat de l’interdire est une contradiction dans les termes. Soit l’Etat est libéral, et il écoute la société, soit il ne l’est pas et impose la loi à la société.
    Car l’Etat moderne, celui du travail le dimanche, n’est pas libéral, il est avant tout matérialiste et aux mains de lobbys, et par la loi, refuse de prendre en compte les corps intermédiaires, tels que la plupart des entreprises, et l’immense majorité des familles, sur cette question du repos dominical.
    On ne peut se réclamer de la DSE, pour incriminer l’Etat ”libéral” oppresseur, pour ensuite demander au même Etat de revenir à la liberté par un coup de baguette magique.
    Car dans les deux cas, ce qui est oublié, c’est l’existence de la société, telle que conçue selon la DSE, à savoir son droit et sa liberté première, préexistants à l’Etat, de décider de ce qui est conforme à ses aspirations et au bien commun.
    Finalement, ce que demande cet édito, c’est que l’Etat”libéral” se fasse catholique (?), pour imposer à la majorité des Français qui ne le sont plus, de respecter le commandement biblique. Où est le ”libéralisme”, où est la DSE dans un tel raisonnement ?
    [Il s’agit du libéralisme des multinationales qui n’ont que faire du peuple et des petits commerçants et qui sont écoutées par les gouvernants. C’est cet abus que le Pape demande de controller dans sa dernière encyclique. MJ]

  2. Dire que fut un temps pas si lontain où un crucifix trônait au Parlement, et où la prière était obligatoire avant chaque session parlementaire!
    Mais la laïcisation de la société française est telle aujourd’hui (sauf bien entendu chez certains Français venus des pays les plus lointains…) que personne ne pourrait comprendre cet article.
    Je suis prêt à parier qu’une majorité de catholiques ne trouverait pas normal que l’Etat mène ouvertement une politique dans le sens de la doctrine sociale de l’Eglise (et en plus il y a le mot “doctrine”!)… mais Dieu fasse que je me trompe!

  3. Tout cela paraît bien compliqué au citoyen lambda que je suis qui aura bien du mal à en tirer un argumentaire convaincant…
    Amitiés.

  4. ça c’est certain…
    Une civilisation entière qui se construit sur trois lois plus ou moins édulcorées que sont la liberté (travestie en “fais ce que tes instincts te dictent de faire, tant que ça ne va pas contre les instincts d’un autre”), l’égalité (travestie en “tout le monde doit être pareil, et les différences sont supprimées, dans tous les sens du terme”) et la fraternité (travestie en “tout se vaut, les différences ne sont qu’enrichissement, on ne peut pas critiquer la façon de penser de son frère”), n’a pas d’avenir…
    L’occident suit de près son ancêtre romain…

  5. Nous sommes trop absents des combats de la cité, par cette juste méfiance, cette aversion naturelle vis à vis de la démocratie. A force de rester sur la “touche”, ce sont les ennemis de l’Eglise qui défont les fondements de nos anciennes sociétés chrétiennes et qui privilégient le profit sur le social…Ce qu’ils croient d’ailleurs être le profit car il faut appartenir à la classe des nantis comme nos gouvernants et les dirigeants de la pseudo opposition de gauche pour croire que les français pourront dépenser davantage en travaillant le dimanche. Le feraient-ils, que l’absence de protection douanière entraînerait essentiellement une fuite complémentaire de devises…Il est temps de nous organiser localement pour faire du lobbying contre la mise en eouvre de cette loi, puisqu’elle ne sera applicable que sous réserve d’une demande d’éligibilité adressée au préfet de région par le maire. Je signale ici l’Association Marnaise Christianisme et Société que je suis en train de constituer afin d’essayer d’impliquer les catholiques marnais, à commencer par les tradis ( ce qui n’est d’ailleurs pas sans mal…), et plus globalement les catholiques, qu’ils soient ou non de nos mouvances.Sans attendre une constitution sur le fondement de la loi de 1901 sur les associations, j’ai écrit au nom de cette association à plusieurs élus ainsi qu’au préfet de la Marne. S’agissant de la lettre au représentant de l’Etat, il s’agissait d’inviter ce dernier à intervenir contre Carrefour Cernay qui a annoncé une nouvelle “ouverture exceptionnelle” pour le 27 septembre en l’assortissant d’un bon de réduction valable jusqu’au 27/9…comme c’est curieux.
    Merci aux Marnais de prendre contact avec moi s’ils veulent rejoindre l’association pour ce travail de lobbying qui ne concernera pas uniquement la loi Mallié précitée.

  6. Action dans la cité. Pour prendre contact avec Association Marnaise Christianisme et société:
    [email protected]

  7. @ Michel JANVA
    Je comprends bien le sens de votre objection, fondée sur le constat de l’attitude de certaines entreprises et groupes de pression financiers, et sur la préconisation du Saint Père sur ce sujet.
    Mais ces entreprises ne sont pas inspirées par le libéralisme, doctrine qui suppose l’accord des parties contractantes. Ce qui répondrait d’ailleurs aux conditions de méthode de la DSE, sur l’autonomie première des corps sociaux naturels par rapport à l’Etat.
    Or, dans le cas du travail le dimanche, ces intérêts privés, mus par l’esprit de rentabilité, ne contractent pas avec les corps sociaux concernés : ils utilisent la puissance de l’Etat pour les obliger par la loi. Ce n’est ni libéral, ni conforme à la DSE, c’est un cas typique de relativisme moral et de matérialisme.
    Le libéralisme n’est pas en soi la doctrine du travail le dimanche : voilà pourquoi les régimes communistes aussi faisaient et font encore travailler le dimanche.

  8. Sur le principe, tout à fait d’accord avec vous.
    Pourtant, en plus des professions qui exigent un travail le dimanche aussi (médecins, infirmiers…), il faut avouer que nous sommes parfois bien contents de trouver un restaurant ouvert (qui permet aux mères de famille de se reposer et n’avoir pas la précipitation du repas après la messe), une boulangerie-pâtisserie…
    Par ailleurs, une autre personne m’a fait remarquer que des gens qui n’iraient de toutes façons pas à la messe, qui ne cherchent pas à se cultiver, sont ravis de faire leur ballade familiale en déambulant dans des centres commerciaux (au lieu de s’avachir devant la télé ?)…
    J’ai du mal à contrer ces arguments.

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