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Bioéthique

Nous avons le devoir de nous lever et de crier. Ne demandons pas le laisser passer des autorités. Ne comptons pas sur la recommandation des prélats

Nous avons le devoir de nous lever et de crier. Ne demandons pas le laisser passer des autorités. Ne comptons pas sur la recommandation des prélats

Le 10 mars, le Centre Interculturel de Décines organisait une journée de réflexion sur la PMA et la GPA. Rassemblant juifs, chrétiens et musulmans, cet événement a laissé la parole à plusieurs intervenants dont Olivier Gosset, professeur de Lettres chez les Maristes. Celui-ci s’est chargé d’expliquer à l’auditoire le point de vue de l’Eglise sur l’ensemble de ces questions. Le texte qui suit est le compte rendu de son intervention.

Vous le voyez, je n’ai pas honte de l’Évangile. Saint Paul, Épître aux Romains, I, 16.

De quelque côté qu’on la prenne, la PMA pour couples de femmes pose deux questions. Comme promesse d’engendrement, elle nous interroge sur l’origine de chaque vie. Comme satisfaction d’une revendication, elle envisage une forme de justice. Mater et Magistra, l’Église s’occupe de ces sujets. Experte en humanité, elle dit ce que nous sommes, en déduit ce que nous devons. Ontologie et justice étant liées, le magistère déploie sur ces questions un enseignement qui édifie, instruit et déconstruit nos présupposés.

La Genèse conte l’origine. Elle montre un Dieu bon, créateur et juste. « Dieu », assure le texte, « créa l’homme à son image». L’espèce humaine, ressemblance et icône de la divinité, est créature qui se distingue de qui le crée. L’homme est un être séparé,isolé, solitaire. Différent, il redouble ce clivageoriginel par le fait de la sexuation. « Homme et femme », poursuit le récit, « Dieu les créa ». La distinction de l’humain d’avec Dieu s’augmente d’une distinction de l’homme d’avec la femme. Être créé, être dépendant,l’humain est ainsi une créature différente detoutes les autres, qui vit charnellement le fait de l’altérité. Cette scission aurait dû êtredrame, elle sera richesse. En effet, ce n’estque lorsque le couple est institué que Dieu prend parole et s’adresse à l ‘humanité. « Dieu les bénit », raconte La Bible, « et leur dit : multipliez-vous, remplissez la terre ». La sexuation permet la relation, la relation autorise la fécondité et cette fécondité promet le peuplement. Parce qu’il est l’autre de Dieu, parce qu’il est l’autre du sexe qu’il n’est pas, l’humain est être manquant et donc s’unissant. Son altérité l’oblige à fuir la solitude, sa différence le conduit à l’alliance.Et de l’union viendra la génération, de la génération sortira la multitude. Mais cette royauté n’est pas sans responsabilité. « Ayez autorité », enjoint en effet Dieu, « sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et sur tous les animaux qui vont et viennent sur la terre ». Intendant de la Création, le couple humain reçoit du Créateur la mission de gouverner les diverses espèces, séparées les unes des autres comme elles se séparent de lui. Homme et femme sachant prix et fruit de l’altérité sont institués gérants et garants de la diversité.

L’humanité est cette espèce différenciée qui est faite gardien d’un ordre étagé où chaque élément a sa place, joue son rôle. Le récit biblique pose alors, dans cette genèse du monde, des principes qui sont lois : souveraineté du divin, spécificité de l’humain qui n’est pasDieu, responsabilité des sujets créés à qui sont confiés l’intendance et l’administration des autres vivants. Quand Dieu crée, il sépare. Séparant, il ordonne. Et ordonnant, il demande à celui qui est à son image et à sa ressemblance de veiller à l’agencement du monde. La Genèse est plus qu’un récit, c’est un code de conduite. Sachant d’où il vient, l’homme sait ce qu’il doit. Venant d’un Dieu juste, il est posté en sentinelle de justice.

Aussi est-ce pour cette raison que l’Église a toujours fait de la justice une de ses missions. Poursuivant l’œuvre de Dieu sur terre, elle veille à l’équité et à la bonne répartition des biens. De la justice, le Catéchisme de l’Église catholique dit ceci : « La justice est la vertu morale qui consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû ». Les termes choisis sont éloquents et surprennent. Ici, la justice n’est pas un droit, c’est une force. Elle n’est pas un bien à conquérir mais un devoir à accomplir. Elle n’est pas la promesse d’une égalité, mais la rétribution d’un dû. Est juste pour l’Église le fait de redistribuer ce qui revient à chacun. L’homme juste ne réclame rien, il s’acquitte de tout. Un monde juste n’est pas un monde égal, c’est un monde équitable. Tout est proportionné à la nature, à la mission, et au besoin de chacun. Et le Christ incarne cette logique, proclame cette nécessité. C’est lui qui dit qu’il faut rendre à César ce qui lui revient et à Dieu ce qui lui incombe. C’est aussi lui qui raconte comme le bon pasteur a obligation de négliger les 99 brebis pour aller chercher l’unique qui s’est égarée. C’est encore lui qui raconte que le vieux père qui s’est vu dépossédé de la moitié de son héritage fait fort bien d’attendre son ingrat de fils sur le pas de sa porte. Le chrétien pense qu’il est injuste de donner la même chose à tous. Le chrétien estime qu’il est inique d’octroyer les mêmes droits à des personnes qui n’ont pas les mêmes devoirs. Qui a eu peu d’amour doit en recevoir plus que les autres. Et qui a beaucoup reçu doit donner davantage. Cette justice n’est pas égale pour tous, elle est profitable à chacun. Dieu n’est pas comptable, il aime sans compter.

On conçoit ici comme le projet d’une PMA pour couples de femmes se heurte de plein fouet aux principes de cette sagesse. Celle-ci n’est pas conforme à l’humanité voulue par le Créateur : deux femmes prétendant engendrer à elles seules et à elles deux nient le fondement de l’altérité. Le même s’unissant au même évacue cet autre, qui est le masculin. Fruit de cette mise à l’écart, la PMA pour couples de femmes génère une injustice patente. Purement féminine, la parenté instituée est matriarcat qui nie le mâle. Ergo : le père,non nécessaire, devient artifice de la lignée,instrument factice. Pis encore : à l’enfant,issu de deux femmes, sera ôtée la possibilité d’être conduit par une paternité. On voit alors comme le droit des femmes nie celui des hommes. On voit aussi comme ce droit à l’enfant outrepasse celui des enfants. Onvoit enfin que l’articulation troublée de la filiation génère l’injustice infligée aux fils et filles. Si elle induit une humanité sans origineni distinction, la PMA pour couples de femme institue une humanité injuste.

On objectera que ces arguties pèsent bien peu en ce monde que l’on dit sans Dieu. A quoi bon le catéchisme en une terre débaptisée ? Dans les temps incertains, l’Église a toujours accompli sa mission prophétique. Le Christ n’a pas attendu l’assentiment de tous pour prendre parole. A temps et à contretemps, il arpentait les routes, vitupérait les hypocrites, proclamait le Royaume. A nous de faire de même. Sel de la terre et lumière du monde, nous avons le devoir de nous lever et de crier. Ne demandons pas le laisser passer des autorités. Ne comptons pas sur la docte, prudente et convenue recommandation des prélats. Pour la mission,le Christ et les saints suffisent. N’exigeons pas d’être prêts, n’espérons pas être forts : partons et mettons-nous en route. Voyez Saint François. Voyez la bergère de Domrémy. Voyez le Baptiste enfin. Ne sommes-nous pas par le baptême prêtres, prophètes et rois ? N’avons-nous pas obligation du témoignage ? Si nous ne portons les impératifs de la Parole, qui le fera ? Gageons plutôt que, montrant au monde quelle humanité nous avons reçue de Dieu, le monde verra notre Dieu en cette humanité que nous chérissons. Opposons au drame des créatures blessées par l’indistinction des sexes et l’éradication des origines la beauté d’une Création sexuée, différenciée, ordonnée et s’originant dans l’Autre. Osons cela pour notre Église, faisons-le pour notre monde. « Que votre lumière », conseillait le Christ à ses disciples du chapitre V de L’ Évangile selon Saint Matthieu, « brille devant les hommes : qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils rendent gloire à votre Père qui est dans les Cieux ». Le monde qui vient s’annonce sans père ni repères. Nous en sommes les enfants, il nous faut en rappeler la naissance. S’il est des femmes qui veulent à toute force s’instituer en couples de mères, redisons à tous ce que nous savons de la loi du Père.

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