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Pays : Chine

Note du CAP de l’ISSEP : « La Chine du XXIème siècle : enjeux et perspectives pour les Européens. »

Note du CAP de l’ISSEP : « La Chine du XXIème siècle : enjeux et perspectives pour les Européens. »

En voici le début :

La pandémie de Covid a révélé au grand jour toute l’étendue de la puissance chinoise mais aussi, de manière plus décisive, la volonté de Xi Jinping d’affirmer cette puissance de manière désinhibée, n’hésitant plus à remettre en cause les statu quo, à contester les équilibres géopolitiques, avec pour conséquence des comportements particulièrement agressifs notamment vis-à-vis de la France.

La place dominante occupée par la zone Asie-Pacifique dans les activités économiques internationales et, en son cœur, la Chine, nous oblige à nous interroger, dans ce contexte volatile, sur notre relation avec ce pays, et sur les moyens de préserver nos intérêts nationaux. […]

Conclusion :

En réalité, la Chine est un « rival systémique » pour l’Union européenne, comme pour les Etats-Unis, et un « compétiteur systémique » pour toutes les puissances de moindre envergure, ou une simple « puissance hégémonique » pour les autres pays n’ayant que des parcelles de puissance à disposition. Pour cette raison, elle dispose d’une dimension politique incontournable dans les relations diplomatiques, qu’il convient de faire peser de façon ad hoc en fonction de nos intérêts et de ceux de nos interlocuteurs : s’il peut être utile par exemple de faire valoir des alternatives aux projets chinois des Nouvelles routes de la soie dans certains cas, il peut être utile dans d’autres cas d’appuyer des initiatives chinoises qui peuvent présenter un intérêt intrinsèque, quitte à s’opposer aux Etats-Unis. Ce fut le cas, de manière dramatique, lors de l’invasion américaine en Irak : la perspective serait alors inversée, si la Chine était à l’initiative dans une opposition de ce type. Notre intérêt national, en somme, est de peser à chaque fois le pour et le contre, sans s’enfermer dans des postures ou des systèmes rigides, et de faire jouer intelligemment une forme de concurrence, tout en évitant de créer des situations de surenchère et d’escalade qui pourraient avoir des conséquences désastreuses.

A ce titre, le cas de Taïwan est emblématique : le soutien à cette île correspond à nos intérêts mais doit dûment prendre en compte la sensibilité à fleur de peau de Pékin à ce sujet. D’un côté, forte de sa démocratie dynamique et de la transparence dans sa gestion de l’information (à l’inverse de Pékin), l’île s’est imposée comme le meilleur modèle dans le monde en matière de prévention et de lutte contre le Covid-19 avec une croissance encore supérieure à celle de la RPC en 2020 (+3.3%). Il est donc possible et dans notre intérêt de soutenir ce modèle de démocratie à la chinoise. C’est également souhaitable pour le reste du monde, si l’on en croit le chercheur français Frédéric Keck[3], les techniques de prévention des pandémies sont ainsi largement développées dans le monde chinois hors de Chine continentale, à Hong-Kong, Taïwan et Singapour et il est vraisemblable que cette pandémie de Covid-19 aurait pu être évitée si des techniques de gestion transparentes avaient été mises en place. La capture de Taïwan par la Chine continentale renverserait en effet les équilibres stratégiques régionaux, donnant un avantage crucial vis-à-vis du Japon (l’équivalent d’une plateforme d’attaque avancée comme les Américains l’avaient bien compris dans leurs propres plans d’invasion en 1945), mais également vis-à-vis des Etats-Unis dans le Pacifique et surtout de l’ensemble des autres pays de la région. Or, l’Asie-Océanie étant le poumon économique du monde, il semble absolument essentiel d’y faire prévaloir un mode de gestion non-hégémonique, donc non dominé uniquement par la Chine. D’un autre côté, un soutien trop marqué à Taïwan, notamment dans le domaine militaire ou des provocations trop inacceptables pour Pékin, pourrait également pousser Pékin hors de ses gonds et ainsi susciter une attaque militaire avec une possible escalade régionale, voire mondiale, aux effets désastreux.

De l’autre côté du spectre, on peut entrevoir pour l’avenir des dossiers pour lesquels les appétits pékinois pourraient être harnachés en phase avec nos intérêts. Pékin a déclaré, au mois de mars dernier, vouloir prendre le relais pour faire aboutir le processus de paix au Proche-Orient, c’est-à-dire principalement la conclusion d’accords de paix entre Israël et la Palestine et donc mécaniquement avec leurs voisins dans la région. Si cette perspective reste aujourd’hui purement déclaratoire, le poids économique de la RPC dans la région, son capital politique encore relativement préservé sont des éléments qui pourraient peut-être en faire un jour un acteur politique majeur au Proche-Orient, avec notamment une capacité d’investissement qui, sous certaines conditions, pourrait contribuer à stabiliser la région. Un acteur en tout cas pas moins crédible que les Etats-Unis et leur passif dans cette région du monde…

La France, puissance moyenne mais dotée d’un capital politique et diplomatique considérable, peut également jouer un rôle déterminant, en cultivant cette distance raisonnée entre Pékin et Washington, en intervenant au besoin comme un « honnête courtier » entre les deux parties. 70 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la réalité d’un conflit ouvert peut paraître évanescente et improbable à ce siècle encore jeune : ce n’est pourtant pas par hasard si cette perspective est évoquée avec le plus grand sérieux par tous les analystes, qu’ils soient chinois, américains ou européens. Il est donc dans notre intérêt de participer activement à la « gestion de cette compétition stratégique », concept évoqué par l’ancien Premier ministre australien (et excellent sinophone) Kevin Rudd, en février dernier lors du forum de Lanting, en Chine, en présence du conseiller aux affaires d’Etat Wang Yi (équivalent de notre ministre des affaires étrangères).

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