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Pays : Syrie

Mhardeh est en train de mourir à petit feu, en silence

Mhardeh est en train de mourir à petit feu, en silence

Vendredi 15 février, nous arrivons à Mhardeh et la nuit s’apprête à tomber sous une pluie d’hiver. Quand nous entrons dans la ville, les rues sont presque désertes. A peine le point de contrôle dépassé qu’un coup de téléphone nous invite à rejoindre Monsieur Simon dans son centre de commandement. 

Ici pas de bunker, pas de double vitrage, les lieux sont simples et les moyens rustiques. A l’approche du bâtiment, on devine Monsieur Simon en pleine réunion. Debout au milieu de nombreux civils en uniforme, c’est bel et bien le Chef de guerre qui s’adresse à ses hommes. Le ton monte, les ordres sont donnés, la situation est à l’urgence, Mhardeh est sur le pied de guerre.

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 Monsieur Simon abandonne ses hommes pour nous recevoir dans son bureau où nous l’attendons, l’accueil est chaleureux. Il nous explique que beaucoup de nouveaux volontaires sont venus grossir les rangs de la Défense nationale. Il nous reçoit comme ses fils. Son accueil, son sourire, ses mots, mettent toujours à l’honneur SOS Chrétiens d’Orient. Même si nous n’avons pas les moyens de réaliser des projets dans une zone encore trop sensible, il est toujours touché par notre présence, surtout dans les moments les plus difficiles.

Ce soir-là, Monsieur Simon ne pouvait se retenir d’exprimer sa révolte ! Il a sacrifié tout ce qu’il avait pour la défense de la ville et encore aujourd’hui c’est à ses propres frais et ceux de ses hommes que la résistance est assurée : les véhicules, l’essence, la nourriture, les vêtements, le temps, l’espoir, la vie de famille, la vie tout court…Il évoque également la jeunesse locale qui a dû abandonner ses cahiers et ses stylos pour prendre la kalashnikov. Il évoque aussi les maigres salaires de ces pères de famille qui ont dû quitter leur emploi pour mener le combat contre les égorgeurs.

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Plus tard, nous regagnons la maison de Monsieur Simon où nous continuons de discuter de la situation. Sa femme, Rima, me reçoit elle aussi comme son enfant et Monsieur Simon de retour auprès des siens reprend de suite son rôle de père et de grand père. Nos retrouvailles avec la famille sont vite perturbées par des sons inquiétants qui grondent dans les cieux. Ils viennent les fendre dans un bruit déchirant pour quelques secondes plus tard laisser entendre une déflagration. Nous prions alors pour que les dégâts ne soient que matériels. Le son des explosions se font plus proches, puis…plus rien. Le lendemain matin au réveil, même scénario, des sifflements, des déflagrations, des sons qui annonce la mort qui se rapproche.

Les missiles passent au-dessus de la maison pour en détruire une autre quelques rues plus loin. La peur qu’un obus arrache la pièce et fasse voler les vitres en éclat pousse les invités tout juste arrivés à quitter le salon à vive allure pour se précipiter dans la cuisine. Les femmes sont tremblantes et les conversations sont entrecoupées par des moments de silence chaque fois qu’un missile se fait entendre… On ne sait pas où ça va tomber, les terroristes tirent à l’aveugle. Les cibles ne sont pas des points militaires, ce sont les habitations, les commerces, les rues passantes…les civils. Quatre obus sont tombés autour de la maison. Au même moment, des attaques avaient lieu sur une dizaine de villes alentour. La réplique de Monsieur Simon ne s’est pas faite attendre ! Très vite des missiles sont envoyés en direction des positions terroristes. On entend les départs de mortiers et de missiles grad. La riposte est ferme mais les djihadistes d’en face n’en restent pas là, ils répondent à leur tour.

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Pendant ces échanges de feu qui durent toute la journée, je profite d’un « temps mort » pour quitter la maison en compagnie de Madame Rima afin de fournir farine, sucre et huile en quantité abondante à son association d’aide aux plus pauvres. Les femmes de cette association ont décidé, durant la guerre, de confectionner des petits gâteaux qu’elles revendent pour en reverser les bénéfices aux plus démunis, notamment à des familles de martyrs. Enfermées dans la cuisine de ce centre, ce sont des visages terrifiés que nous découvrons en apportant le matériel. Il ne faut pas traîner ! Les cafés et les échanges chaleureux ne doivent pas nous faire oublier qu’il y a un chemin retour à effectuer et qu’il est périlleux.

Monsieur Simon et moi arrivons à la maison en même temps. Je viens de distribuer de la nourriture et lui des missiles. En riant, il me fait écouter un enregistrement provenant d’une discussion interceptée entre terroristes où l’on entend dire :

« Frappez les églises, frappez les églises, ces porcs de chrétiens sont dans les églises »…

Depuis l’été 2018, un cessez-le-feu a officiellement été décrété par les Russes et les Turcs à la demande des terroristes… Les Turcs qui sont à l’intérieur des positions terroristes ont installé de nombreux centres d’observation. Quant aux Russes, ils encerclent la poche d’Idleb du côté gouvernemental avec les soldats de l’armée arabe syrienne.

Pourtant, cet accord de paix est sans cesse rompu par les attaques répétées d’al Nosra et leurs affiliés qui ciblent lâchement les civils aux moyens d’obus, de roquettes et de missiles…

Ailleurs dans le pays, la paix est revenue, la vie a repris son court, le pire est désormais derrière mais pour d’autres, l’enfer continue et il est quotidien…

Habitué à vivre dans une Syrie redevenue paisible, j’avais oublié les sensations d’un tel climat de peur et d’angoisse. J’avais oublié cette ambiance de mort. Je l’avais bien connue lors de mes passages réguliers à Alep entre 2015 et 2017, aux moment les plus forts de cette longue bataille jusqu’à sa libération. Je l’avais bien connu également dans d’autres circonstances comme durant ces heures de routes angoissantes à sillonner le pays de long en large, frôlant les zones détenues par l’organisation Etat islamique et Al Nosra.

A moi aussi il m’arrive d’oublier que malheureusement nombreux sont ceux pour qui rien n’est fini !

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Je ne m’adresse pas à vous pour vous culpabiliser mais pour vous indigner avec moi. Le silence des médias est accablant, surtout quand il nous répète que tout est terminé en Syrie ! En réalité ici on continue de tuer en silence, personne n’est là pour rapporter les faits.

N’attendez pas que les médias interviennent pour ne parler que des civils de la région d’Idleb pour vous intéresser à Mhardeh. Ne faisons pas la même erreur que pour les batailles d’Alep et de Damas ! Vous devez réaliser que Mhardeh est en train de mourir à petit feu…

Aujourd’hui nos frères meurent en silence et seuls vous, pouvez nous aider à atténuer leurs souffrances. On a besoin de vous, de vos prières, de votre aide, de vos dons.

Aidez-nous à soutenir Mhardeh ! Aidez-nous à soutenir ses habitants !

Alexandre Goodarzy, chef de mission en Syrie.

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1 commentaire

  1. le vatican sait il où se trouve ce village?

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