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Europe : politique

L’UE : “une variante européenne tardive de l’Union soviétique”

Ulrich Beck, sociologue et philosophe, qui s'est exprimé à de nombreuses reprises en faveur d'un Etat supranational et d'un Parlement mondial, s'interroge dans Le Monde sur la crise de l'euro :

U"une question angoissante vient se nicher furtivement : ce qui est censé sauver l'euro va-t-il abolir l'Europe démocratique ? L'Union européenne "sauvée" ne sera-t-elle plus l'Union européenne telle que nous la connaissons, mais un Empire européen dominé par l'Allemagne ? Cette crise sans fin va-t-elle accoucher d'un monstre politique ? […]

Ce n'est pas seulement la structure du pouvoir qui a durablement changé, mais c'est une nouvelle logique de pouvoir qui émerge. Voici à quoi ressemble la nouvelle "Europe de Merkel"(Der Spiegel du 31 octobre) : le pouvoir obéit à une logique d'empire, non pas militaire mais économique, qui établit une différence entre pays débiteurs et pays créanciers (c'est pourquoi, il est absurde de parler de "IVe Reich"). Son fondement idéologique est ce que j'aimerais appeler l'euronationalisme allemand, soit une version européenne du nationalisme du deutschemark. C'est ainsi que la culture allemande de la stabilité est élevée au rang d'idée européenne dominante. La stabilisation du pouvoir hégémonique repose sur l'assentiment des pays européens indépendants. […] Angela Merkel a décrété qu'une perte de souveraineté était le prix à payer pour un endettement démesuré. […]

Le multilatéralisme devient ainsi unilatéralisme, l'égalité hégémonie, la souveraineté retrait de souveraineté, la reconnaissance de la dignité démocratique d'autres nations dépossession de cette reconnaissance. Même la France, qui a longtemps dominé l'Union européenne, doit à présent suivre les préconisations de Berlin parce qu'elle craint aussi pour son triple A. Cet avenir, qui germe dans le laboratoire du sauvetage de l'euro, dont il est pour ainsi dire un effet secondaire intentionnel, ressemble effectivement, j'ose à peine le dire, à une variante européenne tardive de l'Union soviétique. L'économie planifiée centralisée ne consiste plus ici à élaborer des plans quinquennaux pour produire des biens et des services mais pour réduire la dette. Leur application est confiée à des "commissaires" qui, sur la base de "mécanismes de sanction" (Angela Merkel), sont habilités à tout mettre en oeuvre pour détruire les villages Potemkine de pays notoirement endettés. On connaît le destin de l'Union soviétique. […]

Comme toujours, le mot "pouvoir", tabou en Allemagne, est remplacé délibérément par "responsabilité", le mot préféré des Allemands. […]"

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