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Bioéthique

L’instrumentalisation des utérus a déjà connu un certain succès : l’alibi était eugéniste

En écho à un article publié dans Le Monde daté 15 décembre portant sur un projet de légalisation du recours aux mères porteuses soutenu par d'estimables personnalités, Hélène Goutal-Valière a répondu :

"Pendant plus de quinze ans il m'a été donné de travailler comme psychothérapeute dans un service de pedo-psychiatrie parisien (à l'hôpital Henri Rousselle) avec des enfants adoptés nés sous X ou dont la filiation maternelle s'était perdue (orphelinats étrangers). Il faut préciser que ces enfants avaient été adoptés très précocément par des familles de bonne qualité humaine et affective tout à fait attentives à leur évolution intellectuelle et à leur confort psychique. Ces enfants "allaient bien", au sens le plus général du terme, ils ne présentaient aucune pathologie particulière mais arrivaient dans notre consultation du fait d'une profonde souffrance existentielle méconnue […]. Ces symptômes concernaient principalement la sphère des apprentissages scolaires, caractérisés par des comportements pseudo-caractériels, des passages à l'acte, des épisodes d'angoisse et de dépersonnalisation. Les questions sur les origines, la curiosité sexuelle sur les conditions de leur conception, noyau de la curiosité intellectuelle et de la permission de penser, sans réponse et vides de représentation, restaient un noyau traumatique jusqu'à ce que penser – apprendre – devienne à des degrés divers un objet d'évitement. Ce n'est qu'après plusieurs années d'expérience clinique au plus près de ces jeunes patients que notre attention a été attirée par la récurrence statistique de cette configuration originelle singulière.

M Que ces situations, que nous tentions de comprendre et d'élaborer existent du fait des infortunes de la vie est une chose. Qu'on veuille les créer expérimentalement semble relever d'une ignorance ou d'un refus de prendre en compte les conséquences psychiques dont les enfants à venir ne manqueront pas de faire les frais. Mon point de vue sur la question des mères porteuses n'a donc rien d'idéologique. […]

Prétendant justifier le recours aux mères porteuses pour les couples médicalement ou techniquement (de même sexe) infertiles, c'est l'alibi compassionnel qui prévaut ici. Cependant dans la mesure où elle engage la vie d'un tiers à naître, la revendication d'un droit à faire fabriquer un être humain au profit d'un tiers exclut l'enfant à venir de cette belle humanité et de cette merveilleuse empathie. […] Ne soyons pas dupes : l'instrumentalisation des utérus au bénéfice d'un tiers dans le cadre d'une législation et de critères strictement définis a déjà connu un certain succès. L'alibi était alors eugéniste. Il suffisait d'être consentant(e), blond(e), et "aryen(ne)". Les cliniques s'appelaient des Lebensborn, et le tiers, l'Etat, le troisième Reich. Malheureusement soixante-dix ans plus tard les enfants (allemands) nés dans ces conditions expérimentales de gestation anonyme pour autrui restent encore cruellement hantés par l'irreprésentable de leur origine."

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