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Histoire du christianisme

L’idéologie du bon sauvage dans l’Eglise ou le mythe de l’âge d’or de l’Eglise primitive

L’idéologie du bon sauvage dans l’Eglise ou le mythe de l’âge d’or de l’Eglise primitive

Dans son nouvel ouvrage, La Fin d’un monde, Patrick Buisson dresse un bilan implacable des 15 piteuses, les années 1960 à 1975, période qui a vu la fin du monde paysan, la crise de l’Eglise et de la foi, la dissolution de l’autorité, la destruction de la culture populaire et d’un art de vivre.

L’auteur liste longuement les bouleversements qui ont marqués l’Eglise de l’intérieur, avec la tenue du Concile Vatican II, la réforme liturgique, le bouleversement du cycle sanctoral et la suppression de nombreuses fêtes du calendrier (dont celle de sainte Philomène), la forte baisse des vocations sacerdotales et la génération des prêtres défroqués, l’abandon de la soutane et du latin, la fin des dévotions privées comme le chapelet, la trahison des clercs et sa gauchisation, la guerre incessante faite au sacré, le néo-cléricalisme d’un milieu néobourgeois puisant ses sermons dans Télérama ou La Vie (qui s’appelait encore catholique...) et supprimant des traditions millénaires (les rogations, les processions diverses, les feux de la St Jean…) au profit d’innovations douteuses, l’iconoclasme (reliques, statues, oriflammes, ex-voto, bancs de communion, candélabres, confessionnaux…), les absolutions collectives et la guerre aux baptêmes des nouveaux-nés, la disparition de l’enseignement sur les fins dernières et sur le péché, l’ouverture du diaconat permanent aux hommes mariés, le primat accordé à la conversion sur l’action de la grâce par les sacrements, l’insistance à faire de la foi une pratique individuelle plus que collective avec la suppression d’un certain nombre d’oeuvres paroissiales et notamment les confréries…

Patrick Buisson dénonce le discours, que nous avons tous entendus, de ces néo-théologiens, qui considéraient que le départ de nombreux chrétiens étaient une chance, “un moyen de purifier le catholicisme“, permettant de recentrer l’Eglise autour du ‘kérygme’, avec des chrétiens possédant une “foi adulte“, regroupés en “communautés vivantes“, nouvelles “pierres vivantes” d’une Eglise qui allait enfin se réconcilier le monde…

Dans cette vision d’une Eglise primitive comme norme refondatrice de l’Eglise en crise, le bon chrétien du Ier siècle remplissait très exactement la même fonction que le bon sauvage chez les philosophes des Lumières au XVIIIe siècle. C’était la référence  qui permettait de dégager un contre-modèle. Le bon sauvage corrompu par la société était à l’image de ce que l’institution ecclésiastique avait fait du chrétien par dégradation, altération, décomposition. Revenir à la source originelle nécessitait qu’on l’en dégageât des tares et des erreurs des siècles précédents qui en obstruaient l’accès.

50 ans après, le bilan est à la fois terrible et sans appel pour cette génération aveuglée par le mythe du progrès et de la modernité (et dont nous ne sommes pas sortis). Et Patrick Buisson souligne que ce mythe de l’âge d’or dans l’Eglise, que certains font remonter à la période pré-constantinienne, et qui a justifié la mise au rebut de pratiques pourtant enracinées, jetant aux orties tout l’apport (théologique, liturgique, populaire…) du Moyen-Âge et du Concile de Trente, est un lieu commun de l’histoire de l’Eglise et de ses hérésies :

Des cathares du XIIIe siècle au clergé constitutionnel sous la Révolution française, qui fit des vertus évangéliques imitées des premières communautés chrétiennes le fondement de son action “régénératrice”, en passant par les austères jansénistes du XVIIe siècle, tous s’étaient réclamés d’une étroite filiation avec l’Eglise primitive. Tous en avaient appelé peu ou prou à une purification, à un christianisme pneumatique dégagé de la gangue du plus grand nombre, à une église de perfecti qui se consolerait des pertes quantitatives par la qualité de ses fidèles parvenus à un haut degré de perfection spirituelle.

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