Partager cet article

Pays : International

Liberté religieuse et instrumentalisation des Eglises

Liberté religieuse et instrumentalisation des Eglises

L’universitaire Raphaëlle Auclert a traduit ce texte de l’historien américain orthodoxe Matthew Heimbach. Bien sûr, nous, catholiques, ne sommes pas directement concernés par les débats internes à l’orthodoxie, et bien sûr certains jugeront ce point de vue trop unilatéralement favorable à l’orthodoxie russe, mais ce texte mérite d’être lu pour mesurer la complexité de ces débats ecclésiologiques d’un côté et politiques de l’autre – et à quel point la revendication de liberté religieuse peut faire l’objet de manipulation politique (il n’est d’ailleurs pas insignifiant que la Russie et les Etats-Unis se présentent tour à tour, ou simultanément, en champions de la liberté religieuse dans le monde…)!

 

On sent que l’atmosphère s’électrise. L’opinion publique mondiale a les yeux rivés sur le front de l’est, dans l’attente fébrile d’une percée décisive. Les chancelleries s’agitent et le ballet des soutiens à Kiev s’accélère. Pour s’en convaincre, penchons-nous un instant sur l’agenda international. Outre-atlantique, du 31 janvier au 4 février s’est tenue à Washington une « semaine ukrainienne » qui a rassemblé divers intervenants : soldats ukrainiens blessés et membres de la diaspora ukrainienne, alors même que des officiels américains avaient annoncé le 31 janvier une enveloppe de 2 milliards d’aide à l’Ukraine incluant pour la première fois des missiles de longue portée.

A Kiev s’est ouvert le vendredi 3 février un sommet UE-Ukraine pour « permettre à l’Europe de croire en la victoire ukrainienne », ainsi que l’a déclaré le premier ministre de Zelensky Denys Chmygal. Il intervient quelques jours après que les Européens ont accepté de livrer à l’armée ukrainienne une centaine de chars lourds extraits de leur arsenal. En outre, ces derniers jours ont été marqués par la visite surprise du président ukrainien à Londres, Paris et Bruxelles pour appuyer cette demande.

Dans ce contexte, la tenue les 31 janvier et 1er février du premier Sommet international pour la liberté religieuse (International Religious Freedom Summit), orchestré par la crème de l’establishment américain et accueillant l’Ukraine en invité d’honneur, ne doit rien au hasard. Et force est de constater que ces débats religieux ne sont que la continuation de la politique étrangère américaine par d’autres moyens. Reportage en immersion par Matthew Heimbach, jeune historien et enseignant américain de confession orthodoxe.

Le sommet international 2023 pour la liberté religieuse s’est ouvert à Washington 

Les premiers jours du Sommet international sur la liberté religieuse ont clairement indiqué que le but de ce sommet n’était autre que la poursuite des politiques belliqueuses de Washington et de sa propagande d’État. Pour preuve, des Ukrainiens liés au gouvernement de Kiev devaient « [participer] à des événements majeurs tels que le Sommet international sur la liberté religieuse et le petit-déjeuner de prière ukrainienne à Washington ».[1] Les autorités ukrainiennes ont bénéficié d’un traitement VIP par les organisateurs de la conférence et des législateurs de premier plan. Le procureur général ukrainien Andriy Kostin était à Washington pour rencontrer le secrétaire d’État Antony Blinken et le procureur général Merrick Garland alors que l’Ukraine avait « renouvelé ses efforts pour obtenir des avions de chasse modernes ».[2]  Karen Donfried, la plus haute responsable du département d’État pour l’Europe, est actuellement en visite en Ukraine « pour souligner le soutien indéfectible et durable des États-Unis à l’Ukraine ».[3]

Le secrétaire d’État Antony Blinken a soutenu la liberté religieuse, déclarant dans sa présentation au sommet que «  les gens de foi – comme tout le monde – méritaient de vivre à l’abri de la peur et de la répression… Le Département d’État et l’ensemble du gouvernement des États-Unis continueront à défendre fermement le droit de chaque personne de pratiquer son culte comme elle l’entend. » [4]Alors que les habitants de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Lougansk ont fait l’objet de persécutions et de tortures par des forces soutenues par les États-Unis pendant près de neuf ans, Blinken ne s’est jamais exprimé en leur faveur ni celle de leur liberté de culte. Blinken est allé jusqu’à comparer la junte de Kiev au Christ, déclarant lors d’une visite dans une église catholique ukrainienne à Washington D.C. que « ce que vivait l’Ukraine » [5] était comparable à la crucifixion de Jésus-Christ. Bien que les fonctionnaires de Kiev ne se soucient guère du Christ, cette déclaration est très révélatrice de la façon dont les politiciens américains voient la crise en Ukraine. Si l’Ukraine est le Christ à leurs yeux, a contrario cela apparente à une force maléfique non seulement les soldats russes et membres des milices de la République populaire, mais aussi toute la population  russophone d’Ukraine, et cela justifie le soutien des États-Unis à la persécution religieuse de l’Église orthodoxe russe.

Partant, rien d’étonnant à ce que Rashad Hussain, l’ambassadeur pour la liberté religieuse, soit allé jusqu’à affirmer l’année dernière que « la Russie, suite à sa désignation comme pays « particulièrement préoccupant » pour la première fois l’année dernière, loin d’amoindrir le nombre de violations de la liberté religieuse, l’a doublé. » Alors que la Russie prône la tolérance religieuse parmi sa population multiethnique et défend la liberté religieuse, les forces américaines ont ouvertement soutenu le schisme parmi les croyants et les actions hostiles de l’État ukrainien contre les chrétiens orthodoxes russes, alléguant que « l’Église orthodoxe ukrainienne… cherche l’autonomie de son homologue russe ». [6]

Le schisme en Ukraine n’est pas une chose promue par le personnel ecclésiastique, mais plutôt par des politiciens qui cherchent à affaiblir l’Église orthodoxe dans son ensemble. Les États-Unis ont, dès le début, été profondément impliqués dans la promotion de ce schisme. « Le Département d’État et les politiciens des deux partis ont promu la nouvelle Eglise. Deux mois avant la création de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine (OCU) en 2018, Filaret et Epifani avaient rencontré Joe Biden aux États-Unis, qui leur a déclaré sa gratitude pour leur travail. L’ambassadeur du département d’État pour la liberté religieuse Samuel Brownback, le secrétaire d’État Mike Pompeo et le représentant spécial pour l’Ukraine l’ambassadeur Kurt Volker ont eux aussi affiché leur soutien à ce projet ».[7] Il n’est pas exagéré de dire que l’Église orthodoxe d’Ukraine est une création américaine, et ce depuis le début (ndt voir ici)

Alors que les forces ukrainiennes emprisonnent des membres du clergé et enquêtent sur des personnes pour promotion présumée d’une « idéologie hostile » auprès de leurs paroissiens pour avoir simplement reconnu l’histoire commune entre les peuples ukrainien et russe, le président Zelensky s’apprête à interdire toutes les églises orthodoxes russes en Ukraine. Un conférencier du sommet, Sam Brownback, qui a été ambassadeur des États-Unis pour la liberté religieuse internationale de 2018 à 2021, non seulement ne s’est pas prononcé contre ces violations de la liberté religieuse, mais il a déclaré que l’opération militaire spéciale « était motivée par la volonté de l’Ukraine de former sa propre Église orthodoxe… [et qu’] ils ont parfaitement le droit de le faire. Ils devraient avoir la possibilité de le faire. » [8]  Zelensky, dont l’Occident n’a de cesse de chanter les louanges, a récemment proposé de «  rendre impossible aux organisations religieuses affiliées à des centres d’influence de la Fédération de Russie d’opérer en Ukraine… et, si nécessaire, de prendre les mesures prévues par la loi » [9] pour réprimer les croyants orthodoxes russes.

Les États-Unis ont désormais élaboré une politique officielle de promotion mondiale des « droits humains des personnes LGBTQI+ ». [10]  Il n’est pas surprenant que les élites occidentales veuillent affaiblir l’Église orthodoxe afin de faciliter cette politique. Ces idées, considérées comme importantes pour la sécurité nationale, consistent notamment à obliger les nations à redéfinir la définition du mariage traditionnel, à soutenir le droit d’assassiner l’enfant à naître, à autoriser la mutilation physique et chimique des enfants au nom de l’idéologie transgenre et non seulement à tolérer mais à encourager divers comportements antisociaux. L’orthodoxie est un rempart contre les idéologies homosexuelle et transgenre et, par conséquent, les États-Unis et leur régime fantoche de Kiev s’efforcent de saper la foi et les valeurs chrétiennes.

Le président Joe Biden a récemment signé un décret pour faciliter la disponibilité des chirurgies transgenres pour les enfants et « interdire les thérapies de conversion » [11] dans toute l’Amérique. Ainsi, les chrétiens traditionnels ne pourront plus, sans contrevenir à la loi, prodiguer leurs conseils à ceux qui auraient des pulsions contre nature ou des problèmes psychologiques ni les dissuader de mutiler leur corps. En vertu de cette loi et d’autres lois et décrets similaires, les idéologies homosexuelle et transgenre sont promues auprès des enfants dans toutes les écoles et dans la société américaine, appuyées par une « nouvelle formation destinée aux écoles élaborée en concertation avec des experts et des chefs d’établissement », [12]  pour s’assurer que les éducateurs endoctrinent correctement nos enfants. La politique étrangère américaine appelle à étendre ces idéologies à toutes les nations du globe.

Alors que la majorité du peuple ukrainien s’oppose à cet agenda homosexuel, le président Zelensky a manifesté son soutien à l’extension des politiques de Washington à son propre pays, déclarant que « dans le monde moderne, le niveau de démocratie se mesure, entre autres, à la politique mise en place par l’Etat visant à garantir l’égalité des droits pour tous les citoyens ». [13] Pour Zelensky et ses maîtres, imposer l’agenda homosexuel à la société ukrainienne et, à terme, à ses enfants, est une étape cruciale pour devenir une « société démocratique » qui défend les « valeurs occidentales » et ce, quelle que soit la volonté démocratique du peuple sur cette question. La promotion de cet axe de la politique étrangère américaine est la raison pour laquelle les responsables de Washington restent silencieux quant à la persécution des croyants russes, les autorités ukrainiennes travaillant activement à démanteler les croyances traditionnelles de l’Église orthodoxe en Ukraine. L’objectif est clairement d’intégrer l’Ukraine, et le reste du monde dans l’idéologie antichrétienne de la laïcité, de la démocratie libérale et de la perversion sexuelle.

Hélas, le Sommet international sur la liberté religieuse ne semble que renforcer le soutien aux persécutions de l’Église orthodoxe russe et de ses fidèles. Toutefois, dans un sommet parrainé par la société mère de Facebook Meta, par l’organisation américaine des athéistes ainsi que par des groupes pro-infanticides et pro-homosexuels comme le Centre d’action religieuse du judaïsme réformé, on ne s’étonnera pas que l’Eglise orthodoxe russe et son peuple soient non seulement ignorés mais méprisés. Pour autant, dans ce rejet, les croyants doivent trouver du réconfort dans les paroles de Jésus-Christ qui a dit dans Jean 15 :19 : « Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui; mais parce que vous n’êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait. » Être haï par les forces du mal ne peut être que flatteur et, en tant que chrétiens orthodoxes, nous devons simplement continuer à nous accrocher à notre foi et à faire avancer le Royaume de notre Seigneur en luttant pour ce qui est juste, sans nous soucier aucunement de l’avis des experts du sommet international sur la liberté religieuse.

[1] https://twitter.com/Feher_Junior/status/1619814161466421248

[2]https://thehill.com/policy/3837737-tanks-jets-and-justice-ukraines-top-prosecutor-tries-to-rally-us-on-legal-battle/

[3] https://www.state.gov/assistant-secretary-donfrieds-travel-to-ukraine/

[4] https://www.youtube.com/watch?v=5R_XCZUrCE4

[5]https://ukrarcheparchy.us/archeparchy-news/secretary-of-state-antony-blinken-met-with-the-ukrainian-community-of-washington?print=print

[6]https://premierchristian.news/en/news/article/us-state-department-backs-independence-for-ukrainian-orthodox-church

[7] https://www.theamericanconservative.com/zelensky-vs-the-ukrainian-orthodox-church/

[8]https://www.deseret.com/faith/2023/1/31/23579963/heres-who-is-saying-its-time-to-take-religious-freedom-movement-to-a-super-bowl-level

[9] https://www.nytimes.com/2022/12/02/world/europe/zelensky-ukraine-orthodox-church.html

[10]https://www.state.gov/advancing-the-human-rights-of-lesbian-gay-bisexual-transgender-queer-and-intersex-persons-around-the-world/

[11] https://www.texastribune.org/2022/06/15/joe-biden-texas-transgender-care/

[12]https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2022/03/31/fact-sheet-biden-harris-administration-advances-equality-and-visibility-for-transgender-americans/

[13] https://www.cnn.com/2022/08/03/europe/ukraine-zelensky-same-sex-partnerships-intl/index.html

Partager cet article

1 commentaire

  1. Quand on reprend l’histoire des khazars très bien expliquée par Pierre Hillard, on s’aperçoit de la fausseté des comportements et la duplicité des arguments des suppôts du Diviseur pour arriver à leur fin, ‘remake’ du serpent, la femme et la pomme.

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services