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Histoire du christianisme

Les reliques de la sainte croix

Les reliques de la sainte croix

De l’abbé Roy sur Claves :

Retrouvée par sainte Hélène au début du IVe, le fragment principal de la vraie croix est conservé à Jérusalem jusqu’à l’invasion perse de 614, bien que des morceaux en aient été déjà communiqués à différentes églises. Elle reparaît cependant lorsqu’Héraclius reprend la ville sainte en 630, et une partie en est ramenée en triomphe à Constantinople. C’est l’origine de la fête d’aujourd’hui : l’Exaltation de la Sainte Croix. Le fragment demeuré à Jérusalem fut morcelé en dix-neuf parts dès 636, à l’approche de l’envahisseur musulman, qui furent envoyées à Constantinople, Chypre, Ascalon, Alexandrie, Damas… Au début du XIe siècle, alors que les persécutions musulmanes s’intensifient, la croix disparaît à nouveau, cachée face aux menaces de profanation. Elle ressurgit lorsque les croisés se rendent maîtres de la ville, en 1099, et devient le symbole de leur royaume nouvellement fondé. Ils l’emportent même avec eux en 1187 lorsqu’ils se portent à la rencontre des armées musulmanes de Saladin, à la bataille des Cornes de Hattin. Or ce combat est un désastre pour les francs, qui perdent la bataille et Jérusalem. La croix disparaît alors, sans que l’on en ait retrouvé trace depuis.

Quant au morceau conservé à Constantinople, il est à nouveau fragmenté au moment du sac de la ville par la cinquième croisade (1204), et les morceaux restant dans la capitale impériale sont ensuite progressivement offerts (contre financement) à de généreux souverains occidentaux comme saint Louis, qui construit la Sainte Chapelle comme un écrin pour les précieuses reliques venues d’Orient (la sainte couronne, le fragment de la vraie croix, et peut-être même le Saint-Suaire !). Au fil du temps, de nombreux morceaux sont séparés et divisés, pour être répandus et vénérés dans les églises de la chrétienté. Au XVIe siècle, dans le contexte de la réforme protestante et face à certains abus dans le culte des reliques, Calvin ironise sur l’adoration de la Sainte Croix, écrivant que les fragments vénérés par les catholiques du monde entier, si on les rejoignait en un lieu, ne constitueraient pas une croix mais une forêt ou un navire.

Réponse sérieuse à des railleurs peu documentés

Or la raillerie s’est si vite répandue – et on l’entend encore bien souvent aujourd’hui, au point que les catholiques ont pris l’objection en sérieux, bien qu’elle ait été lancée et colportée sans jamais être réellement étayée. C’est à la fin du XIXe siècle qu’ont été menées les recherches les plus sérieuses sur le sujet. Charles Rohault de Fleury, polytechnicien, diplômé des Beaux-Arts et architecte, s’intéressa à la question et entreprit une grande étude sur les reliques de la Passion. Au cours de celle-ci, il en vint à recenser toutes les reliques authentiques et fiables de la sainte croix, en remontant aux divers moments de l’histoire où elle fut divisée. Il se lança dans de savants calculs de volume, qui conduisirent notre polytechnicien à un volume de reliques connu d’exactement 3941975 millimètres cubes, soit… 3, 9 litres, ou encore 0,003 mètres cubes [1]. Si Calvin avait voulu se construire un bateau avec bois des reliques authentiques de la croix, il n’aurait guère pu traverser plus que sa baignoire ou sa mare aux canards ! Si l’on tient compte des reliques répertoriées puis égarées au long de l’histoire, de celles qui ne sont pas recensées ou de celles qui n’auraient pas été intégrées à ce calcul, les Bollandistes [2] estiment que l’on peut raisonnablement estimer autour de 5 litres le volume total des reliques de la vraie croix ayant été vénérées par les chrétiens au long des âges. Même en triplant ce volume, par sécurité, on n’arriverait qu’à un volume de quinze litres, soit moins du dixième du volume total de la croix de Jésus, estimé à environ 180 litres. Ce dernier calcul a été établi par Rohault sur la base d’une ancienne tradition, selon laquelle la croix retrouvée par sainte Hélène aurait été composée d’un montant vertical de quatre mètres quatre-vingt environ, et d’un montant horizontal de deux mètres et demi [3]. Ces dimensions concordent avec celles que l’on peut estimer de la croix du bon larron, dont une relique de taille importante est conservée à la basilique Sainte-Croix en Jérusalem, à Rome. La science moderne est venue corroborer ces données en faveur de l’authenticité des reliques principales de la vraie croix en analysant le bois de celles-ci, invariablement taillé dans du pin, une essence largement répandue en Terre Sainte à l’époque du Christ. Les plus grandes reliques de la croix, d’après la recension de Rohault, sont conservées au Mont Athos (0,8 litres), à Rome (0,5 litres, dans la chapelle du pilier de la basilique Saint-Pierre), en Belgique (cathédrale des saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles et chapelle épiscopale de Gand), à Venise, à Notre-Dame de Paris…

Adorer des poussières de croix ?

Que penser de cette dispersion des reliques de la croix, comment imaginer que les chrétiens aient pu, au long des âges, mettre littéralement en poussière l’objet le plus vénérable de leur héritage, l’instrument même de leur salut ? Ce qui semble le plus grotesque des sacrilèges doit être compris sous l’angle de la vénération profonde dont faisaient preuve ces hommes qui ne voulurent pas garder pour eux seuls le trésor du bois salvateur, mais le partagèrent afin qu’il put être adoré dans toute la chrétienté. Certains allèrent même, par manière de comparaison, jusqu’à rapprocher la vraie croix de la sainte eucharistie, dont chaque parcelle, si petite qu’elle soit, contient tout entier le corps du Seigneur Jésus.

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