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Les droits nationaux doivent plier devant la règle communautaire

Lu dans Monde & Vie :

M "Les prochaines élections européennes conduisent à s’interroger sur l’indépendance juridique qu’a encore la France. […] 

Le droit communautaire est constitué de deux ensembles : d’un côté, le droit institutionnel (composé de tous les traités ayant concouru à l’établissement de l’Union européenne) et, de l’autre, le droit matériel qui est l’ensemble des règles élaborées par les institutions européennes. Au sein de ce dernier, il faut distinguer le règlement de la directive. Le premier est un texte à portée générale qui s’applique directement et immédiatement dans les États membres. La seconde est un texte fixant un objectif aux États, ces derniers devant le transposer dans leur droit interne. Mais, quelle est la force de ce droit de l’Union ?

La Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a profité de son rôle d’application et d’unification du droit de l’Union pour imposer le principe de la primauté de ce dernier sur les droits nationaux. […] La CJCE a affirmé que l’ordre juridique communautaire ne concerne pas seulement les États mais aussi les citoyens […]. Elle a, ensuite, considéré que cet ordre est intégré à celui des États membres […]. Mais, elle est allée encore plus loin : l’acte communautaire, même contraire à la constitution d’un État membre, doit être appliqué […]. Enfin, le juge communautaire a dicté sa conduite aux juges des États : ces derniers ne doivent pas appliquer une règle nationale contraire à un texte européen […]. Ainsi, du point de vue de l’Union, la chose est claire: les droits nationaux doivent plier devant la règle communautaire.

Face à cela, les systèmes juridiques des États membres ont-ils résisté ? […] Quand la France veut signer un engagement international, en particulier un traité européen, si ce dernier comporte des clauses contraires à sa constitution, celle-ci doit être révisée (art. 54 de la constitution de la Ve République). Elle s’efface donc derrière le texte international ou communautaire. La logique veut donc que ce dernier ait une valeur supérieure à la constitution. Mais, les plus hautes juridictions françaises […] ont affirmé que, puisque c’est la constitution qui prévoit, elle-même, qu’elle doit être révisée, elle reste donc, en droit interne (la précision est d’importance) la norme supérieure. L’hypocrisie, à moins qu’il ne s’agisse de la politique de l’autruche, atteint ici son comble. Pour ce qui est de la loi, la situation est encore plus défavorable au droit national. L’art. 55 de la constitution prévoit que le droit international a une valeur supérieure à la loi interne. Ce principe s’applique explicitement vis-à-vis des lois votées avant la ratification du texte international. Mais la jurisprudence a également appliqué ce principe vis-à-vis des lois postérieures, c’est-àdire que si le Parlement français vote une loi sur une question déjà traitée par le droit communautaire, celle-ci n’aura aucune force réelle : elle ne s’appliquera pas. […]

La conclusion de tout cela est limpide : non, la France n’est plus juridiquement souveraine !"

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4 commentaires

  1. C Q F D

  2. Le droit européen renverse le droit national : par exemple si la Constitution française est contraire à une directive (c’est dans ce sens que Bruxelles ou la Cour à Luxembourg le verra) mais qu’un simple décret ministériel y est conforme, c’est le décret qui est retenu, au mépris de l’ordre juridique français et de sa hiérarchie des normes.
    La Cour de justice des Communautés a une appréciation bien large de ses compétences mais on laisse faire. On bronche parfois, mais on ne menace pas.

  3. « Face à cela, les systèmes juridiques des États membres ont-ils résisté ? » La question n’envisage pas d’autre réaction que la soumission ou la résistance. Or, les juges français n’ont choisi ni l’une ni l’autre ! Bien souvent en effet, ils se sont librement appuyés sur l’Europe, sans que celle-ci ne le leur impose.

  4. La primauté du droit communautaire sur le droit national ne devrait pas surprendre. Elle trouve son origine dans le principe, reconnu de longue date en droit constitutionnel français, de la primauté du droit international sur le droit interne. Ce principe n’était pas reconnu dans tous les Etats membres de l’Union européenne, où le droit national pouvait faire échec à un engagement international (tel que le droit communautaire), au détriment des autres parties à un tel engagement. Cette primauté se veut donc en quelque sorte protectrice des droits des autres Etats partenaires et de leurs ressortissants. Je n’y vois par conséquent rien de négatif en soi, dès lors que les autorités françaises participent effectivement au processus décisionnel. Il en irait différemment bien entendu si la France n’était pas en mesure d’acquiescer à la décision, ce qui peut se produire dans les domaines relevant de la majorité qualifiée. Il est d’autant plus important de veiller à ce que les représentants français dans les instances européennes (Conseil, Commission, Parlement) soient inspirés des valeurs partagées par les lecteurs fidèles du SB…

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