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L'Eglise : L'Eglise en France

Les catholiques engagés dans la vie politique doivent offrir un témoignage public de leur foi

Homélie prononcée par le Très Révérend Père Dom Jean Pateau, Abbé de Notre-Dame de Fontgombault, le dimanche de Pentecôte :

"Chers Frères et Soeurs, Mes très chers Fils,

P“Dieu est fidèle”, et cette fidélité divine s’exprime quelques jours après l’Ascension du Seigneur à travers le don du Saint-Esprit fait aux apôtres et dans la naissance de l’Église : « Le jour de la Pentecôte (au terme des sept semaines pascales), la Pâque du Christ s’accomplit dans l’effusion de l’Esprit Saint qui est manifesté, donné et communiqué comme Personne divine : de sa Plénitude, le Christ, Seigneur, répand à profusion l’Esprit (cf. Ac 2,33-36) », enseigne le Catéchisme de l’Église catholique ( n° 731). Cette fidélité de Dieu s’exprime encore aujourd’hui envers nous par le don des sacrements, et tout particulièrement par le don du Baptême, porte des sacrements, et de l’Eucharistie, mais également par le don du sacrement de Confirmation. « La participation à la nature divine, donnée aux hommes par la grâce du Christ, affirme le Pape Paul VI, comporte une certaine analogie avec l’origine, la croissance et le soutien de la vie naturelle. Nés à une vie nouvelle par le Baptême, les fidèles sont en effet fortifiés par le sacrement de Confirmation et reçoivent dans l’Eucharistie le pain de la vie éternelle. Ainsi, par ces sacrements de l’initiation chrétienne, ils reçoivent toujours davantage les richesses de la vie divine et s’avancent vers la perfection de la charité » (Paul VI, const. ap. Divinæ consortium naturæ).

La Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium du second Concile du Vatican enseigne de même : « Par le sacrement de Confirmation, le lien des baptisés avec l’Église est rendu plus parfait, ils sont enrichis d’une force spéciale de l’Esprit Saint et obligés ainsi plus strictement tout à la fois à répandre et à défendre la foi par la parole et par l’action en vrais témoins du Christ » (n° 11). Saint Thomas d’Aquin, quant à lui, souligne que « le confirmé reçoit la puissance de confesser la foi du Christ publiquement, et comme en vertu d’une charge (quasi ex officio) » ( III q.72, a.5, ad 2). Au matin du jour de la Pentecôte, les apôtres se trouvaient réunis en prière. Ils avaient bien entendu le Seigneur annoncer au moment de les quitter : « Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8). Mais se rendaient-ils compte de la tâche qui les attendait ? Ceux qui n’avaient guère qu’arpenté les routes de Judée et de Samarie, et vogué aussi sur le Lac de Tibériade, que savaient-ils de ces “extrémités de la terre” où ils devaient porter la parole du Seigneur, sans parler des terres inconnues de l’Asie orientale, des Amériques, du sud de l’Afrique et de l’Océanie ? Comment de pauvres pêcheurs originaires de Palestine pourraient-ils témoigner “à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie”, qui étaient au pouvoir des Romains et des Juifs ? Comment pourraient-ils affronter la société forte mais dissolue de l’Empire romain encore à son apogée, société avide de “pain et de jeux”, frénétique de plaisirs et de sang humain en des cirques où la dignité et la vie humaines devaient céder le pas à la loi sans coeur de la majorité ? Pourtant, fortifiés par le don du Saint-Esprit, pas après pas, les apôtres vont entreprendre l’évangélisation de cette société. L’Évangile va s’étendre jusqu’aux confins de la terre. Et bientôt du sang des martyrs versé sur les ruines de l’Empire romain, gangrené par ses turpitudes, devait naître une semence de chrétiens, prémices de l’Europe chrétienne.

Juvénal, poète satirique latin de la fin du Ier siècle et du début du IIe siècle de notre ère, auteur de la fameuse expression panem et circenses : « du pain et des jeux », dresse un tableau de la société de l’époque et de ses désordres. Celui-ci n’est pas sans rappeler de façon saisissante la situation actuelle d’une Europe qui, en reniant aujourd’hui les racines à l’origine de sa naissance, se ferme à toute possibilité de renaissance. Le bienheureux Jean-Paul II a analysé, dans la lettre apostolique Novo millennio ineunte, – “Au début du nouveau millénaire”-, datée du 6 janvier 2001, la situation de la société européenne et des chrétiens qui y vivent : « On doit considérer comme désormais dépassée, même dans les pays d’ancienne évangélisation, la situation d’une “société chrétienne”, qui, en dépit des nombreuses faiblesses dont l’humain est toujours marqué, se référait explicitement aux valeurs évangéliques. Aujourd’hui, on doit affronter avec courage une situation qui se fait toujours plus diversifiée et plus prenante, dans le contexte de la mondialisation et de la mosaïque nouvelle et changeante de peuples et de cultures qui la caractérise. À maintes reprises, j’ai répété ces dernières années l’appel à la nouvelle évangélisation. Je le reprends maintenant, surtout pour montrer qu’il faut raviver en nous l’élan des origines, en nous laissant pénétrer de l’ardeur de la prédication apostolique qui a suivi la Pentecôte. Nous devons revivre en nous le sentiment enflammé de Paul qui s’exclamait : “Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile !” » (1 Co 9,16) (Novo millennio ineunte n° 40). Les propos du saint pape n’ont rien perdu de leur actualité.

Comme lors de la première évangélisation, le travail s’annonce surhumain. Le Seigneur trouvera t-il des apôtres pour l’accomplir ? A la demande du Christ au jeune homme riche “Viens et suis-moi” (Mt 19,21), adressée aujourd’hui encore à tant d’hommes et de femmes, des jeunes renonceront-ils aux perspectives de carrière et aux attraits du monde pour consacrer leur vie à la suite du Christ dans la vocation sacerdotale ou religieuse, des laïcs défendront- ils et annonceront-ils en toute humilité et charité, en acceptant aussi humiliations et reproches, dans la fidélité à la vérité, la bonne nouvelle de l’Évangile ? Comment affronter la tâche ? Suivons l’exemple des apôtres : c’est dans la prière qu’ils attendaient la venue du Saint-Esprit et le moment de partir pour évangéliser. Comme l’affirme Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon : « L’activisme déroute l’évangélisation vers la multiplication d’entreprises, en oubliant que c’est l’Esprit- Saint qui est le premier protagoniste de notre apostolat. L’évangélisation repose sur la prière et l’initiative première de Dieu » (Mgr Rey, Au défi de la nouvelle évangélisation, Documents de l’épiscopat, n° 11/2011, p.10). Il est frappant de constater que la première activité de l’Église après l’effusion de l’Esprit est de s’émerveiller devant la grandeur de Dieu : «Nous les entendons publier dans notre langue les merveilles de Dieu! » (Ac 2,11) Avons-nous en nos coeurs ce feu dévorant ? Savons- nous prier en attendant le don de l’Esprit, nous émerveiller devant les merveilles de Dieu ? L’homme du troisième millénaire est-il condamné à ressembler à un radeau sans voile ni rame, promené au gré des courants, tournant sur lui-même, projeté sur des récifs, par manque de vrais apôtres ?

Sa Sainteté Benoît XVI rappelait récemment à des évêques américains la nécessité d’aider les catholiques engagés dans la vie politique « à comprendre leur responsabilité personnelle en vue d’offrir un témoignage public de leur foi, en particulier en ce qui concerne les grandes questions morales de notre temps : le respect de la vie, don de Dieu, la protection de la dignité humaine et la promotion de droits humains authentiques… Le respect pour la juste autonomie du domaine séculier doit également prendre en considération la vérité selon laquelle il n’existe pas de domaines d’affaires terrestres qui puisse échapper à la référence au Créateur et à son autorité (cf. Gaudium et spes, n. 36). Il ne peut y avoir de doute qu’un témoignage plus important de leurs convictions profondes de la part des catholiques américains contribuerait dans une large mesure au renouveau de la société tout entière » (Discours à un groupe d’évêques des États-Unis, le 19 janvier 2012 – ORLF 2012, n.5, p.6).

Ces mots valent aussi pour nous. Si le jour de la Pentecôte commémore la venue de l’Esprit-Saint, ce jour nous remet aussi en face des exigences de notre vocation. Unis à Marie et aux apôtres, implorons la venue du Consolateur : « Venez, Esprit Saint, envoyez-nous un rayon de votre lumière… Repos dans le travail, abri dans les ardeurs, consolation dans les larmes » (Séquence de la Messe de la Pentecôte), venez. Amen.

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