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L'Eglise : L'Eglise en France

L’Eglise de France soutient-elle les chrétiens d’Orient ?

Un article du père Edouard-Marie Gallez, bon connaisseur de l'islam :

Une telle question paraît saugrenue à l’anniversaire du 6 août 2014, jour où 125 000 chrétiens de Mossoul, de Qaraqosh et des alentours ont été jetés sur les routes par l’Etat Islamique, sous peine de mort. Devant cette monstruosité que les médias ne pouvaient pas cacher, le chrétien occidental moyen découvrait tout à coup la persécution que les chaldéens, les syriaques et d’autres chrétiens d’Orient subissaient de la part de ce groupe islamiste constitué officiellement quelques mois plus tôt. Un bel élan de compassion s’est manifesté alors, dans une générosité qu’ont relayée des associations d’aide aux chrétiens d’Orient telles que, en particulier, l’Aide à l’Eglise en Détresse, qui n’a jamais failli à sa mission depuis sa fondation après la guerre 40, SOS-Chrétiens-d’Orient née en octobre 2013 suite à l'émotion provoquée par l’invasion de la ville chrétienne syrienne Maaloula par les terroristes islamistes, ou l’Œuvre d’Orient dont il faudra reparler.

L’oppression criminelle subie par les chrétiens d’Orient de la part des islamistes n’était pas une nouveauté. Elle est à l’œuvre depuis 2011 en Syrie, depuis 2003 en Iraq, et depuis plus longtemps encore en Egypte, au Soudan et ailleurs : enlèvements, assassinats, tortures, kidnappings et mariages forcés, etc. Elle participe d’un projet que le pape François n’a pas hésité à qualifier de génocide[1] en ce mois de juillet, non sans penser à l’effroyable génocide dont toutes les communautés chrétiennes ont été les victimes il y a juste cent ans sur le territoire de l’actuelle Turquie et autour, et qui a fait largement plus de deux millions de morts. Le terme de « génocide » traduit une volonté d’éradication qui va jusqu’au « mémoricide », et c’est bien ce dont il s’agit aujourd’hui comme hier.

En Orient, dans l’histoire moderne, quel cadre a permis la convivialité entre chrétiens et musulmans après l’époque coloniale ? Le seul cadre qui l’ait fait est celui de la laïcité arabe, réprimant sévèrement les séditions islamistes continuelles des Frères musulmans ou d’affidés de l’Arabie Saoudite, qui rêvent tous d’imposer la charia à la société civile et la sujétion aux non musulmans (voire l’esclavage dans le cas des Yézidis et des Alaouites). Ces gouvernements laïcs, qui ont développé des Etats de droit et qui ne sont certainement pas plus corrompus que les nôtres, ont tous été la cible du régime sanguinaire saoudien.

Or, à quoi sert la compassion suscitée par les médias si elle ne conduit pas à traiter les causes des malheurs qui s’abattent sur le Proche Orient et qui conduisent à la persécution anti-chrétienne ? Prenons exemple sur le Pape François qui, en août 2013, n’a pas hésité à appeler les chrétiens à prier pour la reprise des négociations sur la Syrie à Genève et contre la guerre d’invasion de ce pays qui était déjà quasiment en marche sous l’égide de l’OTAN[2] ; elle a été arrêtée in extremis par le président Obama dans les premiers jours de septembre. Dans ce projet, l’implication saoudienne était patente, que ce soit à travers des liens avec l’administration américaine ou à travers le financement de la guerre contre le gouvernement de la République de Syrie (au moins cinq cent milliards de dollars ont été versés aux différents groupes de mercenaires islamistes depuis 2011, recrutés un peu partout dans le monde). Or, l’aveuglement a été tel en France qu’on a entendu un évêque, Mgr Dagens, appeler au bombardement de Damas par l’OTAN, dans un discours reprenant tous les poncifs de la propagande diffusée par les grands médias qui, depuis 2011, relaient exclusivement les discours fabriqués à Washington et à Londres ; il allait jusqu’à s’opposer aux Evêques d’Orient[3]. Un responsable de l’Œuvre d’Orient, dans une conférence publique, avait déjà pris une position assez comparable, non sans liens personnels avec le Quai d’Orsay.

La position de la France est alignée en effet sur celle de l’OTAN. On peut penser cependant que la simple complaisance politique n’explique pas complètement une telle position « ecclésiale », en particulier quand on découvre que le principal centre de formation du diocèse de Paris, le Collège des Bernardins, collabore avec la fondation « roi Abdul Aziz Al Saoud »[4] émanant du régime saoudien depuis au moins 2012. Bien sûr, le but de celle-ci n’est pas de faire reconnaître à court terme le Coran par les chrétiens ni l’islam comme unique véritable religion révélée ; cependant, l’occasion lui est ainsi fournie de développer sa propagande la plus obscurantiste et dogmatique au cœur même de la formation chrétienne[5], sans discussion, au nom du « dialogue ».

Si encore cela permettait en retour d’avoir des entrées pour exposer la foi chrétienne dans les universités islamiques de Médine et de Ryad, on pourrait parler d’un vrai dialogue institutionnel ; les Saoudiens ont le droit de savoir ce qu’il y a dans les Evangiles. Ce n’est pas le cas. Quel sens alors cela a-t-il de faire parler des propagandistes de l’islamisme saoudien, en ne donnant justement pas la parole à des musulmans tels que l’imam Imran Hosein[6] qui ont autre chose à dire, ou tels que Majid Oukacha[7] représentatif des millions de musulmans islamo-sceptiques d’aujourd’hui, ou encore à des associations de femmes opposées à l’islamisme, ou même à ceux qui défendent la laïcité arabe ?

Oeuvre Orient - Fondation roi Abdul AzizC’est ainsi que, en mai 2014, les responsables chrétiens du « dialogue », essentiellement dix prêtres de Paris dont le directeur de l’Œuvre d’Orient (de surcroît Ordinaire des catholiques orientaux de France qui n’ont pas d’Evêque), ont été invités tous frais payés au colloque de Rabat, organisé sous l’égide de la fondation Roi Abdul-Aziz Al-Saoud au terme de deux années de collaboration entre elle, les Bernardins et l’Œuvre d’Orient précisément. Bien entendu, il n’y fut pas question du financement du terrorisme international islamiste, et l’oppression des chrétiens d’Orient n’y a été abordée que pour la forme. Aucun représentant ecclésial de ceux-ci n’était présent. À quoi tout cela sert-il sinon à permettre à l’Arabie Saoudite d’occuper le terrain du « dialogue islamo-chrétien » et d’empêcher toute dénonciation des causes des persécutions des chrétiens du Proche-Orient ?

La position des évêques d’Orient, systématiquement censurés dans nos médias ou parfois obligés de se taire sous peine ne plus recevoir certains subsides, a été exprimée dès septembre 2011 par le patriarche maronite Bechara Rai, que les médias occidentaux ne peuvent pas accuser de complaisance envers son voisin syrien. À Paris, alors que le président Sarkozy venait de lui demander de collaborer à un plan de déportation massive[8] des chrétiens d’Iraq, Syrie et Liban (ce qui aurait accompli le but des génocidaires), le patriarche invitait au contraire à donner plus de chances au président syrien pour mettre en application les réformes annoncées, et il mettait en garde contre la destruction du pays par des groupes islamistes. Justement, il se pourrait bien que cette destruction – et en particulier celle de la laïcité civile conviviale – soit le but recherché depuis plus de quatre ans.

La question : « L’Eglise de France soutient-elle les chrétiens d’Orient ? » hantera certainement les esprits de ceux qui, à l’initiative d’Evêques courageux, se rassembleront sur les parvis des églises le 15 août à midi afin de prier pour eux.

 

[1] « Il y a une espèce de génocide en marche qui doit cesser » (Pape François, discours du jeudi 9 juillet, Santa Cruz, Bolivie). 

[2] Sur le modèle de la guerre menée contre la Libye en 2011, qui a conduit à la destruction du pays, à la mainmise étrangère sur son pétrole, et à l’émigration de centaines de milliers de gens ruinés vers l’Europe.

[3] Parmi les nombreux Evêques qui se sont exprimés en français en ce sens, l’Archevêque Grec Melkite Catholique d’Alep, Jean-Clément Jeanbart, a appelé les USA à aider à mettre un terme à la guerre et à l’appui aux jihadistes. Mais c’est le Patriarche lui-même, Mgr Gregorios III, que Mgr Dagens attaquait nommément.   

[4] Cette fondation saoudienne de Casablanca est tournée vers le monde francophone et maghrébin ; elle fait partie du réseau « King Abdullah Bin Abdulaziz International Centre for Interreligious and Intercultural Dialogue » basé à Vienne, au service du wahabisme saoudien.

[5] Cela a débouché sur un cycle de formation par internet, agapan.fr, géré depuis les Bernardins, qui fait appel à un propagandiste et polémiste de talent de l’islam saoudien – cf. http://obs-islamisation.blogspot.fr/2015/06/aux-bernardins-le-professeur-dislam.html .

[8] Selon le quotidien « Al-Dyar » citant un membre de la délégation qui accompagnait Mgr. Raï à Paris.

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