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Valeurs chrétiennes : Education

L’École professorale de Paris : une oeuvre de dissidence

L’École professorale de Paris sera lancée à la rentrée 2016. Samuel Pruvot a interrogé pour Famille chrétienne l'une de ses fondatrices, la philosophe Chantal Delsol. Extraits :

F"Nous cherchons simplement à former de bons professeurs. J’espère que personne ne nous en fera un crime. Les meilleurs cerveaux se trouvent partout, mais il faut oser les sortir du lot pour leur donner la possibilité de se développer.

Il y a eu un moment où l’école républicaine savait découvrir les élites intellectuelles dans toutes les classes de la population, et les formait. Il y a encore une trentaine d’années, les premiers des grandes écoles pouvaient aussi être les enfants du petit commerçant de village. Aujourd’hui, nous avons sous les yeux la reproduction des élites – exactement le contraire du résultat escompté qui est l’égalité de tous. Comment cela est-il arrivé ? Pour donner leur chance aux meilleurs venant de partout, il faut être exigeant. Si, au contraire, on rabaisse toutes les prétentions du savoir, alors on supprime toute élite, y compris bien sûr celle qui venait des classes défavorisées. Finalement, seuls s’en sortent ceux qui ont reçu une éducation exigeante dans leur famille. […]

Quels sont vos rapports avec l’Enseignement catholique ?

Nous avons de bonnes relations, pour commencer avec Saint-Jean de Passy avec qui nous avons noué un partenariat et qui nous héberge dans ses locaux. Nous ne sommes pas confessionnels. Pourtant, il faut bien reconnaître le travail considérable accompli par les écoles confessionnelles, et l’on se demande ce que deviendrait l’Éducation nationale sans elles !

Avez-vous le sentiment d’œuvrer à une œuvre de dissidence par rapport à la ligne de l’Éducation nationale ?

Certainement, et de plusieurs façons. D’abord, l’Éducation nationale ne donne pas pour but à l’école de transmettre la connaissance du monde et de former des esprits, mais uniquement de produire de l’égalité sociale, de niveler les différences créées par la famille – cette finalité bien affichée date déjà de plusieurs décennies. C’est pourquoi elle veut le contraire de l’exigence ; nous, nous serons exigeants.

L’Éducation nationale a pour but, lui aussi affiché, d’imposer un contenu de doctrine considéré comme officiel ; on ne forme pas les esprits à la quête de la vérité, on leur apporte des dogmes tout faits. Nous prendrons le contre-pied de cela.

Enfin, les dispositifs mis en place depuis quelques années pour former les professeurs, jadis les IUFM, aujourd’hui les ESPE (Écoles supérieures du professorat et de l’éducation), mettent presque uniquement l’accent sur la formation « professionnelle » des enseignants au détriment de leur formation académique. C’est absurde. Nous voulons former des professeurs dont l’efficacité pédagogique sera surtout la conséquence naturelle de leur excellente formation dans les disciplines enseignées.

En quoi le catholicisme peut-il être une matrice capable d’influencer à nouveau la culture des nouvelles générations ?

La vision chrétienne est de toute façon la matrice de l’éducation intellectuelle occidentale, comme l’a montré le cardinal Newman au XIXe siècle, en ce sens que, à partir de son anthropologie de l’humain comme personne, elle met fin peu à peu à l’éducation d’initiation – qui existe naturellement dans toutes les sociétés du monde – pour développer une éducation d’initiative, qui déploie l’autonomie et la conscience personnelle de l’éduqué. Cette matrice, susceptible d’être renouvelée à chaque époque, marque le pli originel à partir duquel nous nous redéployons toujours, à moins de cesser d’être nous-mêmes.

D’autre part, non seulement il n’y a aucune contradiction entre la foi chrétienne et le savoir, mais le travail des scientifiques ne consiste à rien d’autre qu’à explorer la création de Dieu. Il est, en ce sens, parfaitement légitime et même sain, comme l’avaient bien compris saint Thomas d’Aquin, puis les Jésuites, dont toute l’œuvre scolaire d’excellence – consistant à relever au XVIe siècle le défi de l’humanisme et de la science moderne – était dirigée ad majorem Dei gloriam. Dieu Lui-même veut que nous fassions pleinement usage de la raison qu’Il a intégrée à notre nature, la destinant à connaître le monde que nous devons améliorer.

Les chrétiens n’ont donc aucune raison d’être à la traîne dans la formation des intelligences. Si l’Éducation nationale a renoncé à ce but, à nous de reprendre le flambeau. […]"

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