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Le service public à la française : le tabou du monopole d’Etat

Dans son hebdomadaire, Yves Daoudal revient sur le problème des monopoles d'Etat, dont la critique lui a valu quelques commentaires la semaine dernière. Extraits :

"Il y a toujours un tabou, en France, sur ces questions, et ce tabou s’exprime par l’expression «service publics à la française». Peut-être faudrait-il se demander s’il ne s’agit pas plutôt de services publics «à la soviétique», expression traduite par les communistes par «à la française» et imposée comme telle aux Français au moment où le parti communiste avait une très grande influence. Ainsi la SNCF a-t-elle été créée par le Front populaire, EDF-GDF et la sécurité sociale en 1946. Certes, la Poste, quant à elle, est devenue monopole d’Etat en 1793. Mais c’est aussi une date de dictature d’extrême gauche… […]

N Les jeunes, aujourd’hui, habitués à jongler entre les opérateurs et les constructeurs de mobiles, ne peuvent même pas imaginer qu’il y eut un monopole des télécommunications. Chacun peut constater que les innovations technologiques qui ont eu lieu sont le fait des entreprises privées. Et cela est logique. On ne demande pas à un fonctionnaire d’être innovant. On peut signaler aussi qu’il n’y a jamais eu de monopole d’Etat des télécommunications en Finlande. Le pays de Nokia. Ce n’est pas un hasard. […]

La question de la sécurité sociale est similaire. Son monopole est d’ailleurs devenu un énorme scandale. Car pour tenter de limiter son déficit toujours plus abyssal, elle ne cesse d’augmenter les cotisations, de dérembourser les médicaments, d’inventer de nouvelles ponctions comme le forfait hospitalier qu’il faut bien sûr augmenter, etc. Le résultat est que pour être vraiment assurés les Français doivent se tourner de plus en plus vers des «mutuelles». Il est urgent de supprimer le monopole de la sécurité sociale, et de laisser les gens s’assurer comme ils le souhaitent. Il ne s’agit pas de choisir entre le monopole d’Etat et l’entreprise privée. […]

S Les gardiens du monopole hurlent que l’on veut confier la santé des gens à des assureurs privés, que ce sont de grands groupes capitalistes qui n’ont pour objectif que de faire de l’argent. Et faire de l’argent avec la santé, c’est scandaleux. Mais, premièrement, ce n’est pas si évident. Il y a des entreprises qui ont un véritable code éthique. Et surtout, la solution n’est pas de se livrer corps et biens à l’assurance privée, mais de permettre la liberté. La liberté, notamment, de constituer d’authentiques mutuelles, comme celles qui avaient été créées par les syndicalistes chrétiens à partir de la fin du XIXe siècle, et qui ont été supprimées par la sécurité sociale qui a commencé par voler (il n’y a pas d’autre mot) les fonds de ces mutuelles.

C’est ainsi que le choix n’est pas entre collectivisme et libéralisme. […] Car il ne s’agit pas de livrer les gens à la jungle. On peut faire tout le contraire. En s’inspirant de la doctrine sociale de l’Eglise, qui est une doctrine de liberté, fondée sur le principe de subsidiarité. […] Pour prendre un exemple marginal, lorsque je travaillais la terre en Bretagne, avec un cheval (ben oui, quand on est jeune on croit tout possible), j’avais souscrit à une mutuelle où la cotisation était de 50 F par an. Ce qui était dérisoire. Or, cette mutuelle remboursait tous les frais vétérinaires, et si mon cheval mourait, la mutuelle remboursait intégralement le prix du cheval (à l’époque c’était au minimum 6000 F). Cela était possible parce que cette mutuelle était gérée par les éleveurs de chevaux eux-mêmes et s’adressait à des paysans responsables qui prenaient le plus grand soin de leurs chevaux. C’est ainsi que fonctionnaient aussi les mutuelles chrétiennes, ouvrières et autres. A l’opposé de l’irresponsabilité totale de la sécurité sociale. Et ces mutuelles fonctionnaient bien. Malgré le peu de ressources des ouvriers de l’époque, ce ne sont pas des déficits que la sécurité sociale a récupérés, mais bel et bien des fonds, importants, quand les communistes, sous l’égide du général de Gaulle, ont constitué le système.

Cet état d’esprit mutualiste, c’est-à-dire d’entraide, peut s’appliquer, d’une façon ou d’une autre, à tous les domaines. La «privatisation» est ce que l’on en fait, car la liberté est ce que l’on en fait. Ce qui bloque le processus est que les gens sont tellement habitués aux monopoles qu’ils ont peur de la liberté. […] Cet état d’esprit mutualiste, c’est celui de la charité fraternelle, c’est celui de la gratuité (pas la prétendue «gratuité des soins», qu’on paye extrêmement cher, mais le véritable esprit de gratuité). L’un des grands apports (parmi tant d’autres) de l’encyclique de Benoît XVI est son insistance à ce sujet : […]

P "Le grand défi qui se présente à nous, qui ressort des problématiques du développement en cette période de mondialisation et qui est rendu encore plus pressant par la crise économique et financière, est celui de montrer, au niveau de la pensée comme des comportements, que non seulement les principes traditionnels de l’éthique sociale, tels que la transparence, l’honnêteté et la responsabilité ne peuvent être négligées ou sousévaluées, mais aussi que dans les relations marchandes le principe de gratuité et la logique du don, comme expression de la fraternité, peuvent et doivent trouver leur place à l’intérieur de l’activité économique normale. C’est une exigence de l’homme de ce temps, mais aussi une exigence de la raison économique elle-même. C’est une exigence conjointe de la charité et de la vérité."

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12 commentaires

  1. EXCELLENT.
    La DSE contient les principes qui correspondent aux exigences des sociétés humaines, parce qu’elle est fondée sur la nature de l’homme, être social, moral et religieux. Quant on en applique la grille aux réalités contemporaines, les solutions possibles apparaissent avec une clarté aveuglante.
    Yves DAOUDAL nous en apporte la preuve, magistralement exposée.

  2. les réflexions que vous publiez ne sont pas fausses, mais binaires. Je trouve dommage que les réflexions de l’Homme Nouveau ou de Monde et Vie par exemple, plus complexes (trop ?) sur le sujet ne trouvent pas place dans vos publications.
    la critique ancienne de Jacques Ellul fondée sur l’évolution historique me paraît plus pertinente : l’évolution de la bureaucratie (mise en place sous la 3ème république) comme un cancer dans la société au détriment du politique est le phénomène centrale de la modernité. A ce titre, Jacques Ellul refuse de distinguer entre bureaucratie soviétique et bureaucratie libérale. L’Etat moderne est par essence violent, il impose un modèle technique, le gouvernement par les choses (au profit d’une élite). Il y a au final une profonde collusion entre l’Etat bureaucratique et le monde du privé (à la tête des deux mondes, ce sont les mêmes personnes formées par les mêmes écoles et dans les mêmes moules).
    La Chine est un merveilleux condensé de l’histoire du libéralisme : un Etat fort qui impose le capitalisme.
    Quand au monde de la télécommunication, vous en faite un monde de liberté d’entreprise : vous poussez pas un peu non. Pourquoi ne prenez vous pas l’exemple de l’agriculture égorgée par la grande distribution (encore un paradis de liberté !) avec la complicité et le soutien actif de Bruxelles .

  3. La DSE : ne vous gênez pas, demandez gentillement aux gouvernements successifs son application. Si ça ne fonctionne pas avec Sarko. Essayez avec J Delors par exemple. Et pourquoi ne pas essayer avec Bruxelles non plus.

  4. Un blog à voir sur le sujet:
    http://quitter_la_secu.blogspot.com/

  5. @ Laurent
    La bureaucratie au sens d’hypertrophie de l’Etat, telle que vous la dénoncez, n’a rien à voir avec le libéralisme : le français Bastiat et l’autrichien Hayek, deux des penseurs libéraux les plus classiques ont justement souligné les méfaits de l’Etat omniprésent et de l’économie administrée.
    La supercherie des hommes politiques de droite, c’est de se présenter comme ”libéraux” pour plaire aux électeurs qui demandent des libertés, tout en s’appuyant sur l’Etat pour asseoir le pouvoir de lobbys, syndicats, ou groupes financiers sur la société : ce n’est pas du libéralisme, mais du socialisme, ce que J-G MALLIARAKIS a appelé du socialisme maçonnique. Ce socialisme a des racines jacobines, et toute l’oeuvre de la République depuis 1875 a été d’enserrer la société dans le carcan bureaucratique et administratif, en dotant les fonctionnaires de statut et privilèges juridiques uniques dans le monde. Actuellement, 7 millions d’emplois,publics et para-public en France.
    Salaires et retraites de fonctionnaires de l’état : 45 % du budget de l’Etat.
    C’est l’application du modèle étatique à la société civile, que relève J. ELLUL, qui a conduit à des méthodes de management oppressifs : quand un colonel Chinois, ou un secrétaire local du PCI ou PC russe deviennent chefs d’entreprise, forcément, cela donne un certain type de comportement.Idem en France : le management des établissemnts bancaires par des énarques ou plytechniciens issus des cabinets ministériels n’a rien donné de très positif pour les PME et PMI, et TPE créatrices d’emploi : nous sommes le pays d’Europe de l’Ouest qui en compte le moins de ce type d’entreprise.
    Dans les pays où il n’y a pas de statut de la fonction publique, les fonctionnaires peuvent être licenciés : c’est le cas aux USA.
    L’agriculture a été égorgée par l’Etat, sa fiscalité écrasante, le ministère de l’agriculture, la FNSEA et le Crédit agricole, qui ont voulu une agriculture de surproduction, au détriment de la qualité alimentaire et de l’équilibre du territoire. Bruxelles et la grande distribution ont oeuvré dans un paysage économique agricole déjà dévasté.

  6. Je crains que l’Etat des Etats-Unis ne soit encore plus puissant que le modèle que nous connaissons en Europe. Il impose un modèle “humain” pardon technique de développement pour aboutir à un “homo economicus” parfait consommateur. Dans ce sens le système économique des Etats-Unis est plus performant que tout autre, les robots humains sont mieux formatés, les influences y sont plus pures et moins contradictoires.
    Le quart monde des Etats-Unis et le tiers monde écrasé par ce merveilleux pays (IraK…) n’ont plus la ressource des pauvres de l’Ancien Régime de se reporter vers un Responsable : “Ah si le rois savait ça”. Et non ! Ce sont eux qui ont voté, qui ont décidés librement qui les gouvernera. (Obama l’élu des petites gens grâce à internet). Ou mieux, c’est l’Europe un monstre d’origine divine qu’il est sacrilège de remettre en cause. (comment être contre le progrès, mais il faut que tous acceptent ?)
    Il ne leur reste plus que la solution exposée par les fresques de Saint Savin commentant l’apocalypse : les hommes sont représentés sous la forme de scorpions retournant leur queue empoisonnée contre eux-même. (car l’homme-créature ne peut pas devenir un parfait homo-économicus et plus son sur-moi est conditionné plus il ressort avec violence contre lui-même)

  7. Le service public à la française, c’est très simple : si vous voyez un tracteur en train de faucher l’herbe au bord de la route, suivi d’un fourgon, c’est le service public de la DDE. Si le tracteur est seul, c’est une entreprise privée qui fait la même prestation avec une seule personne au lieu de deux, pour le compte du service public.
    Le résultat est strictement le même pour vous en tant qu’automobiliste, mais, en tant que contribuable, c’est moins sur.

  8. @ Laurent
    Que le matérialisme économique soit très présent dans la mentalité américaine est une évidence, comme dans la plupart des pays et régions protestantes de la planète ; quand on ne peut user de la raison sur la foi, on doit vérifier celle-ci par la réussite matérielle. Ce qui touche également les pays dits ”catholiques”.
    Mais néanmoins les USA sont le plus grand état contemporain dans lequel des citoyens et croyants pro Life ont fait reculer l’avortement dans la loi, contre les élites auto proclamées.
    Quant au quart-monde américain, ne nous gaussons pas trop : le minimum vital américain, le fameux seuil de pauvreté, est très largement supérieur à ce qu’ont les inscrits au RSA en France, pour des logements et des conditions de vie très largement inférieures.
    Connaissez-vous le quart-monde rural, celui dont on ne parle jamais, ou le quart-monde français de souche (je ne parle pas des immigrés, heureux d’être assistés en France) des régions ou villes jadis industrielles et désindustrialisées depuis deux générations ? Dont les enfants sont obligatoirement inscrits dans des écoles avec 50 % et plus d’immigrés ?
    Inutile de rechercher la misère au bout du monde : elle est bien française et en général présente à notre porte. Il suffit de vouloir la rencontrer.

  9. les réflexions de daoudal sont effectivement très binaires, voire manichéennes,et truffées de lieux communs. La conversion progressive de daoudal au néo-libéralisme ne laisse pas de m’étonner.
    Rappelons lui qu’avant 1793, la poste était déjà monopole d’état, sous le nom de postes royales. Et que la notion de service public à la française est avant tout un héritage du colbertisme….

  10. Il n’y a rien qui ne concerne l’homme qui ne doive être privé.
    Le discours des services publiques est faussé par l’habitude et le manque de connaissance économique.
    Par exemple, la fabrication du pain est privée, celle des médicaments aussi, pourquoi le ramassage des feuilles ou l’école devrait elle être “publique”, rien ne le justifie sous l’angle éthique.
    A la réflexion il y a le marxisme qui donne tout pour le fait communisé et le capitalisme qui donne tout pour le fait libéralisé.
    Le nationalisme stance les limites du capitalisme dans son désir de mondialisation, on trouve donc un contenu capitaliste dans un contenant nationaliste.
    Le capitalisme permet avec l’argent gagné en écart de favoriser la création, de récompenser le talent, de permettre au plus grand nombre de s’exprimer.
    Certains peuvent aller se réfugier chez les Amish pour éviter la vie du Seigneur qui est la vie dans ses évolutions.
    Ce n’est pas le rôle des catholiques qui est d’accompagner et d’adapter, parfois de critiquer ces évolution avec l’ensemble de la population.

  11. sanpierre
    pourriez-vous reformuler ? C’est confus, incompréhensible….

  12. PG
    A vous relire, je ne suis pas sûr que nous ne partagions pas un certain nombre d’éléments. Mais pour revenir sur le modèle américain et “son quart monde” voici 2 exemples :
    http://fortune.fdesouche.com/2360-etats-unis-une-mort-a-credit
    et sur le journal de Radio Courtoisie, j’ai entendu parlé de ce phénomène de société : de nombreux américains ne peuvent plus “récupérer” les corps de leur proche qui reste à la charge de l’Etat.

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