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Culture de mort : Euthanasie

Le rapport Léonetti-Claeys mécontente, par son ambiguïté, adversaires et partisans de l’euthanasie.

Le docteur Jean-Pierre Dickès livre pour Présent son analyse du rapport Léonetti-Clays sur la sédation terminale :

"Le gouvernement semblerait rejeter l’euthanasie, mais accepter une autre solution qui serait la « sédation terminale ». L’argument : rendre aux malades la possibilité de reprendre en main leur destin. Comme si les médecins étaient des gens sans cœur, n’ayant cure des souffrances de leurs patients !

L’euthanasie active consiste à faire une injection mortelle – en général du chlorure de potassium – comme on le fait pour les condamnés à mort en Amérique et comme a procédé en série le Dr Bonnemaison. L’euthanasie passive apparaîtrait comme plus « douce » ; ce qui n’est pas prouvé car, de plus en plus, il s’avère que des personnes considérées comme inconscientes et en fin de vie ont une activité cérébrale plus ou moins résiduelle : c’est le thème du fameux livre Une larme m’a sauvée. Il faut donc proscrire et bannir les termes d’euthanasie « active » ou « passive ». L’idée commune est de mettre fin à la vie d’un de ses contemporains. C’est une mise à mort dans les deux cas.

Contrairement à ce que certains idéologues affirment, le médecin ne trouve pas un plaisir à laisser mourir son patient dans un contexte de souffrance. Normalement, il doit toujours avoir une ou deux ampoules de morphine (et maintenant des patchs) ; certains dérivés de celle-ci peuvent être jusqu’à mille fois plus puissants. Il en résulte que toute douleur organique peut être prise en charge. Prétendre le contraire est un mensonge.

Tous les médecins du monde savent qu’à partir d’un certain moment, le mal a gagné la partie. Lui et la famille en conviennent. Il est inutile de pratiquer un « acharnement thérapeutique » et de continuer des « soins disproportionnés », faisant gagner au mourant quelques heures ou un jour ou deux. 

Je vais prendre le cas de mon beau-père que j’aimais énormément. Il se mourait d’un cancer à la clinique. Quand une agonie est douloureuse, cela se voit tout de suite. Dans son cas, il grattait fébrilement les draps, alors qu’il avait sombré dans l’inconscience. J’allais chercher dans mon service deux ampoules de morphine. J’en fis une première, qui ne fit guère d’effet. Or la morphine est un dépresseur respiratoire. L’agonisant était très encombré au niveau des poumons. Je savais qu’en lui en faisant une deuxième injection, il aurait quelques heures de vie en moins. Mon intention de faire cette seconde injection tendait uniquement à vouloir le soulager : c’était faire mon devoir de médecin. Mais si mon but était de mettre délibérément fin à ses jours, j’étais un assassin. L’acte et le produit utilisé sont les mêmes. Or, précisément, les tenants de l’euthanasie veulent arriver à faire se rejoindre ces deux manières d’appréhender les choses, affirmant que tous les médecins ont pratiqué l’euthanasie. Tout simplement afin d’arriver à légaliser celle-ci au nom des bons sentiments.

Venons-en à la « sédation terminale ». Là aussi, il y a une confusion de langage. Il y a quarante ans, quand une personne « agonisait », on la « déconnectait » en mettant une perfusion de divers calmants. C’était avoir une attitude médicale conforme à la déontologie : soulager sans tuer. Il va de soi que, si la perfusion était mise à un débit trop rapide et qu’étaient doublés les produits employés quand elle était terminée – histoire de liquider le malade en vitesse – on se trouvait devant un cas d’euthanasie pure et simple, un assassinat.

Le pape Pie XII, dans une très importante déclaration aux médecins et aux chirurgiens (27 février 1957), consacre un long passage sur la question de l’analgésie. Il estime tout à fait légitime de recourir à la « narcose » chez les patients en fin de vie. Ce terme, qui avait disparu, revient à la mode : il désigne un sommeil artificiel profond. Nous avions demandé cela pour notre fils qui se mourait d’une défaillance cardiaque liée à une myopathie. Le pape écrit : « Si le mourant a rempli tous ses devoirs et a reçu les derniers sacrements, si on ne dépasse pas dans la fixation des doses la quantité permise, si l’on a mesuré soigneusement l’intensité et la durée de celle-ci et que le patient y consente, la narcose est moralement permise. »

Dans ce contexte, il est évident que tous les mots comptent. Quand la loi Léonetti veut laisser mourir les agonisants en les privant d’eau et de nourriture, il prône une mort certainement effroyable par déshydratation. C’est une euthanasie. Il faut donc faire une grande différence entre la « sédation terminale », ayant pour but d’accélérer la mort, et la « sédation en phase terminale » qui, elle, n’a pas l’intention de tuer : ceci s’appelle « soins palliatifs ». C’est cette différence sémantique qui se posera lors des discussions futures."

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3 commentaires

  1. Méfiance.
    Entre l’injection létale (la mise à mort, l’euthanasie – c’est curieux comment ce mot résonne …) et l’injection d’analgésiques (avec le risque non recherché de provoquer des lésions aux neurones) il n’y a pas de place sémantique : c’est la mort qui est recherchée ou la vie qui est soutenue. Tout au plus y a t’il une notion de vitesse : la sédation profonde a pour but de provoquer en moins de deux heures ce que le traitement anti-douleur peut provoquer sur un temps long si les doses deviennent importantes. Détruisant les structures cérébrales on détruit les fonction donc on détruit le corps au niveau de sa régulation par le cerveau.
    Ils sont en train de nous mettre un nouveau vocabulaire afin de mieux tromper les braves gens qui n’y comprennent pas grand chose.
    Et en plus ils vont nous glisser que la demande peut être faite par un proche ou un médecin, donc passer outre le malade et ne plus rendre caduc une choix d’euthanasie qui aurait été fait il y a plus de 3 ans.
    On laisse libre les gens dans un relativisme moral et une misère matérielle : les prisons se remplissent, alors on fait des lois pour exempter les prisonniers de moins de 2 et maintenant 5 ans.
    On vit plus vieux (mais avec de lourdes pathologies) alors on vide les hôpitaux car ça coûte cher et on repousse l’âge de la retraite tout en maintenant les plus de 55 ans au chômage, ça fait baisser le coût des retraites.
    On détruit l’enseignement alors on supprime les notes et on allège les programmes.
    Tous les dysfonctionnements humains et sociétaux ont un coût gigantesque alors on prend des mesures purement économiques sous couvert de dignité, de libéralité, de bienveillance et avec des mots savants créés pour l’occasion, mais ce qui est visé et dissimulé est exactement aux antipodes des beaux discours.

  2. Le rapport Leonetti-Claeys est une fourberie car il crée délibérément la confusion pour introduire l’euthanasie, le droit de tuer. Les médecins devront-ils faire précéder leur numéro d’inscription à l’ordre des médecins d’un double zéro, signe du permis de tuer.
    Endormir jusqu’à ce que la mort s’en suive est un homicide volontaire avec préméditation, éventuellement commis en bande organisée.
    Il est possible de tuer avec de la morphine, des barbituriques, des curares, du chlorure de potassium, de l’insuline, de la digitaline et mille autres poisons donnés en dose létale. Mais ces substances, à doses contrôlées sont des drogues utiles. Et en cas de surdosage, d’intoxication, pour tous ces poisons il existe des antidotes. Il est (presque) toujours possible de « rattraper » une intoxication menaçant la vie. Tous les anesthésistes réanimateurs le savent, tous les centres de soins intensifs le font. Mais évidemment si le médecin décide, non pas de laisser mourir, mais de faire mourir, alors le patient va mourir, intentionnellement.
    Pas de droit sans devoir. Un droit opposable crée un devoir, une obligation de le satisfaire. Je réclame moi, comme médecin, le droit (et le devoir) de faire exclusivement ce qui est dans l’intérêt de mon patient, sans que celui-ci ait à me dicter ma conduite, sans tenir compte de raisons financières. Soulager est un devoir du médecin, tuer non, même par compassion.
    De facto il n’y a pas de liberté individuelle du médecin ou de l’infirmière dans les centres qui pratiquent l’euthanasie (ou l’avortement). Je refuse que ce déni de liberté de conscience le soit de jure. Non, ni la loi, ni mon patient, n’ont à me dicter ce que j’ai à faire.
    Si vraiment quelqu’un a envie de mourir qu’il trouve un exécuteur qui ne soit pas médecin, ce n’est pas son rôle et c’est contraire à son éthique et au serment d’Hippocrate originel. Pour ma part j’ai toujours essayé et j’essaierai toujours d’empêcher les suicides et de récupérer les tentatives manquées.
    Soulager mais pas tuer. Tuer n’est pas soulager.

  3. @ Daniel
    Vous écrivez « on prend des mesures purement économiques sous couvert de dignité, de libéralité, de bienveillance et avec des mots savants créés pour l’occasion, mais ce qui est visé et dissimulé est exactement aux antipodes des beaux discours. »  Les mots « purement économiques » sont justes. Combien de fois dans les services hospitaliers ou les maisons de repos ne prend-t-on des décisions pour des raisons comptables ?  Combien de fois « la famille » ne suggère-t-elle pas à l’équipe soignante que « c’est trop lourds » pour elle ?  L’accompagnement ou les soins palliatifs coûtent cher et sont chronophages. Les décisions ne sont pas toujours prise « dans l’intérêt du malade » mais « dans l’intérêt de tiers ».
    La sécurité sociale a intérêt à « terminer » ses vieux et ses malades au plus vite.

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