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Histoire du christianisme

Le principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité

Le second numéro d’une nouvelle revue de philosophie du droit, l’Affectio Societatis, réalisée par des avocats et juristes soucieux de réfléchir au juste à l’école d’Aristote et Saint Thomas d’Aquin, est consacrée au principe de subsidiarité. Le premier numéro portait sur la justice distributive.

Me Grégoire Belmont, avocat au Barreau de Paris et président du cercle Affectio Societatis, écrit dans un article consacré au principe de subsidiarité, idéal de la République organique :

[…] Le premier mérite du principe de subsidiarité est d’établir la nécessité d’un juste partage des pouvoirs. Le droit n’est pas que le partage des choses matérielles : il fixe aussi des limites entre les juridictions, et rend à chacun l’autorité qui lui est due.

Ce partage des pouvoirs se fait selon un critère de suppléance. L’autorité supérieure doit laisser tout pouvoir à l’autorité subalterne tant que son intervention ne s’avère pas bénéfique

Le mot “subsidiarité” vient de “subsidium”, auxiliaire, renfort. Le principe exprime juridiquement la conception selon laquelle le gouvernant est l’aide de son peuple : son pouvoir est de nature ministérielle selon l’enseignement du Christ dans l’Evangile de Saint Jean, qui institue le prince serviteur de ses sujets. Comme le rappelle Saint Thomas d’Aquin, si l’inégalité politique des hommes est un fait de nature, le fondement de l’autorité n’en demeure pas moins le bien commun, et celui des subordonnés.

L’homme est en dernière analyse acteur de sa propre perfection : s’il est mû sans nécessité par un autre, son destin se brise, sa créativité s’étiole. Donner à une autorité mal informée et incapable d’agir un pouvoir excessif sur la vie concrète du citoyen, c’est brider inconsidérément sa vitalité, son initiative, l’asservir à des diktats inutiles. Comme le souligne Aristote, c’est grâce à la complémentarité des talents, des forces, des aspirations que la Cité devient le lieu du bien-vivre : l’uniformisation des citoyens et la collectivisation forcenée l’étouffent et la mènent à la mort.

Une autorité trop englobante aime l’ordre qu’elle crée pour lui-même. Elle ne saisit pas les situations qui lui sont soumises dans toute leur diversité et leur complexité. Elle statue par décisions d’ordre général à l’égard de cas différents, ce qui est à la fois injuste et contre-productif. Visant le bien de l’ensemble, elle sacrifie inutilement le bien de certaines parties du corps politique.

Le partage du pouvoir se fera donc selon le caractère plus ou moins commun du bien que l’autorité entend prendre en charge. […]

La démocratie moderne a paradoxalement introduit un divorce entre le peuple et l’Etat, entre le privé et le public. Tout le civisme des citoyens est censé s’exprimer dans un vote. A partir de ce vote, deux entités s’opposent : au-dessus de nos têtes, l’Etat, seul dépositaire de la souveraineté populaire. Aucune loi supérieure ne le borne, si ce n’est celle de la gouvernance supranationale ; aucune loi, coutume ou juridiction inférieure ne le limite. Il est seul chargé d’un intérêt général abstrait, qui se décompose, au plan juridique, en ordre public d’une part, en droits subjectifs d’autre part : or, qui dit droits subjectifs dit satisfaction des besoins et désirs individuels, de sorte que l’Etat se penche jusqu’à nous au travers de collectivités territoriales ou d’entités semi-publiques, certes juridiquement distinctes mais soumises à sa loi.

Pour pallier aux manques de sociabilité qu’il a lui-même créés, l’Etat se charge d’objectifs politiques abstraits (mixité, diversité, pluralisme) directement contraires à l’amitié politique, puisqu’ils empêchent les citoyens de communier à la même vérité et rendent le citoyen comptable de ses affinités.

[…]

Si les corps constitués sont statutairement soumis à la fois au bien commun de leurs membres et au bien public, rien ne s’oppose à ce qu’ils se gouvernent dans leur ordre, et selon leur finalité propre. Le souci du gouvernant ne peut être que leur épanouissement, selon la loi de croissance qui est la loi de nature. Il vient en renfort, mais l’Etat, ce n’est pas Lui.  N’étant que le sommet de la pyramide, son souci est de vivifier la base, et non de la tarir. La forme de l’Etat épouse celle du corps social, d’où son extrême élasticité.

L’intervention du gouvernant dans la gestion d’un corps intermédiaire ne peut alors avoir que deux motifs :

  • Placer ce corps sous tutelle en raison de déficiences qui l’empêchent d’atteindre sa fin propre. Néanmoins, dans une société bien faite, cette tutelle n’est pas nécessairement exercée par le Prince;
  • Orienter sa croissance, ou la brider en raison de finalités d’ordre supérieur, notamment liées à des considérations de justice ; néanmoins, un gouvernant doit encourager chaque fois que possible la vitalité des citoyens plutôt que de la brider par des plans présomptueux.

Ainsi, les corps pourront être dotés d’une liberté véritable puisque, comme le faisait remarquer le Parlement de Paris à Louis XVI lors de la suppression des jurandes, ils tirent leur légitimité de l’histoire, et plus encore de la nature. Respectable, leur liberté sera respectée.

Rétablir la subsidiarité impose donc de revivifier la propriété, la famille, la société, la corporation, l’association, les corps de villes et de province à l’abri des conceptions individualistes du Code Civil.

[…]

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