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Pays : Arménie

Le père Mashdots Zahtérian forme les futurs prêtres catholiques d’Arménie

Le père Mashdots Zahtérian forme les futurs prêtres catholiques d’Arménie

De notre envoyé spécial Antoine Bordier

En Arménie, l’Eglise catholique représente 7% de la population, c’est-à-dire près de 200 000 baptisés. Le père Mashdots Zahtérian est le recteur du séminaire des Saints Archanges, qui se situe à Erevan, la capitale du pays. Il forme, actuellement, une dizaine de futurs prêtres. Eclairage sur l’homme, sa vocation, et les jeunes.

Père Mashdots Zahterian, pouvez-vous vous présenter personnellement ? Où avez-vous passé votre enfance ? 

Père Mashdots Zahterian : Je viens d’une famille d’origine syrienne de la région du Késsab. Je suis né le 6 octobre 1986 à Byblos. J’ai vécu dans un quartier arménien de Beyrouth (NDLR : au Liban) qui s’appelle Bourj Hammoud. Nos ancêtres, après le génocide arménien, se sont installés dans ce quartier et ont construit des écoles, des immeubles, des églises ainsi que toutes les institutions qui fonctionnent encore aujourd’hui, malgré la grave situation économique et politique. J’ai suivi mes études primaires dans une école arménienne dans cette même région. Elle a bercé toute mon enfance : à travers la famille, l’école, les groupes de scouts et la vie paroissiale. 

Parlez-nous un peu plus de votre vocation. A quel moment avez-vous senti l’appel de Dieu ? Avez-vous une anecdote précise à raconter ?

Chaque matin, dans l’école, on commençait la journée par la prière. Chaque dimanche, j’allais à l’église même si je ne comprenais pas les prières, étant donné qu’elles étaient en langue arménienne classique. Pendant les fêtes, avec ma famille nous étions toujours présents. Je vivais une relation particulière avec l’église où je me sentais bien, en paix, plus heureux qu’à la maison ou dans d’autres lieux. Ce sont les premiers signes de ma vocation. Puis, à neuf ans, j’ai entendu dire qu’il y avait un séminaire à Bzommar, le siège patriarcal des Arméniens catholiques. J’ai voulu participer à leur camp d’été. Je considère que c’était le point de départ. A mon retour, j’ai annoncé à mes parents que je ne voulais plus revenir dans mon école précédente, et, que je souhaitais rentrer dans cette communauté. Je m’en souviens encore : c’était le 21 juillet 1996 et j’avais 9 ans.

Quel a été votre parcours, après ?  

Dans le petit séminaire de l’Archange St. Michel à Bzommar, durant un an, j’ai suivi des cours de français. Ensuite, j’ai continué mes études primaires à l’école des sœurs d’Antonine à Achkout, puis les études secondaires à l’école des pères Pauliste à Faytroun. Par la suite, j’ai étudié à l’école St. Mesrob à Bourj Hammoud, qui dépend de notre Patriarcat. Après avoir réussi les examens officiels, en 2005, je suis entré au grand séminaire, dédié au martyr et bienheureux, l’archevêque Ignace Maloyan. Ensuite, j’ai commencé mes études philosophiques à l’Institut St. Paul d’Harissa, pendant trois ans pour obtenir ma licence. Après, je suis parti à Rome, pendant 3 ans, pour suivre les cours de théologie à l’Université Grégorienne des pères Jésuites. Je suis retourné au Liban en 2011 à la demande de sa Béatitude le patriarche Nersès Bédros XIX. Il m’a ordonné diacre, puis prêtre le 14 avril 2012. En même temps, je continuais mes études de master en théologie à l’université de Saint Esprit de Kaslik, au Liban. J’ai été nommé comme vice-recteur des deux séminaires à Bzommar, où j’ai servi pendant 6 ans. J’étais, également, aumônier de l’école St. Croix à Zalka où j’enseignais le catéchisme. J’étais, aussi, responsable du comité pour les nouvelles vocations dans l’éparchie de Beyrouth. En 2017, l’actuel patriarche, Grégoire Pierre XX, m’a envoyé en mission en Arménie. Dans un premier temps, j’étais le curé de la cathédrale de cette éparchie à Gyumri. Puis en octobre 2018, nous avons fondé le petit séminaire des Saints Archanges à Erevan, dont je suis le recteur suite à ma nomination par l’archevêque S.E.R. Raffael Minassian.

Un parcours bien rempli. Parlez-nous, maintenant, de l’Eglise catholique arménienne. Il y a ici combien d’églises, combien de pratiquants, combien de prêtres et combien de séminaristes ? Est-ce que vous avez, comme en Europe de l’Ouest, et, en France, une crise des vocations ?  

La présence de l’Église catholique en Arménie revient vers le 19e siècle, avant la domination de l’Union Soviétique. Pendant ce régime, il était interdit de pratiquer les cultes dans les églises. Après la chute de l’Union et l’indépendance de l’Arménie, les églises ont recommencé leurs activités et leurs missions au service du peuple arménien. Il y a plusieurs églises dans des régions différentes de l’Arménie. Nous sommes présents dans les provinces de Shirak et Lori comme aussi dans la capitale Erevan. Dans chaque province il y a une dizaine d’églises. Et, chaque prêtre a plus qu’une paroisse à servir. A Erevan, à côté de la résidence de l’évêque, nous avons la paroisse St. Grégoire de Narek et le séminaire. Le nombre des pratiquants dans toute l’Arménie est environ de cinquante mille, avec douze prêtres servant toutes les paroisses.

Venons-en au séminaire. Pouvez-vous nous le présenter ? Si, j’ai bien compris, il s’agit d’un petit séminaire. La dizaine de jeunes garçons que vous formez ont moins de 18 ans.

Le séminaire des Archanges est un petit séminaire unifié avec un accord entre l’Éparchie et l’Institut du Clergé Patriarcal de Bzommar où se situe le Siège Patriarcal des Arméniens catholique du monde entier. Notre Institut s’occupe aussi de la formation et de l’éducation des futurs prêtres. Mgr Raffael Minassian, notre évêque, a signé un accord avec le Vicaire Patriarcal de l’Institut, le supérieur du Couvent pour que ce séminaire fasse partie aussi de l’Institut. De cette manière, on peut former de nouveaux prêtres soit pour l’Éparchie, soit pour ceux qui veulent devenir membre de l’Institut afin de continuer sa formation. Il faut dire qu’après la fin du lycée, tous les séminaristes partent au service militaire comme tous les autres citoyens. Par la suite, ils reviennent au séminaire pour un an pour préparer leur départ en Europe, en Pologne ou en Italie pour leur formation et les études philosophiques et théologiques. 

Comment recrutez-vous ces jeunes ? D’où viennent-ils ? Et, quelle est la journée type d’un jeune séminariste ?

Nos séminaristes viennent plutôt des provinces de Shirak et de Lori (NDLR : dans le nord du pays). Ils étudient le matin dans l’école privée des pères Mekhitaristes à Erevan. L’après-midi, ils font leurs devoirs, apprennent le français, et ont des cours de chants. Avant le Covid-19, on enseignait aussi l’arménien classique, le grapar, la littérature arménienne et la langue anglaise. Maintenant, nous n’avons que le français, qui est enseigné par notre volontaire (NDLR : de l’Oeuvre d’Orient), Simon, ainsi que les cours de chants. Les études religieuses, les chants liturgiques et autres, sont enseignés par le recteur et le vice-recteur. De temps en temps, nous visitons les paroisses et nous célébrons la Divine Liturgie avec la présence des séminaristes et la participation de tous les fidèles. Chaque année nous organisons un camp d’été pour les nouvelles vocations. Notre présence active sur les médias-sociaux nous aident, également, à recruter les jeunes.

Dernières questions : Il y a ici, en Arménie, beaucoup de pauvreté. Après la guerre, des milliers de réfugiés ont été jetés sur les routes et ont perdu leurs terres ancestrales, est-ce que vous les aidez ? Enfin, quels sont vos projets pour cet été ? Partez-vous en pèlerinage avec tout le séminaire ? 

Nous avons eu beaucoup de mal à cause de la guerre qui a eu lieu en Artsakh. Outre le nombre conséquent de victimes, nous sommes des témoins oculaires des massacres culturels et religieux qui se réalisent encore chaque jour contre l’humanité, l’histoire et la culture arménienne. Nous restons, toujours, les prédicateurs de la paix au nom de notre Seigneur Jésus Christ. Mais, en même temps nous demandons que la justice soit effective. Nous voulons vivre en paix avec la Turquie et l’Azerbaïdjan. Tout en ayant la liberté de réaliser nos cultes dans notre pays, et, de vivre sur nos terres ancestrales. Pour conserver cette indépendance, nous payons très cher le prix. Mais étant donné que nous somme la première nation convertie au Christianisme, nous n’avons pas le droit de perdre espoir, et, nous continuons à rester fidèle à la Croix.

Cet été, nous allons essayer d’organiser le camp pour de nouvelles vocations, et quelques cours supplémentaires pour nos grands séminaristes qui rentrent d’Europe. Deux séminaristes recevront les premiers ordres sacerdotaux et seront ordonnés des sous-diacres.

Pour terminer, j’aimerais dire un mot de remerciement. Merci pour cette interview. Nous avons besoin de vous, de la France, pour nous aider. Car notre mission est très importante et essentielle, ici en Arménie.

Interview réalisée par notre envoyé spécial Antoine BORDIER

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