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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Le Motu proprio Traditionis custodes à la lumière de Jean Madiran (3)

Le Motu proprio Traditionis custodes à la lumière de Jean Madiran (3)

Troisième article de Rémi Fontaine pour Le Salon beige (retrouvez en lien la partie 1 puis la partie 2) :

Ce n’est pas contester la succession apostolique ni la primauté du siège romain, si maltraitées par ailleurs, que d’opposer respectueusement un « non licet »(« ce n’est pas permis ! ») au Motu proprio du 16 juillet 2021 du pape François. Nous ne péchons pas en cela contre la nécessité de la communion ecclésiale (1), si malmenée par ailleurs. Mais c’est connu :

« Plus l’autorité hiérarchique devient “laxiste”, comme on dit, voire évanescente en matière de fidélité dogmatique, et plus augmente son caporalisme dans les questions pratiques ou subsidiaires. » (2)

Face à une soumission exigée brutalement et arbitrairement comme signe secondaire et contingent (« cléricaliste » ?) de cette communion, les catholiques de tradition pratiquent simplement une objection de conscience. Dans cette objection légitime de fils de l’Eglise, n’étant pas membres (sauf exceptions) de l’Eglise enseignante, ils peuvent avoir plus ou moins tort, plus ou moins raison, la communion et l’unité ecclésiales n’en sont pas pour autant rompues :

« Des clercs, des laïcs, des catholiques ordinaires et même des saints se sont trouvés en discussion, en contestation, en querelle avec leur évêque ; avec le saint-siège ; avec le pape. Ils n’ont pas été excommuniés pour autant… Voyez par exemple : quand le saint-siège dissout et supprime l’Ordre des Jésuites, il ne les déclare point excommuniés ; les Jésuites qui malgré le saint-siège désirent, organisent et finalement obtiennent du saint-siège la reconstitution de la Compagnie de Jésus, aucun [XXX] ne leur a fulminé qu’ils n’étaient “pas en communion avec le saint-siège”. » (2)

Sans même parler du cas de Jeanne d’Arc, les louvoiements des détenteurs de la succession apostolique et de la primauté du siège romain devant la Réforme protestante et devant la Révolution française ont eu aussi leurs heures malheureuses raccourcies par les éclaireurs de la Contre-réforme et de la Contre-Révolution…

Au demeurant, les « tradis », comme on les appelle, n’ont pas d’unité proprement dite, sans autre autorité de commandement justement que celle de l’Eglise (aujourd’hui bien défaillante), à laquelle ils consentent et se soumettent pour ainsi dire autant que… pas plus que… Avec des variations, des interprétations différentes et sous réserve du jugement définitif de l’Eglise (qui vient toujours après les malfaçons objectives de son histoire) :

« Depuis qu’a commencé la crise de la messe, ils ont été à son sujet toujours profondément divisés quant aux attitudes à tenir et aux initiatives à prendre, selon la diversité des opinions particulières, des sensibilités, des arguments, des tactiques… Les “traditionalistes”, ce n’est pas, ce ne peut être ni un parti, ni une armée ni une Eglise ; c’est un état d’esprit. Et, bien sûr, un comportement. Une professio et une devotio. » (3)

Le rôle des laïcs

Si, selon la formule, ce sont les prêtres qui prêchent la croisade, ce ne sont pas eux qui la dirigent. Par leur état, les fidèles laïcs sont sans doute plus à même que les clercs, selon cette métaphore, d’exprimer et de mener ostensiblement l’espèce d’insurrection morale que représente aujourd’hui ce comportement pluriel in medio Ecclesiae et plus encore in corde Ecclesiae. Afin d’organiser temporellement cette légitime objection de conscience, cette auto-défense du peuple de Dieu, en des lieux où peuvent se retrouver assurément les diverses options prudentielles et religieuses de la mouvance traditionaliste, sans hiérarchie parallèle ni aucune substitution au pouvoir religieux.

En témoignent notamment l’histoire, la devotio et la professio du Pèlerinage de chrétienté :

« Les pouvoirs temporels du laïcat chrétien demeurent ce qu’ils sont, en fait et en droit, quelles que soient les défaillances, les manœuvres ou les impostures de divers représentants de l’Eglise hiérarchique. » (4)

Avec leurs institutions et autorités temporelles propres, rien n’empêche les laïcs, pour mieux remplir spirituellement leurs tâches temporelles, survivre en familles dans la crise religieuse en gardant les point fixes du peuple chrétien, de faire appel aux clercs de tradition non comme chefs mais comme aumôniers ou conseillers religieux (comme ont fait le MJCF, les Scouts d’Europe, les écoles indépendantes… avec l’esprit missionnaire que l’on sait). Pour les assister spirituellement. Pour distribuer les sacrements, pour éclairer, instruire et réconforter spirituellement selon une autorité morale de conseil, de suppléance, laquelle ne peut prétendre évidemment à une autorité de décision ou de juridiction religieuses. La tradition, en tant que l’une des sources constitutives de l’Eglise, ne peut que respecter la structure de l’Eglise visible (malgré ses déficiences) et se mêler (malgré ses résistances) à cette Eglise.

Jean Madiran parlait de caporalisme où l’on dirait aujourd’hui cléricalisme :

« Le caporalisme religieux est peut-être le plus insupportable de tous. Il consiste présentement à tenir toute objection pour un blasphème, toute discussion pour une désobéissance, toute désobéissance (légitime on non) pour un schisme. Les distinctions les plus nécessaires son passées au bulldozer de l’inintelligence. Cela ne favorise pas l’unité. Au contraire. Voyez : elle est en miettes. » (2)

N’en déplaise aux puissants du jour dans l’Eglise, après les Responsa administratives de Mgr Roche et les louvoiements du pape François, nous pouvons néanmoins persister et signer comme le regretté fondateur de la revue Itinéraires : « En communion, mais oui, avec le saint-siège » !

Rémi Fontaine

(1) Cf. sur le site Claves.org de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre la série de l’abbé Jean de Massia « Messe traditionnelle et communion dans l’Eglise », spécialement le huitième article : « Pour la communion, n’imposer que le nécessaire. »

(2) Itinéraires de mars 1987.

(3) Itinéraires de janvier 1987. Extrait de la postface de l’enquête « Comment va la messe » menée par Yves Daoudal et Rémi Fontaine dans le quotidien Présent à la fin des années 1984 et au début de l’année 1985, et reproduite dans Itinéraires de mai 1985. Cité par Yves Chiron dans Histoire des traditionalistes, Tallandier, 2022.

(4) Itinéraires de juillet 1969.

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