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Valeurs chrétiennes : Culture

Le marxisme, une vision du monde sans Dieu s’attaquant depuis plus d’un siècle aux valeurs chrétiennes

Le marxisme, une vision du monde sans Dieu s’attaquant depuis plus d’un siècle aux valeurs chrétiennes

De Bernard Mitjavile pour Le Salon beige :

A une époque où l’on parle de marxisme culturel ou de freudo-marxisme, il est bon de se rappeler, particulièrement pour les chrétiens à quoi correspond l’idéologie marxiste : un athéisme global ou une tentative d’éliminer Dieu de l’univers en niant son pouvoir créateur (matérialisme dialectique), d’éliminer Dieu de l’histoire (matérialisme historique) en remplaçant la providence divine par la lutte des classes et les facteurs matériels qui la sous-tendent), d’éliminer Dieu de la culture, des institutions et des relations sociales par la théorie de la base et de la superstructure, de l’économie par les « lois » économiques définies par Marx dans le Capital et autres ouvrages.

Dans les années d’après-guerre, le marxisme était qualifié « d’horizon indépassable de notre culture » par le philosophe Jean-Paul Sartre. Au cours des années 1970-80, le philosophe communiste Louis Althusser, un aliéné mental qui finit en hôpital psychiatrique après avoir tué sa femme, était considéré comme une espèce de gourou à la Sorbonne ou Normal Sup par les étudiants qui se pressaient à ses conférences.

Même si aujourd’hui, les crimes du communisme ne sont plus masqués, si la Chine s’est convertie au capitalisme et le bloc soviétique s’est effondré, les erreurs et mensonges du marxisme ont été rarement systématiquement dénoncés, ce qui fait qu’il garde toujours une forte emprise sur la pensée de gauche, sur le syndicalisme et les universitaires en France. Ceci d’autant plus qu’il a regagné un nouveau souffle par le biais de l’école de Frankfurt avec des synthèses entre le marxisme et le freudisme, la dénonciation de la « répression sexuelle », de l’autorité paternelle et autres qui ont servi de base au féminisme et d’une façon plus générale au politiquement correct. Aussi un effort de clarification idéologique en revenant aux bases du marxisme, but de cet article, est nécessaire. 

CONCEPTION MARXISTE DE L’HOMME

Au cœur de chaque idéologie ou religion, il y a une certaine conception de l’homme. C’est sans doute la réponse apportée à la question : « qu’est-ce que l’homme ? » qui nous permet le mieux d’évaluer un système de pensée.

Derrière toute la phraséologie humaniste utilisée par les communistes, il y a donc une certaine idée de l’homme bien qu’elle ne soit pas mise en valeur car, en général, les gens ne poussent pas jusqu’au bout leurs questions et préfèrent ne pas considérer les implications métaphysiques de leur engagement.

Pourtant, cette vision de l’homme constitue le noyau du marxisme et permet de le situer par rapport au christianisme et à l’humanisme. Elle nous permet de saisir ce qu’il y a d’abusif et de contradictoire dans l’utilisation que font les communistes des mots de « libération » ou de « démocratisation ».

Pour les communistes, l’homme est un être matériel au même titre que les animaux, mais il se distingue d’eux par son haut développement. La matière, selon le matérialisme dialectique, possède un dynamisme inhérent qui lui permet, à partir de composés inorganiques, de former des êtres vivants unicellulaires comme l’amibe. Ces êtres inférieurs ont évolué jusqu’à l’homo sapiens en passant par de nombreux stades.

Par contre, pour un idéaliste, l’homme n’est pas un animal évolué, mais un être doué de raison, un être éthique qui possède des droits humains et une dignité due à une personnalité unique. Pour le matérialisme communiste, ce ne sont ni la raison, ni les droits, ni le caractère qui distinguent fondamentalement l’homme de l’animal, mais le travail social.

Fondement de la valeur de l’homme dans la théorie marxiste

Marx comme Engels admiraient la théorie de l’évolution par la survie des mieux adaptés selon Darwin, théorie qui correspondait bien à leur idéologie d’une lutte impitoyable pour le développement. Ainsi, Marx demanda à Darwin d’écrire une préface à son œuvre principale « Le Capital », ce que Darwin refusa. D’après Engels, la faculté de raisonner et le caractère se sont développés chez l’homme dans une relation dialectique avec le travail et particulièrement le travail social. C’est par l’utilisation d’instruments dans un groupe que des singes ont évolué progressivement jusqu’à l’homme. Le travail a intensifié le besoin de communiquer, origine du langage, et permis le développement de la raison. Selon Engels « la production de matériaux nécessaires au travail (outils de travail) distingue l’homme de l’animal plutôt que la conscience ou la religion». La coopération dans le travail a amené les hommes à développer des relations étroites et à former des sociétés. L’ordre et la religion devinrent nécessaires pour faciliter la vie sociale et pour permettre aux hommes au pouvoir de gouverner efficacement. La personnalité, les critères de valeurs, les principes moraux, les droits et la liberté ne sont pas liés à la nature humaine aussi on ne peut les considérer comme absolus ; ils résultent simplement de la vie en société.

Pour les matérialistes conséquents on ne peut dire que chaque homme a une valeur unique. Le caractère et les droits résultant du travail social ne peuvent être reconnus que chez ceux qui participent à ce travail. Or, selon les communistes, ce n’est que dans une société communiste que le travail social sera garanti et que l’exploitation sera supprimée, société définie assez vaguement par Marx avec le slogan « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Aussi, la plus haute forme de travail social est l’activité révolutionnaire. Par la pratique révolutionnaire, la conscience de l’individu en arrive à saisir clairement la réalité sociale et historique dans laquelle il vit. Il peut donc agir librement et devient véritablement un homme. On ne peut donc reconnaître véritablement des droits et une dignité humaine que chez les révolutionnaires et ceux qui les soutiennent. Par contre, selon cette théorie, ceux qui s’opposent à la révolution n’ont pas plus de valeur que les animaux, aussi peut-on les supprimer sans pitié.

Considérant l’homme de ce point de vue, Staline et Mao-Tsé-toung ont pu justifier le massacre de dizaines de millions de personnes. Même si le côté humaniste des discours communistes séduit beaucoup de gens, il n’y a rien dans la philosophie marxiste qui permette de fonder la dignité et les droits de l’homme si ce n’est sa participation au travail social et son utilité dans le processus révolutionnaire.

Critique de la conception marxiste de l’homme

a) Critique scientifique

La conception de l’homme selon Engels se fondait sur la théorie de l’évolution continue de Darwin. Or, avec les progrès de la génétique ignorée par Marx, cette théorie a été progressivement remplacée par celle de mutations génétiques importantes à l’origine de l’humanité. Aussi, on ne peut dire si c’est l’utilisation d’instruments, le travail social et le développement du langage qui sont la cause de l’apparition de l’homme, ou si, au contraire, ce sont de profondes mutations physiques et psychiques qui ont permis le développement du travail social et du langage. Ainsi, l’hypothèse d’Engels qui fait du travail social le moyen de la transformation du singe en l’homme, n’est pas vérifiée et la science moderne, depuis la découverte du rôle des codes génétiques, ne rejette pas à priori l’action d’une volonté créatrice derrière le processus de l’évolution.

b) Critique d’un point de vue humaniste

La conception communiste de l’homme est incompatible avec le respect des droits, de la personnalité ou de la liberté de l’homme. Cette conception ne peut permettre de fonder véritablement une éthique ou des principes moraux. En effet, d’après les communistes, les droits, la liberté ou les principes moraux ne sont pas transcendants ou liés à la nature humaine, mais ils ne font que refléter un rapport de force, un compromis entre la bourgeoisie et le prolétariat à un moment donné, aussi, leur respect doit être subordonné à la réalisation du socialisme. Par conséquent, partout où des groupes d’inspiration marxiste ont pris le pouvoir, ils ont supprimé toutes les libertés fondamentales, (liberté de la presse, d’association, d’opinions, etc.).

Souvent les marxistes prétendent être des humanistes. Découlant du mouvement des lumières (Diderot, D’Holbach, Rousseau) le marxisme a effectivement quelques liens historiques avec l’humanisme, mais on ne peut le qualifier d’humaniste au sens actuel du terme. En effet, l’humanisme a toujours reconnu la dignité de la personne humaine et ses droits. Aussi, Marx et Engels se sont définitivement coupés du courant des humanistes matérialistes, en particulier de leur contemporain Ludwig Feuerbach, en subordonnant le respect de la dignité et des droits de l’homme au processus révolutionnaire.

L’humanisme a encouragé le développement de la liberté de conscience nécessaire à la poursuite de la vérité. Cependant, comme en général à l’exception notable de l’humanisme intégral de Jacques Maritain, les humanistes ne font pas dériver la dignité humaine d’une source plus élevée, mais font de l’homme un absolu, l’humanisme risque de se diriger vers le totalitarisme. Ainsi la révolution française d’origine humaniste contenait en germe aussi bien un élan vers la liberté que le régime de la terreur.

MATERIALISME HISTORIQUE

Base et superstructure

En tant que matérialiste athée, Marx croyait que la conscience humaine était un produit de la matière. Il voyait en la matière la cause première et la réalité fondamentale, les pensées, les émotions et la volonté n’étant que des reflets de cette réalité dans le cerveau. Cette croyance somme toute métaphysique, est la base de l’analyse marxiste de la société.

Marx distinguait dans la société un fondement et une superstructure correspondant à la distinction entre le corps et la pensée. D’après lui le fondement est constitué par le système économique ou plus précisément les rapports de production. Les institutions et conceptions politiques religieuses et juridiques, la vie artistique et la philosophie forment la superstructure qui se développe à partir de ces rapports de production.

Marx appela les rapports de production (équivalent social de la matière) « l’être social de l’homme », et les idéologies de la superstructure (équivalent social de l’esprit) « la conscience ». Une phrase résume bien cette relation conscience – être social : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être, mais au contraire, c’est leur être social qui détermine leur conscience »(Marx, préface de la Critique de l’économie politique).

La superstructure est censée se développer suivant le progrès des rapports de production. Les rapports de production sont remis en question par le progrès des forces de production, un tel conflit engendrant de nouveaux rapports de production. Les luttes dans les superstructures reflètent les luttes dans le fondement.

Les progrès dans la superstructure sont réalisés par des luttes qui ont leurs causes dans des conflits entre des intérêts économiques opposés.

« Une superstructure est le produit d’un fondement donné. Aussi elle ne dure pas plus longtemps et disparaît lorsque les conditions économiques changent » (Staline : Linguistique et Marxisme).

Conception de l’être et de la conscience

Marx développa son analyse matérialiste de la société en réaction contre la conception idéaliste suivant laquelle les idéaux et les institutions sont les facteurs décisifs du progrès social. Selon la philosophie idéaliste, les hommes établissent les institutions selon leurs opinions religieuses et morales. La vie économique se développe ensuite à l’intérieur de ces institutions.

Par exemple, si l’on a supprimé le servage féodal, c’est parce que les hommes ont pris conscience qu’ils sont fondamentalement égaux, et par conséquent doivent avoir les mêmes droits.

Selon l’approche idéaliste l’esprit précède la matière. L’homme fait d’abord un projet puis le réalise par son action. De même pour le progrès social, tout d’abord de nouvelles idéologies apparaissent, puis les institutions sont transformées, entraînant une amélioration des conditions économiques.

Comme pour de nombreux autres problèmes philosophiques, Marx a développé sa théorie sur l’être et la conscience en prenant le contre-pied des idées admises de son temps. D’après lui, l’effondrement de la société féodale ne vient pas des théories sur l’égalité entre les hommes, mais des nouvelles conditions sociales apparues avec le développement des manufactures préindustrielles.

Les communistes ne pensent pas non plus que l’avènement des sociétés communistes est dû aux théories marxistes. Ce sont les conditions économiques et sociales du capitalisme qui provoquèrent le développement de la théorie communiste. Les théories communistes ne sont que le reflet idéologique des contradictions, des conflits et des luttes propres aux sociétés capitalistes.

« Est-il besoin d’une intuition profonde pour comprendre que les idées et les conceptions de l’homme, en un mot sa conscience, change chaque fois que les conditions matérielles de son existence et ses relations sociales se transforment ? » (Marx et Engels Manifeste du parti communiste).

Les matérialistes sont donc convaincus que ce ne sont pas les changements idéologiques qui affectent les conditions matérielles, mais la transformation des conditions sociales qui provoque l’évolution des consciences. Aussi, pour transformer les hommes et en faire de  vrais communistes, il faut contrôler leur environnement social.

Contrairement aux idéalistes, les communistes considèrent que les idées et les valeurs sont transitoires et malléables. Elles apparaissent et disparaissent en relation avec leur fondement économique.

« Chaque base possède une superstructure économique qui lui correspond. Le système féodal a sa propre superstructure, c’est-à-dire ses propres vues politiques, légales et autres, ainsi que des institutions correspondantes. Il en est de même pour le capitalisme et le socialisme ». (« Matérialisme dialectique et matérialisme historique » J Staline).

Critique de la conception marxiste de la base et de la superstructure

Sur beaucoup de points, la théorie marxiste de la base et la superstructure est faite d’affirmations arbitraires sans support théorique. Par exemple, Marx considère les rapports sociaux comme l’équivalent social de la matière et prétend que les conditions matérielles déterminent la pensée.

Cherchant dans la société quelque chose qui corresponde à la matière, Marx opta pour les rapports sociaux. Cependant, les facteurs d’ordre humain et culturels, tels que la conscience de l’homme affectent profondément les rapports sociaux.

Alors, pourquoi Marx a-t-il choisi quelque chose qui comporte un aspect spirituel comme équivalent de la matière ? La réponse est simple : il y était obligé, car il n’aurait jamais pu convaincre personne que les éléments purement matériels de la société (biens économiques, investissements de production) dominent et contrôlent les idées et institutions. En assimilant les rapports sociaux à la matière il rendait son matérialisme plus vraisemblable. Mais cette analyse n’est pas fondée sur une recherche scientifique, c’est plutôt le résultat d’un choix arbitraire en faveur du matérialisme. Bref, Marx ne peut pas démontrer que les rapports sociaux correspondent à la matière. La thèse de Marx suppose que le fondement supporte la superstructure et de plus qu’il détermine le caractère de cette superstructure.

Le but poursuivi par Marx était de nier le rôle moteur de la conscience et de la volonté humaine dans l’évolution des sociétés. Aussi, il devait soutenir que les forces de production progressent indépendamment de la volonté humaine.

Ses affirmations et ses pseudo-démonstrations partent du désir de justifier et défendre ses positions matérialistes plutôt que du désir de comprendre la société et l’histoire par une analyse scientifique.

Si les affirmations de Marx étaient soutenues par l’histoire, il n’y aurait rien à dire contre son parti pris matérialiste et l’aspect dogmatique de ses théories. Mais les faits historiques réfutent complètement la théorie marxiste de la base et la superstructure.

La réfutation par l’histoire

Si la vision marxiste de l’histoire était correcte, les institutions de chaque époque devraient disparaître avec le renversement du fondement économique de cette époque. Si les idéaux et les institutions se maintiennent après la disparition de leur fondement respectif, cela signifie qu’ils ont une valeur qui transcende leur propre époque.

Selon Marx, l’art grec et le droit romain doivent leur existence aux rapports sociaux des sociétés esclavagistes. Ils auraient dû disparaître avec la suppression de ces rapports sociaux. Pourtant, ils sont toujours appréciés et le droit moderne s’inspire largement du droit romain. De même, le christianisme existe depuis plus de mille neuf cents ans bien que les relations de production aient changé de nombreuses fois durant cette période. Le confucianisme et le bouddhisme ont une histoire encore plus longue. Ces religions ont offert et offrent toujours une forte résistance à la tentative des communistes de les extirper de Russie et de Chine.

Depuis, de nombreuses révisions ont été apportées au marxisme pour expliquer que les superstructures se maintiennent après la disparition de leur fondement. Aujourd’hui, les marxistes prétendent que les vues d’un âge révolu sont parfois conservées si elles sont utiles à une époque ultérieure. Selon eux, si le droit romain fut conservé dans le droit bourgeois c’est parce qu’il avantageait la bourgeoisie.

Engels a admis que si les idéologies et institutions sont généralement produites par les conditions économiques, le type particulier de gouvernement ou de société existant dans un pays à une époque donnée ne peut s’expliquer par les seules conditions économiques de cette époque. Divers facteurs propres au pays considéré, tels que la personnalité des dirigeants, le caractère national ou l’histoire passée du pays influencent la formation de ce type de gouvernement.

Bien que Marx eût affirmé que les idées et les institutions progressent suivant une loi objective parallèlement aux relations de production, ses successeurs ont admis qu’il n’en était pas toujours ainsi. Cela revient à admettre des contradictions au cœur du marxisme.

Si la société bourgeoise a largement utilisé les concepts du droit romain c’est parce que sa conception du droit est semblable en bien des points à celle des Romains. Si l’art grec est apprécié dans toutes les sociétés, cela signifie que les hommes de tous temps ont une sensibilité artistique commune. Si l’on admet l’existence d’une telle sensibilité, on porte atteinte au matérialisme strict. Cela implique qu’il existe des valeurs spirituelles sans rapport avec les rapports de production.

Marx ne pouvait accepter l’existence de telles valeurs après avoir critiqué sévèrement Feuerbach qui défendait de telles idées.Aussi il fut amené à prendre une position contraire aux évidences de l’histoire à cause de son parti pris matérialiste.

La conception idéaliste de l’histoire a souvent tendance à sous-estimer le rôle des facteurs économiques dans le progrès social. Mais le marxisme fait une erreur bien plus grossière en faisant des conditions économiques le moteur de l’évolution sociale et en affirmant que les forces productives se développent indépendamment de la volonté humaine.

Il semble que Marx n’a jamais compris ce qui fait l’unité d’une culture derrière ses aspects techniques, économiques, sociaux ou moraux. Sa volonté de tout réduire à des conditions matérielles l’a amené à sous-estimer l’importance des facteurs spirituels.

Une évolution décisive allant à l’encontre de la théorie d’origine du marxisme, fut celle d’Antonio Gramsci, fondateur du Parti Communiste Italien, qui dans une longue œuvre écrite en prison sous le fascisme italien, expliqua le refus des masses dans les pays capitalistes de faire la révolution par le concept d’hégémonie culturelle exercé par la classe dominante, d’où l’idée qu’une révolution culturelle devait précéder la révolution sociale et économique.

Après guerre, l’école de Frankfurt popularisa cette idée en l’associant à la psychanalyse, prônant le concept de révolution sexuelle comme un préalable à la révolution. Les principaux représentants de cette école, Wilhelm Reich et Herbert Marcuse eurent une influence décisive sur les mouvements de révolte étudiants dans les années 60-70 aux Etats-Unis puis en Europe. Il est bon de noter que Marcuse, vu souvent comme un apôtre de la révolution sexuelle, mit en fait un bémol à cette idée, écrivant dans l’Homme Unidimensionnel que la sexualité débridée dans un système capitaliste pouvait être utilisée pour mieux asservir les masses.

En conclusion, malgré ces différentes évolutions, révisions et contradictions apportées à la théorie originale, les marxistes ne feront jamais une approche objective de l’histoire tant qu’ils n’auront pas abandonné la théorie de la base et la superstructure.

PRESENTATION ET CRITIQUE DES LOIS DE L’HISTOIRE SELON MARX

Pour les marxistes, Marx a fondé une science nouvelle, la « science de l’histoire ». C’est dans le matérialisme historique que les communistes fondent leurs espoirs en un monde meilleur, leur foi dans le « sens de l’histoire ». Le marxisme apporte la conception matérialiste de l’histoire la plus cohérente. Aussi, une étude critique nous amène à nous poser de façon pressante ces questions que Marx s’était posées et avait cru résoudre : Y a-t-il des lois objectives dans l’histoire ? L’histoire a-t-elle un sens ? Quels sont les rôles respectifs des facteurs matériels et spirituels dans le développement de l’histoire ? La tentative de Marx se révélera être un échec à cause de son orientation idéologique, mais sa critique de l’immobilisme des théories idéalistes de son temps est souvent justifiée et on ne saurait sous-estimer sa recherche d’une vision transformatrice du monde.

Lois du développement de l’histoire

Hegel a construit sa théorie de l’histoire sur sa conviction que le monde matériel était la manifestation de l’Esprit ou de la Raison. Aussi, appliquant la dialectique à l’histoire humaine, il énonça une série de lois d’inspiration idéaliste selon lesquelles l’histoire se dirigeait vers la réalisation d’un Etat idéal.

Marx était profondément influencé par les théories d’Hegel, bien qu’il fût un matérialiste convaincu. Aussi chercha-t-il à remanier ces théories selon ses propres convictions ou selon ses termes « remettre sur ses pieds la dialectique hégélienne ». Pour Marx, le progrès devait avoir une cause matérielle, aussi fallait-il chercher la raison du développement de l’histoire dans l’aspect matériel que présentent les différentes sociétés. Marx pensait que les relations économiques constituaient le fondement d’une société, ce qui correspondait à sa conception matérialiste de l’homme. En effet, selon lui, les besoins essentiels de l’homme étaient d’ordre matériel et la société s’organisait à partir de la nécessité de satisfaire ces besoins. Pour Marx, l’aspect matériel objectif de la société comporte deux éléments : les forces productives (c’est-à-dire les outils et la main d’œuvre) et les rapports de production (c’est-à-dire les rapports entre hommes axés sur les activités de production et d’échange et sur les moyens de production). Marx proposa plusieurs lois concernant le rôle des forces productives et des rapports de production dans le développement de l’histoire :

  1. Les forces productives progressent constamment.
  2. Le progrès des forces productives et des rapports de production se fait indépendamment de la volonté de l’homme.
  3. Le progrès des forces productives détermine le développement, des rapports de production.
  4. Lorsque les forces productives atteignent un certain stade de développement, les rapports de production deviennent un obstacle au progrès des forces productives, et la révolution éclate.

Nous allons examiner de plus près ces « lois ».

  1. Les forces productives progressent constamment.

L’étude de l’histoire montre que les forces productives se sont continuellement développées de l’usage d’outils en pierre jusqu’à la technologie actuelle. Les outils ont évolué ainsi que l’expérience et les connaissances de la main d’œuvre. Marx a repris la théorie de l’auto-développement des idées de Hegel, la remplaçant pas celle de l’auto-développement des forces productives. Or, selon le matérialisme dialectique, les choses progressent à cause de la contradiction à l’intérieur de chacune d’elles et du conflit entre elles. Le progrès et les forces productives, cause du développement des rapports de production, doit donc provenir d’une contradiction entre deux éléments contenus dans les forces productives.

Quels sont donc ces deux éléments contradictoires ? Les forces productives comprennent les outils de production et la force de travail. Ces deux éléments sont-ils contradictoires ? Si oui, lequel représente l’affirmation, lequel représente la négation ? Marx et ses partisans ne répondent pas clairement à ces questions. Certains passages de l’œuvre de Marx laissent supposer que la cause première du progrès des forces productives est le désir de l’homme d’avoir une vie plus heureuse, ce qui pourrait être accompli par une simplification du travail et une amélioration des outils de production. Mais pourquoi Marx n’a-t-il jamais affirmé cela clairement ? La raison en est que s’il avait énoncé ce fait sous forme de loi, cela aurait signifié qu’il reconnaissait l’existence d’une cause et d’un but déterminés (satisfaire le désir de l’homme) à l’origine du développement des forces productives. Cela l’aurait conduit à admettre que la matière (les forces productives) était contrôlée par l’esprit (le désir de l’homme). Il aurait ainsi contredit sa propre philosophie (le matérialisme dialectique) qui nie que le progrès ait un but et que l’esprit dirige la matière. La cause du développement des forces productives se trouve au centre de la conception matérialiste de l’histoire. Son caractère ambigu et non-dialectique rend fragile tout l’édifice du matérialisme historique.

  1. Le progrès des forces productives se fait indépendamment de la volonté humaine.

Selon Marx, même si le développement des forces productives nécessite l’apport de la volonté humaine, il se fait indépendamment de cette dernière. En effet, la conscience de l’homme est déterminée par les conditions matérielles dans lesquelles il vit. Aussi, ce sont les conditions matérielles et non la volonté de l’homme qui déterminent le progrès des forces productives.

Pour soutenir cette idée, Marx dit que James Watt n’a jamais prévu que sa découverte de la machine à vapeur amènerait la révolution industrielle. Mais, en réalité, il a fallu toute une série d’inventions pour déclencher la révolution industrielle. Chacune était le fruit de la volonté d’un chercheur mettant à profit les découvertes antérieures. Derrière toutes ces inventions se manifeste le désir objectif de l’homme d’inventer, de connaître et de maîtriser la nature.

Trois facteurs sont nécessaires au développement des forces productives :

  • le désir d’inventer, le chercheur doit faire preuve de persévérance et de ténacité ;
  • l’expérience et la connaissance scientifique
  • des conditions matérielles et sociales adéquates.

L’invention est le résultat de la relation entre des facteurs spirituels (le désir d’inventer et la connaissance scientifique accumulée entre autres) et des facteurs matériels. Marx a affirmé qu’un seul de ces trois facteurs, les conditions matérielles et sociales, déterminait les deux autres. La raison de cette affirmation n’est pas scientifique mais idéologique. Si Marx avait reconnu que la volonté ou la connaissance était l’élément le plus fondamental, il aurait porté atteinte à ses convictions matérialistes.

3 Le progrès des forces productives détermine le développement des rapports de production.

Selon Marx, si les instruments et les techniques de production changent, les relations de production sont aussi affectées. Par exemple, quand les forces de production atteignirent le stade de l’agriculture et de l’artisanat, les relations de productions furent celles de la société féodale.- Lorsque ces forces atteignirent le stade de l’industrie mécanisée, les rapports de production de la société capitaliste apparurent. Mais si ces faits montrent qu’il y a une interaction entre le progrès des forces productives et le développement des rapports de production, on ne peut en déduire que l’un détermine l’autre.

Marx a soutenu cette idée pour rester fidèle à son matérialisme. Pourtant nous voyons que les sociétés communistes censées connaître les rapports de production les plus avancés se sont établies dans des pays où les forces productives étaient peu développées, tandis que le capitalisme s’épanouit dans les nations ayant les forces productives les plus développées. Ce fait, ainsi que bien d’autres récuse la théorie de Marx sur la relation entre les forces productives et les rapports de production.

  1. Lorsque les forces productives atteignent un certain stade, les rapports de production deviennent un obstacle au progrès des forces productives et la Révolution éclate.

Cette « loi » convenait à merveille aux desseins révolutionnaires de Marx, car elle lui permettait de prédire que la société capitaliste deviendrait inévitablement un frein au progrès des forces productives et devrait être finalement renversée par la société socialiste. Mais, depuis l’époque de Marx, une meilleure compréhension de l’histoire ancienne et l’échec des prévisions marxistes concernant la société capitaliste ont sérieusement discrédité cette théorie.

Marx maintint que la société antique esclavagiste s’effondra lorsque les esclaves se révoltèrent, établissant ainsi la société féodale. Bien que cette interprétation corresponde au matérialisme historique, elle n’est pas vérifiée par les faits. La société antique n’était pas exclusivement une société esclavagiste. Elle comportait simultanément des communautés de type primitif, une classe commerçante importante et un système esclavagiste. La chute de la société antique était due à la corruption du gouvernement impérial, au déclin de la mythologie fondatrice de la civilisation gréco-romaine, causé en partie par le développement du christianisme et à l’invasion des peuples barbares venus du Nord. Il n’y a pas eu les révoltes massives d’esclaves auxquelles Marx attribue la chute de la civilisation antique. Cette « loi » du matérialisme historique s’applique encore moins facilement aux temps modernes où les sociétés communistes sont obligées d’importer en grande partie leur technologie des pays capitalistes.

Considérant les quatre lois du développement de l’histoire selon Marx, elles apparaissent clairement comme le résultat d’analyses simplificatrices grossières. Par exemple, s’il est vrai que de grandes découvertes scientifiques ou des innovations techniques ont des répercussions sociales, il est tout à fait abusif d’en déduire que les forces productives déterminent les rapports de production. Les forces productives de l’Allemagne nazie étaient aussi développées que celles de l’Angleterre ; pourtant, ces sociétés n’étaient pas comparables.

Le but ultime de ces différentes « lois » était de présenter la lutte des classes (fruit de la contradiction entre les forces productives et les rapports de production) comme un phénomène objectif, matériel, naturel. Ainsi la lutte des classes devient-elle le moteur de l’histoire, le seul moyen effectif d’améliorer les conditions sociales et de rétablir la justice.

CRITIQUE DE LA THEORIE DE LA PLUS-VALUE DE MARX

Les machines et la production de valeur

La théorie de la plus-value est fondée sur l’affirmation que le profit est produit durant le processus de production et qu’il est dû au seul travail des ouvriers.

Cela implique tout d’abord que les machines ne produisent pas de valeur. Aussi Marx avança que la valeur fournie par les machines aux marchandises est égale à la valeur perdue par la dépréciation quotidienne de ces machines, ce qui revient à dire que les machines ne font que transmettre de la valeur mais n’en produisent pas.

Cela est faux car ce qui est en jeu dans la dépréciation d’une machine c’est sa valeur d’échange et non sa valeur utile, sa capacité à produire. L’utilité d’une machine ne diminue pas en proportion directe avec la baisse de sa valeur d’échange et la valeur produite par son fonctionnement est bien plus grande que la valeur perdue du fait de sa dépréciation. Le but et la cause de l’invention d’une machine est la recherche d’un certain profit. Une machine n’est pas simplement une masse de métal, mais l’inventeur lui transmet un pouvoir technique créateur aussi peut-elle être une source de profit tout comme la force de travail.

Or la théorie de la plus-value s’effondre ainsi que la thèse de la baisse tendancielle du taux de profit qui présuppose que les machines représentent un capital fixe, si l’on reconnaît que les machines produisent de la valeur et sont une source de profit au même titre que le travail des ouvriers.

Les grandes lois marxistes de l’économie comme celle de la baisse tendancielle du taux de profit ne sont plus valables. En effet, les machines sont considérées comme un capital fixe car ne produisant pas de profit dans l’équation du taux de profit alors que les salaires sont considérés comme un capital variable. Il en résulte que la loi marxiste qui va avec de la paupérisation générale des sociétés capitalistes est fausse ainsi que celle de la concentration du capital entre des mains de moins en moins nombreuses est aussi fausse. Bien sûr, on n’a pas besoin d’une démonstration théorique pour comprendre cela, il suffit de regarder l’évolution des grands pays depuis Marx pour observer que l’on n’a pas eu un prolétariat de plus en plus pauvre et révolté et que l’on a observé un renouvellement incessant des possesseurs de capital.

CONCLUSION

Marx nous explique dans sa onzième Thèse sur Feuerbach que « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, il s’agit maintenant de le transformer ».

Cette déclaration ainsi que l’idée développée par les marxistes que tout philosophe est partisan, engagé dans la lutte des classes, est à double-tranchant. En effet, avant de vouloir transformer le monde, il est bien nécessaire de le comprendre objectivement. Or, il ne faut pas chercher dans l’idéologie marxiste une recherche objective de la vérité et Marx le reconnaît lui-même en expliquant que les philosophes et penseurs sont engagés dans la lutte de classe et que leur pensée est forcément partisane, défendant soit la classe opprimante (philosophes idéalistes), soit la classe exploitée (philosophes matérialistes). Pour les marxistes il s’agit avant tout de mettre aux mains du prolétariat et de ses dirigeants une philosophie engagée, une arme idéologique qui les aidera à triompher dans la lutte des classes et non une philosophie qui aide l’homme à découvrir la vérité sur lui-même ou la société ou l’histoire.

Une telle approche, si elle est valable pour mener une lutte politique contre des adversaires ou pour prendre le pouvoir, ne peut certainement pas prétendre en même temps correspondre à une recherche objective de la vérité en soi. On peut répondre à cela que les philosophes ont dit chercher la vérité tout en étant affectés par leur situation sociale, familiale, les préjugés d’une époque ou d’une culture. C’est vrai mais au moins, ils ont essayé de se dépasser autant que possible ces conditionnements sans remettre en cause l’existence d’une telle vérité.

Avec Marx, on assiste à la remise en question de l’idée même d’une vérité absolue, de valeurs absolues critiquées comme fruit de l’idéalisme bourgeois. Il en résulte une idéologie qui n’est qu’un instrument au service de causes révolutionnaires aux objectifs limités dans le temps.

Cela explique que si les communistes ont su prendre le pouvoir avec cette idéologie, l’exercice du pouvoir s’est révélé beaucoup plus délicat et finalement a abouti à un échec par rapport au but affiché d’une société sans classe vivant selon la règle « de chacun selon ses moyens et à chacun selon ses besoins ». Effectivement, une pensée créée pour la prise du pouvoir n’est pas faite pour l’exercice du pouvoir, ce qui crée une contradiction et non une continuité entre ces deux phases.

Bernard Mitjavile

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