Partager cet article

France : Politique en France

Le jeu politique, bouleversé, se joue maintenant sur l’axe : libéralisme – antilibéralisme

D'un lecteur du Salon Beige:

Capture d’écran 2017-05-08 à 11.44.33Jusqu’à une époque très récente, ce qu’il était convenu d’appeler “gauche” et “droite” se définissaient essentiellement sur deux aspects essentiels: l’économique, et le sociétal. Sur le plan économique, la droite prône la libre entreprise, système censé garantir la prospérité et la création de richesses, préalable indispensable à leur distribution. A l’appui de cette conception, les théoriciens du libéralisme économique, Hayek et d’autres, et une règle, sans doute un axiome de base, selon lequel le bien de tous est obtenu par la somme des intérêts individuels. Sur le plan sociétal, cette droite prône un conservatisme moral, en grande partie issue de la culture judéo-chrétienne, mais aussi censé étre le garant, via la moralité des acteurs, contre les dérives toujours possibles de la poursuite des intérêts individuels qui pourrait nuire à l’harmonie d’ensemble du système. Une “moralité” surgit ainsi, ensemble de règles d’essence altruiste qui évitent ou limitent les dérives de l’économie libérale. Le système trouve donc son équilibre dans un compromis qu’on peut qualifier, pour simplifier, de libéralisme économique combiné à un anti-libéralisme sociétal ou moral.

Nous reviendrons plus loin sur cette notion de “sociétal”.

Inversement la gauche se définit par un libéralisme sociétal, qui est sans doute lié à la fois à la notion de démocratie (qui ne se justifie pleinement que dans l’absence de structure normative de la société, puisque la voix du peuple décide de cette structure), mais aussi à l’influence des traditions marxistes et apparentées (notamment léninistes) elles-mêmes influencées par le concept darwinien d’évolution par sélection et survie. Dans ce schéma, la structure-cible de la société est le résultat dans l’instant d’une évolution permanente, guidée par le choix du peuple (ou la lutte des classes dans le schéma marxien). Le libéralisme sociétal y est donc la règle. En revanche, ce pouvoir du peuple interdit à l’économie d’être autonome, car elle constituerait alors un contre-pouvoir et un obstacle inacceptble à la démocratie. En effet le fonctionnement de l’économie n’est pas neutre sur la société – il peut aller, surtout dans la conception marxiste classique, jusqu’à en être le principal composant. La gauche est donc antilibérale sur le plan économique, afin de pouvoir être libérale sur le plan sociétal — de pouvoir d’offrir le luxe d’être sociétalement libérale.

Cette structuration traditionnelle des idées politiques souffre cependant de deux difficultés.

Le premier malaise est celui détecté et décrit par Jacques Ellul (par exemple dans “une histoire des institutions”): il montre que sur le plan des principes théoriques, le libéralisme économique et le libéralisme sociétal ne font qu’un. Une théorie politique qui se réclamerait du libéralisme économique sans libéralisme sociétal, ou vice versa, est dans la contradiction. Les évènements d’avril 2017 en France en sont une manifestation, mais ceci avait été entrevu, de manière consciente ou inconsciente, par nombre de politiciens.

Le second malaise est dans le concept de “sociétal”. La question est celle de la finalité. Dans le messianisme judéo-chrétien, la finalité est l’homme. La société n’a pas de valeur en soi, elle est simplement comme un nuage de poussière vu de loin: chacun des grains de poussière est précieux car il porte sa portion de finalité, mais depuis une certaine distance on ne voit que le nuage. Le sociétal est donc second par rapport à l’humain. C’est la conception de la “droite” classique. A l’inverse, dans une vision de gauche, l’être humain dans son individualité est reonnu mais, au nom de sa llberté, ne fait pas partie du champ de la pensée politique. La démocratie a comme unité de base le peuple et la volonté du peuple dans sa globalité. Le paradoxe est que la liberté radicale de l’individu implique l’abdication de sa volonté propre et sa fusion dans la volonté collective. Ce paradoxe se résout en excluant toute séparation entre l’humain et le sociétal.

Il est naturel que le concept religieux considéré comme plan de salut individuel -celui des religions monothéistes- s’inscrive facilement dans une pensée politique dite de droite; dans la pensée politique de gauche, la destinée de l’homme est la société. On pourrait sans doute revisiter Teilhard de Chardin ou d’autres écoles de pensée sous l’angle d’une tentative de résolution de cette difficulté, mais c’est hors sujet pour aujourd’hui.

Que se passe-t-il aujourd'hui?

Dans une lente évolution, marquée en France à ses débuts notamment par Simone Veil et la libéralisation de l’avortement, et plus récemment en Angleterre par exemple avec David Cameron et le “gay marriage”, la droite qui était libérale sur le plan économique, a peu à peu renoncé à son antilibéralisme sociétal et humain. Elle a d’une certaine manière trouvé une cohérence par rapport à la critique de Jacques Ellul. Pendant la même période, et particulièrement après la chute du système économique soviétique, l’échec bruyant de l’économie planifiée a conduit la gauche à remettre en question et finalement abandonner totalement son antilibéralisme économique. Ce faisant, elle aussi retrouvait sa cohérence. Ce retour de cohérence n’est pas sans danger, puisque l’expérience a montré que le demi-libéralisme d’un côté ne peut exister sans écraser la personne humaine qu’à condition d’être modéré par un antilibéralisme de l’autre côté.

Le jeu politique, bouleversé, se joue donc maintenant sur l’axe: libéralisme – antilibéralisme.

Le libéralisme intégral est simple. Il n’est ni de droite ni de gauche. Il n’a pas de programme. Il n’a pas besoin de culture, ni de bases historiques. Il n’a pas besoin du monde réel (cela vous rappelle-t-il quelqu'un?). Le libéralisme intégral renoue avec les processus biologiques, la lutte pour la survie, le modèle darwinien. On peut remarquer par exemple qu’une société fondée sur la corruption de ses dirigeants ne contredit pas les principes fondamentaux du libéralisme intégral. Une société fondée sur l’esclavage ou le commerce de l'humain en pièces détachées ne les contredit pas non plus.

Qu’est-ce que l’antithèse du libéralisme? Selon certains, ce serait l’autoritarisme. Je pense que ce problème n’a pas de réponse simple et mériterait une réflexion approfondie, allant bien au-delà de cet article. Pour l’étudier, je pense qu’il faut aborder la question en termes de valeurs humaines, de savoit quelles sont les valeurs humaines premières. Sans cela, comment pourrait-on juger par exemple l’autoritarime, l’esclavage, la corruption ou la torture en termes de bien et de mal? Il faudrait ensuite étudier de quelle façons les choix politiques interfèrent avec ces valeurs humaines.

Regardons maintenant l’actualité. Les deux candidats finalistes aux présidentielles françaises de 2017 sont les deux candidats qui ont parfaitement bien compris et surtout, su exploiter ce bouleversement des idées politiques. Un autre candidat l’avait compris mais refusait de l’exploiter, et a servi de cible à un montage sans précédent. Un quatrième candidat a misé sur le refus de cette convergence par les électeurs, et a fait une ascension spectaculaire. Les autres candidats ont été balayés. Je pense que la majorité du milieu journalistique n’a pas compris non plus. Sur cette nouvelle échelle unique qui va de l’antilibéralisme au pro-libéralisme total, l’extrémiste n’est évidemment pas celle qui est désignée comme extrémiste par la pensée dominante et qu’il faudrait plutôt qualifier de centriste ou de libérale modérée. Ceci est évidemment totalement indépendant du lien affectif que chacun peut avoir vis-à-vis de cette personne. Il est remarquable que ce sont bien souvent les électeurs les plus fortement opposés à la politique qui fut celle de M. Reagan ou de Mme Thatcher, qui convergent vers le champion actuel de la même politique dans une version encore plus intégrale. Ont-ils oublié Zola qui a si bien décrit les conséquences du libéralisme intégral?

Paul Beauchamp

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services