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Bioéthique

Le député LR Constance Le Grip explique son opposition à la loi de bioéthique

Le député LR Constance Le Grip explique son opposition à la loi de bioéthique

Le député LR Constance Le Grip explique dans un courrier pourquoi elle a voté contre le projet de loi sur la bioéthique. Damien Abad pourra en prendre de la graine :

Comme vous le savez, les projets de loi relatifs à la bioéthique font l’objet d’un examen régulier devant le Parlement. Cette révision, qui avait lieu jusqu’à présent tous les sept ans et pourrait être abaissée à cinq ans, est faite afin d’évaluer l’adéquation du droit avec l’apparition de nouvelles technologies et leur conciliation avec les principes fondateurs d’une spécificité française de la bioéthique que sont la primauté de la personne humaine, la protection du corps humain, sa non-marchandisation et la protection de l’espèce humaine.

Les lois de bioéthique recouvrent un champ large de questions éthiques et sociétales, liées aux innovations médicales qui impliquent une manipulation du vivant. C’est pour cela qu’elles font l’objet d’une procédure particulière de consultations publiques préalables, avec un rapport de l’Agence de la biomédecine, une étude du Conseil d’État, un avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), des États généraux de la bioéthique reposant sur des consultations citoyennes et, pour ce qui concerne le Parlement, un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ainsi qu’une mission d’information spéciale.

Ces différentes étapes soulignent le caractère particulier de ces sujets sur lesquels le législateur est amené à se prononcer, en répondant à cette question : ce qui est techniquement possible est-il humainement et raisonnablement souhaitable ?

Le projet de loi soumet ainsi 32 articles au Parlement.

L’article 1er concerne l’extension de l’Aide médicale à la procréation (communément appelée « PMA ») aux couples de femmes et aux femmes seules et, en conséquence, l’article 4 modifie le régime de la filiation des enfants nés par AMP. Les sujets liés à la procréation (AMP, autoconservation des gamètes, don de gamètes, filiation, soit 4 articles) concentrent une forte couverture médiatique mais également législative, parfois au détriment des 28 autres articles pourtant extrêmement complexes et sensibles, comme la recherche sur l’embryon.

Lors de sa campagne électorale, le candidat Emmanuel MACRON avait indiqué, à propos de l’extension de l’AMP, être « à titre personnel » favorable à cette mesure, en la conditionnant à l’émergence d’un consensus dans la société.

De notre point de vue, ce consensus n’existe pas.

J’en veux pour preuve les réserves exprimées par l’Académie de Médecine, ou encore constatées dans la synthèse des Etats-Généraux de bioéthique, ou encore l’avis n° 126 du 15 juin 2017 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) qui affirmait en effet que « dans le cadre parental résultant du choix des couples de femmes et des femmes seules, l’enfant n’aurait, dans son histoire, aucune image de père, connu ou inconnu, mais seulement celle d’un donneur ». Il poursuivait en déclarant « cela pose la question de la place du père dans la structure familiale et de sa fonction dans le développement de la personnalité et de l’identité de l’enfant ». Surtout, ce même avis déplorait l’inexistence d’études fiables sur l’absence de préjudice subi par les enfants ainsi procréés.

C’est pour ces raisons que, parmi les 130 amendements dont je suis co-signataire, j’ai proposé la suppression de cet article 1er.

En ce qui concerne la modification du régime de filiation, à l’article 4, le droit français a toujours conçu, depuis les premières lois de bioéthique en 1994, l’assistance médicale à la procréation comme une réponse médicale à un problème du même ordre. Cette conception, constitutive du modèle français en matière de bioéthique, permet d’offrir à l’enfant conçu, par le recours à ces techniques, une filiation crédible. Cette filiation est fondée sur un modèle généalogique : chaque individu est issu de deux autres individus d’une génération ascendante et de sexe différent qui l’auraient, en principe, conjointement engendré, ses père et mère. Ce modèle est sous-tendu par l’idée que la filiation est un fait de nature et qu’elle est exclusive, chaque enfant n’ayant qu’un seul père et qu’une seule mère.

Or, en prévoyant de dissocier radicalement les fondements biologique et juridique de la filiation d’origine, par la création d’une double filiation maternelle, le nouveau modèle proposé par le projet de loi aura pour conséquence un changement de paradigme du droit français puisque deux modèles coexisteront : un modèle fondé sur la vraisemblance biologique et un autre reposant sur la volonté.

Pour ces différentes raisons, lors du scrutin public du 3 octobre, je me suis opposée à cet article 4, relatif à la filiation, entièrement réécrit par le Gouvernement dans une version pourtant déconseillée par le Conseil d’Etat.

À titre personnel, ayant pu assister, bien que n’en étant pas membre, à certaines auditions de la commission parlementaire spéciale et rencontrer diverses associations et interlocuteurs lors de rendez-vous, j’ai pu mesurer la difficulté d’apporter des réponses à des demandes individuelles tout en établissant des refus fermes, en particulier pour des techniques qui peuvent se pratiquer à l’étranger alors qu’interdites par nos lois.

Les débats autour de la levée progressive de l’anonymat du don de gamètes, prévue à l’article 3 du projet de loi, ont montré les risques possibles pour l’enfant comme pour le donneur et son entourage familial, de même que les possibles dérives de marchandisation.

Ce risque de marchandisation est également contenu dans l’article 2 qui a vu des débats sur la possibilité pour des établissements de santé privés de procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes. Si ce point a été écarté, grâce à un amendement Les Républicains en séance publique, nous resterons très vigilants dans la suite du processus législatif qui se déroulera jusqu’à la fin du printemps 2020.

Pour les députés du groupe Les Républicains, les sujets bioéthiques méritent une approche dans une démarche d’écoute, conciliant à la fois les expériences personnelles et le profond attachement au respect de la dignité de chaque personne, avec ses vulnérabilités.

En dépit d’un temps de parole réduit en raison de la procédure dite du « temps législatif programmé », les députés Les Républicains ont été constamment présents pour défendre nos principes et nos amendements.

Nous avons obtenu, aux articles 19 Bis et 19 Bis A, la fin de l’expérimentation du « bébé-médicament » ou DPI-HLA (diagnostic pré-implantatoire et recherche des antigènes des leucocytes humains) ainsi que l’obligation de dresser un rapport des progrès accomplis dans la collecte et le stockage des unités de sang placentaire ainsi qu’un état des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire avant le réexamen des lois de bioéthique.

Par ailleurs, grâce à un amendement transpartisan créant un article 2 bis, des mesures nationales et pluriannuelles d’organisation relative à la prévention et l’éducation du public, l’information sur la fertilité féminine et masculine, la formation des professionnels de santé, et la coordination en matière de recherche et de protocolisation pour lutter contre toutes les causes d’infertilité, notamment comportementales et environnementales, seront définies par un arrêté pris conjointement par les ministres chargés de l’éducation nationale, de la santé et de la recherche et de l’écologie, afin de réaliser un plan de lutte contre l’infertilité.

Mais, malgré ces quelques mesures qui nous semblent aller dans le bon sens, de vraies lignes rouges ont été franchies par la majorité présidentielle et parlementaire.

Nous, Les Républicains, sommes en effet très inquiets à propos de l’article 14 qui effectue une modification du régime d’autorisation vers un régime de déclaration préalable à l’Agence de la biomédecine pour les projets de recherche s’appliquant à l’embryon et aux cellules souches embryonnaires. En effet, la recherche sur les cellules souches embryonnaires pose éthiquement des problèmes de même nature que la recherche sur l’embryon, qualifié notamment par la jurisprudence européenne de « personne humaine potentielle » (CJUE Grande chambre, 18 décembre 2014, International Stem Cell Corporation, C364/13), puisque l’embryon dont sont issues les cellules est nécessairement détruit dans tous les cas.

L’article 15 rend possible la création de gamètes artificiels, et il sera possible d’insérer des cellules embryonnaires humaines dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle. Le Conseil d’Etat avait pourtant alerté sur le risque majeur de transgression et de confusion entre l’espèce humaine et l’espèce animale, pouvant aller, selon les termes employés dans l’hémicycle jusqu’au « développement d’une conscience humaine chez l’animal » !

Cette même logique d’expérimentation dans tous les sens franchit une autre barrière éthique à l’article 17 en rendant possible la production d’embryons transgéniques ou chimériques animal-homme.

Ces dispositions concourent, de notre point de vue, chacune à leur manière, à fragiliser le caractère particulier des lois de bioéthiques et ouvrent la voie à des dérives et des transgressions futures.

Je suis particulièrement attentive et consciente du risque d’effet « domino » qui pourrait, par exemple, se réaliser, sur un argument d’égalité de droits des adultes, avec un basculement vers la reconnaissance des recours aux mères porteuses, pudiquement renommées « gestation pour autrui » (GPA). C’est notamment pour cela que je suis intervenue dans les débats parlementaires pour défendre l’amendement n°2.313 qui voulait rappeler que « la gestation pour autrui est interdite ». Cet amendement a malheureusement été rejeté par le Gouvernement et sa majorité.

Nous avons bien vu que le lien était ténu entre les deux sujets que sont la PMA et la GPA, et que des membres du groupe La République En Marche – à commencer par le Rapporteur général du texte M. Jean-Louis TOURAINE – souhaitaient reconnaître les GPA commises à l’étranger, en rendant automatiques les transcriptions des états-civils existants. Le Gouvernement a d’ailleurs été contraint de demander une deuxième délibération à l’Assemblée nationale pour annuler le premier vote de sa majorité favorable à la GPA !

À la faveur du débat sur les enjeux bioéthiques, le groupe Les Républicains a souhaité réaffirmer haut et fort son refus absolu de la gestation pour autrui, au nom du respect de la dignité et du principe de non-marchandisation du corps de la femme. Nous craignons que plusieurs verrous juridiques sautent si des principes comme ceux-ci ne sont pas clairement inscrits dans les textes de loi de la République.

C’est pour cette raison que j’avais déjà alerté le Premier ministre, le 19 mars 2019, par une question écrite publiée au Journal officiel sur le risque d’une reconnaissance des décisions judiciaires rendues à l’étranger sur les filiations établies en « fraude à la loi française » comme le rappelait l’arrêt du 13 septembre 2013 de la Première chambre civile de la Cour de cassation. Par ailleurs, j’ai cosigné les propositions de loi n° 201 et 2223 de ma collègue Valérie BOYER visant à accroître la répression des intermédiaires et des atteintes à la filiation commise à l’étranger.

Au final, en raison du franchissement de véritables « lignes rouges éthiques » et en vertu de la défense de la dignité et du respect de la personne humaine, j’ai voté contre ce texte, lors du scrutin solennel de la première lecture, le mardi 15 octobre dernier.

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