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L'Eglise : Benoît XVI

Le cardinal Müller à ceux qui critiquent Benoît XVI : ils n’ont en tête que l’adaptation à leur propre état de décadence

Le cardinal Müller à ceux qui critiquent Benoît XVI : ils n’ont en tête que l’adaptation à leur propre état de décadence

Le cardinal Gerhard Ludwig Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, a accordé un entretien à Kath.net (traduction française publiée par Pro Liturgia):

Eminence, que pensez-vous du texte publié par le Pape émérite sur les abus sexuels dans l’Eglise ?

C’est l’analyse la plus approfondie qui soit de la genèse de la crise de crédibilité de l’Eglise en matière de morale sexuelle, et plus intelligente que toutes les contributions que l’on a pu entendre lors du sommet de la Conférence des évêques prises ensemble. Il y a abus de l’autorité spirituelle lorsque des supérieurs justifient leur style autoritaire ou manipulateur par des raisons pseudo religieuses et le font passer pour la volonté divine. Mais les péchés contre le 6e commandement du Décalogue ont pour cause l’usage abusif de la sexualité masculine ou féminine que nous avons reçue de Dieu. Mélanger ces deux sortes de péchés dans le seul but de masquer de mauvaises pratiques sexuelles, est la marque d’un échec patent de l’autorité dans l’Eglise.

Nous ne sortirons pas de cette crise en usant de termes creux comme « cléricalisme », ou par la recherche d’une morale sexuelle guidée par le principe égoïste de plaisir, mais en nommant le mal par son nom. L’effondrement de la morale bourgeoise, déjà poreuse depuis longtemps, due à une « révolution sexuelle globale » (titre d’un livre de Gabriele Kuby), et l’essai infructueux de mettre au point une morale catholique déconnectée de la loi naturelle et de la révélation ont déjà conduit chez de nombreuses personnes à l’ébranlement de la conscience morale.

La responsabilité en revient également à ceux qui ont reçu du Christ la mission d’enseigner aux hommes tout ce que le Seigneur lui-même a enseigné aux Apôtres et par là à leurs successeurs dans le ministère épiscopal et sacerdotal.

A peine quelques heures après la parution du texte de Benoît XVI, les indéracinables antis-ratzingériens étalaient déjà leurs critiques dans les médias. Qu’en pensez-vous ?

On ne peut pas parler ici de critiques, car le mot critique signifie distinguer entre des notions pointues dans le but de faciliter la compréhension de questions importantes. Mais, ces gens, non seulement ne sont pas croyants, mais en plus ne réfléchissent pas. Et avant tout, il leur manque la plus élémentaire des politesses. L’histoire se répète. Pensons à Saint Etienne qui avait été le témoin de la vérité du Christ : « Ceux qui écoutaient ce discours avaient le cœur exaspéré et grinçaient des dents contre Etienne. » (cf. Act 7, 54).

Ils parlent de renouveau et de réforme de l’Eglise, mais n’ont en tête que l’adaptation à leur propre état de décadence. Il est impensable que ceux qui possèdent ne serait-ce qu’une étincelle d’amour chrétien, se laissent entraîner par ce genre de pamphlet grossier. En effet, comment l’amour peut-il encore structurer la foi dans un contexte où la foi au Dieu de la Révélation en Jésus-Christ a été abandonnée ou bien lorsque ne subsistent que quelques éléments de cette foi pour tenter de justifier une vision du monde autoréférentielle.

Il est scandaleux de voir que des évêques catholiques financent, en détournant les fonds propres de l’Eglise, des organismes qui soutiennent ouvertement des positions incompatibles avec l’enseignement catholique sur la foi et la morale. Je sais, bien sûr, que les évêques concernés voient les choses autrement, parce qu’ils définissent selon leur bon plaisir ce qui est catholique et ce qui ne l’est pas. Leur vision du monde repose sur la distinction un peu primitive entre progressisme et conservatisme. Ce qui relève de la foi catholique telle qu’elle a été formulée jusqu’ici est ainsi qualifié de « conservatisme » et seule leur vision « progressiste » serait l’avenir de l’Eglise, comme dans ces autres contrées anciennement catholiques et dévastées par de semblables idéologies.

En conséquence, il s’agit pour eux de mettre hors-jeu, ou du moins de museler, ces catholiques catalogués « conservateurs » qui restent fidèles à la Sainte Ecriture, à la Tradition Apostolique et au Magistère. Et dans ce but, tous les moyens sont bons, jusqu’à la calomnie et le déshonneur. Car est permis tout ce qui sert son intérêt propre qui est, bien sûr, identifié au bien commun. C’est de cette façon qu’a été traité aussi mon « Manifeste pour la foi » : comme un ensemble de demi-vérités, un choix d’idées subjectives, éloignées de la Sainte Ecriture, des propos sortis de leur contexte… comme si la Trinité, l’Incarnation, la sainteté de l’Eglise, la divine Liturgie, l’unité de la foi et de la morale, le jugement dernier et la vie éternelle, n’étaient pas, dans la « hiérarchie des vérités » (d’après le Décret sur l’œcuménisme du Concile Vatican II au n°11), le « fondement de la foi ».

L’infâme refus de Dieu qui s’expose ainsi est à son comble lorsqu’on se sert du crime et du péché mortel constitués par l’abus sexuel de jeunes mineurs pour couvrir la bénédiction des actes homosexuels entre adultes, pour ridiculiser le célibat des prêtres et les vœux des religieux et banaliser les péchés contre l’indissolubilité du mariage.

Le cardinal a également donné un entretien à La Bussola, traduit par Benoît-et-moi. Extrait :

Beaucoup ont également vu dans les “notes” de Ratzinger une réponse aux fameux Dubia des quatre cardinaux (Caffarra, Meisner, Burke, Brandmüller), qui en ce qui concerne Amoris Laetitia demandaient des confirmations sur la validité de l’intrinsece malum.

Je ne sais pas quelles étaient les intentions [de Benoît XVI], mais il est absolument clair qu’il y a des actes qui sont mauvais en soi, qui ne peuvent jamais être bons ou justifiés. Je trouve incompréhensible la position de certains théologiens quand ils considèrent le bien dans une action mauvaise. Cette façon de faire dépendre le jugement des circonstances, est toujours en faveur d’un délinquant, ne tient pas compte de tous les facteurs. Si un innocent est tué, quel peut être l’aspect positif pour moi en tant que victime du crime? Cet argument n’est présenté que du point de vue du criminel. Je ne connais aucun cas où un crime est bon pour la victime. C’est le cas pour l’adultère: le partenaire qui doit souffrir, qui doit subir l’adultère, qui est trahi, où doit-il voir le bien? Il est absurde de prétendre qu’il y a des actions contre les commandements de Dieu qui, dans certaines circonstances, sont légitimes.

Il y a eu des critiques vénéneuses contre Benoît XVI, accusé d’avoir rompu le silence. Il y en a même qui ont cité le Directoire pour les évêques (Apostolorum Successores) là où il interdit aux évêques émérites d’intervenir dans la direction de l’Église et de saper le magistère de l’évêque régnant par leurs interventions.

Ces gens sont la preuve la plus évidente de la mondanisation de l’Église, ils n’ont aucune idée de la mission des évêques. Certes, les évêques émérites doivent rester en dehors du gouvernement quotidien de l’Église, mais quand on parle de doctrine, de morale, de foi, ils sont tenus par la loi divine de parler. Les évêques ne sont pas des fonctionnaires de la police criminelle qui, une fois à la retraite, ne peuvent plus agir contre les criminels, un évêque est évêque pour toujours. Le Christ a donné à l’évêque l’autorité d’être un serviteur de la parole, de rendre témoignage. Tous ont promis lors de la consécration épiscopale de défendre le depositum fidei. L’évêque et grand théologien Ratzinger n’a pas seulement le droit mais aussi le devoir par droit divin de parler et de témoigner de la vérité révélée.

Malheureusement nous avons beaucoup de gens dans l’Église qui ne connaissent pas le B-A-BA de la théologie catholique. Ils parlent en tant que politiciens, en tant que journalistes, sans les catégories de la Sainte Écriture, de la tradition apostolique, du Magistère de l’Église. Comment peut-on dire que le pape émérite n’a pas le droit de parler de la crise fondamentale de l’Église? Nous avons même le scandale d’un athée comme Eugenio Scalfari qui peut impunément affirmer ses interprétations de ce que le Pape lui dit en privé, qui est traité comme un interprète autorisé du Pape, alors qu’un personnage comme Ratzinger devrait au contraire se taire? Mais où sommes-nous ? Ces idiots parlent partout mais ils ne connaissent pas l’Église, ils veulent juste plaire aux gens. Les apôtres Pierre et Paul, fondateurs de l’Église romaine, ont donné leur vie pour la vérité. Pierre et Paul n’ont pas dit: «À présent, il y a d’autres successeurs, Timothée et Tite, qu’ils parlent publiquement». Ils ont témoigné jusqu’à la fin de leur vie, jusqu’au martyre, par le sang.

Quand un évêque émérite célèbre une messe, dans son homélie, ne doit-il pas dire la vérité? Doit-il ne pas parler de l’indissolubilité du mariage uniquement parce que d’autres évêques actifs ont introduit de nouvelles règles qui ne sont pas conformes à la loi divine? Ce sont plutôt les évêques actifs qui n’ont pas le pouvoir de changer la loi divine dans l’Église. Ils n’ont pas le droit de dire à un prêtre qu’il doit donner la communion à une personne qui n’est pas en pleine communion avec l’Église catholique. Personne ne peut changer cette loi divine, si quelqu’un le fait, c’est un hérétique, c’est un schismatique.

Aujourd’hui, la mode est à ces idées étranges, selon lesquelles l’autorité ecclésiastique est conçue comme une autorité positiviste afin que ceux qui ont le pouvoir puissent définir la foi comme ils le souhaitent. Et les autres doivent se taire. Il vaudrait mieux qus ce soit eux, qui connaissent très peu la théologie, se taisent. D’abord, qu’ils étudient.

Regardons où ces grands modernistes, que nous avons aussi parmi les professeurs, ont mené l’Église, par exemple en Allemagne. Chaque année, en Allemagne, 200 000 personnes quittent l’Église catholique. 300 000 chez les protestants, ce sont les vrais problèmes. À ce sujet, ils ne font rien, ils ne parlent que d’homosexualité, de comment changer la morale sexuelle, de célibat: voilà quels sont leurs thèmes, ils veulent détruire l’Église. Et ils disent que c’est la modernisation : ce n’est pas la modernisation, c’est la mondanisation de l’Église.

Quelles conséquences attendez-vous de la publication de ces “notes” de Benoît XVI?

J’espère que certains commenceront enfin à s’attaquer au problème des abus sexuels d’une manière claire et correcte. Le cléricalisme est une fausse réponse.

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