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L'Eglise : Foi

L’apprentissage par cœur aux origines de la Bible et de la Tradition de l’Église

L’apprentissage par cœur aux origines de la Bible et de la Tradition de l’Église

Extrait d’un article de l’abbé Roy (FSSP) sur Claves :

L’apprentissage par cœur jouait un rôle clé dans l’instruction et l’éducation durant l’antiquité : apprendre, c’était toujours à un certain degré apprendre par cœur. On mémorisait ainsi des livres entiers, des fragments, ou d’autres types de matériau intellectuel. À ces divers éléments d’apprentissage correspondaient plusieurs degrés et techniques de mémorisation : on enregistrait verbatim un discours à prononcer en public (comme le faisaient les rhéteurs grecs du siècle de Périclès), on apprenait de grands extraits de classiques littéraires pour pouvoir les imiter ensuite (témoin Quintilien, contemporain des apôtres, dans son Institution Oratoire), on retenait quant à la substance le contenu d’une tradition orale (Sénèque, Lettres, 33, 4). La précision de l’apprentissage variait ainsi selon le type de matériau : dans la narration d’un récit, les éléments principaux de l’intrigue importent bien plus que les mots mêmes qui sont employés. Dans le contexte juif en revanche, la Sainte Écriture était apprise mot-à-mot, pour être proclamée à la synagogue comme parole divinement révélée.

Apprendre pour transmettre – vitale mémoire

Quoiqu’il en soit de ces divers degrés, un certain niveau d’apprentissage par cœur était indispensable pour la transmission fidèle d’une tradition. Dans ces sociétés où prédominait encore l’oralité, on dit souvent que la mémoire des personnes était bien plus développée que celle de nos contemporains ; il est peut-être plus juste de dire que les gens accordaient alors un soin bien plus grand à l’apprentissage et à ses techniques – la mémoire était une faculté vitale.

La liturgie : fruit d’un apprentissage du cœur

Un exemple frappant de matériau appris par cœur apparaît au cœur même du message chrétien, dans le parallélisme extraordinaire que l’on dresse entre le onzième chapitre de la Première épitre aux Corinthiens (1Co 11, 23-25) et le récit par saint Luc de l’institution de l’eucharistie (Lc 22, 19-10). Les deux textes ne présentent vraisemblablement pas de réelle connexion littéraire (au sens où l’auteur de l’un aurait eu à disposition le texte de l’autre au moment de rédiger le sien)[1]. La précision du parallélisme doit donc s’expliquer par la présence à la racine des deux textes d’un matériau appris par cœur – sans doute un des textes de la liturgie primitive de la messe.

Un enseignement adapté à la mémorisation

La prédominance de l’oralité dans les sociétés du Proche Orient ancien n’imprègne pas seulement la mémoire des auditeurs, elle se lit aussi dans la manière dont les maîtres formulaient leur enseignement, afin de le rendre facilement mémorisable. On observe souvent que les paroles de Jésus, en particulier dans les Évangiles synoptiques, sont typiquement des sentences propres à être aisément répétées et retenues par ses auditeurs. Le Seigneur s’y exprime souvent en des aphorismes courts et incisifs, il emploie par ailleurs des paraboles à la trame claire et relativement simple. La traduction grecque rend bien ce que la formulation originale en araméen devait avoir de poétique et de littéraire : usage d’allitérations, de jeux de mots, de rimes.

Une intention délibérée du Christ

On peut imaginer que Jésus ne se soit pas contenté d’user de tels formules dans son enseignement – comme si un prédicateur ou un homme politique se contentait d’asséner des slogans, sans manifester leur justification ni leur articulation. Il reste cependant que ce sont ces éléments qui nous ont été fidèlement transmis, ce qui ne peut avoir été le fait du hasard mais doit correspondre à un dessein délibéré du Christ, parce que la Sainte Écriture est inspirée par l’Esprit de Dieu, et parce que Jésus lui-même, en tant qu’homme de son siècle et de son milieu, semble maîtriser parfaitement les techniques d’expression de la culture de son temps.

Ces techniques sont en effet présentes largement dans l’enseignement des sages juifs des premiers siècles : les aphorismes et sentences ramassées des docteurs étaient faites pour être retenues mot-à-mot, les paraboles et récits à teneur morale étaient quant à eux destinés à être mémorisés au moins quant à la substance. On retrouve la distinction entre ces degrés de mémorisation dans la différence entre les paroles mêmes de Jésus et les histoires circulant à son propos : la formulation exacte semble avoir été transmise précisément pour les paroles du Christ, alors que des variations plus grandes interviennent peuvent être observées entre les divers récits des événements de sa vie publique (par exemple entre les quatre Évangiles canoniques).

Jésus semble donc bien avoir eu pour but que ses paroles et son enseignement soient mémorisés exactement par ses disciples, au cours de sa vie publique. Cette évidence apparaît dans la forme même qu’il lui donne, propre à être apprise par cœur et facilement répétée, et dans le commandement qu’il donne de diffuser son message largement autour de lui : dès les premiers moments de son ministère, les disciples sont envoyés en son nom pour annoncer la bonne nouvelle du Royaume.

L’apprentissage par cœur, origine de la Tradition

La transmission « par cœur » de l’Évangile commença donc déjà durant la période de vie publique de Jésus : celle de ses paroles, qui se diffusèrent largement dans le monde juif (elles sont rapportées – quoiqu’avec des déformations évidentes – lors de son procès), celles des éléments principaux de sa vie (« il a fait parler les sourds et entendre les muets » – Mc 7, 37). Cette transmission qui s’origine dans les témoins directs de la vie du Christ est un processus parfaitement naturel dans une société orale comme celle où vivait Jésus ; elle ne s’est pas interrompue depuis, et l’enseignement de l’Église actuelle, contenu dans l’Écriture Sainte et la Tradition, en est la suite logique et organique. Recevoir le message chrétien, c’est donc écouter le Seigneur directement, à travers la voix de ses témoins les plus proches, dans un processus de transmission dont la précision n’a rien à envier aux techniques modernes de communication. […]

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