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Valeurs chrétiennes : Culture

« Laissez-nous faire l’expérience de la chrétienté ! »

« Laissez-nous faire l’expérience de la chrétienté ! »

Rémi Fontaine, journaliste et essayiste, était invité du Forum catholique pour évoquer son ouvrage sur Jean Madiran, «  Itinéraires de Chrétienté avec Jean Madiran ». Voici quelques extraits de ses réponses aux questions :

On le connaît surtout par sa fameuse apostrophe religieuse : « Rendez-nous la messe, le catéchisme et l’Ecriture ! » Vous savez et constatez dans un autre genre la carrière qu’a eu la célèbre requête de Mgr Lefebvre : « Laissez-nous faire l’expérience de la tradition ! » Eh bien je dirais que le message politico-religieux de Madiran à l’interface de la tradition nationale et de la tradition catholique est celui-ci : « Laissez-nous faire l’expérience de la chrétienté ! » comme lampe témoin de notre salut temporel et spirituel. C’est la stratégie de l’arche déjà évoqué qu’on récuse si facilement aujourd’hui mais qui était aussi celle de Maurras (dans sa lettre à Pierre Boutang) et celle de Benoît XVI avec les “oasis de chrétienté”. Et qui est celle de Rod Dreher si mal compris par de nombreux catholiques.
Madiran reprend en quelque sorte le flambeau de Péguy « Il faut que France et Chrétienté continuent, survivent ! » en l’actualisant à notre état d’inchrétienté, de décréation : « Il faut que France et Chrétienté ressuscitent ! » Pour le salut du monde. C’est la condition de notre salut à tous, à commencer par les catholiques. « Car, mon jeune camarade – comme il écrit dans Une civilisation blessée au cœur, en paraphrasant justement Péguy –, c’est un grand mystère, il ne suffit pas d’avoir la foi. Nous sommes faits pour vivre notre temporel en chrétienté. Ailleurs, quand ce n’est pas le martyre physique, ce sont les âmes qui n’arrivent plus à respirer. »

Dans les Dialogues du Pavillon Bleu, Jean Madiran expose différents points de vue dont celui des “Marinistes” mais il ne prend pas parti si ma mémoire est bonne. C’était au reste, en matière de démocratie, un pratiquant plutôt non-croyant ! Sans rien renier des principes, il voulait raison garder, comme disaient nos rois. Autrement dit, il considérait le principe de réalité par lequel la doctrine se confronte à la prudence politique. Le réalisme chrétien commande de ne pas s’en tenir trop “idéalistement” au discours et à la théorie. Par exemple, dans la dissociété actuelle, il serait imprudent politiquement, voire ridicule, de vouloir proposer tout de suite et partout des institutions de chrétienté. C’est le “devoir d’imperfection” de la politique, dont parlait le cardinal Rtazinger. D’où le soutien de Madiran à Jean-Marie Le Pen, sans pour autant trahir ou abandonner l’idéal et l’esprit de la chrétienté.

Il me semble que, sans rejeter pour autant le débat électoral, il privilégierait davantage aujourd’hui le plan “métapolitique”, comme dit Philippe de Villiers. C’est la vertu de dissidence ou le “sain et légitime communautarisme”. L’expression n’est pas de lui, mais il l’avait chaleureusement approuvé tout comme le concept de micro-chrétienté de Marcel Clément ou celui de fortin du P. Calmels. Il ne s’agit pas d’un repli frileux du monde, mais en prenant acte précisément de la dissociété moderne (individualiste), d’un retrait missionnaire en forme de contre culture pour revenir au réel et à la santé. Il s’agit ni plus ni moins d’agir en anti-corps contre les toxines de la société : les anticorps n’agissent pas pour eux mais pour le bien commun de l’organisme qu’ils ont mission de régénérer. C’est la « stratégie de l’arche » que Rod Dreher reprend à sa manière dans son fameux Pari bénédictin – « Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus », Artège, 2017). Madiran l’avait développé dans un éditorial emblématique. En renversant l’objection commune selon laquelle « l’Eglise ne doit pas se couper du monde », il écrivait : « L’arche de Noé ne s’isole pas du monde : elle survit au déluge dans lequel un monde disparaît avec sa culture de mort. »

A propos de l’essor d’internet :

L’heure est aux samizdats, que ce soit par écrit ou par numérique. Cela demande un esprit de dissidence, une réforme morale et intellectuelle. Il ne s’agit pas de faire comme tout le monde en matière de communication mais d’apporter une qualité propre à cette dissidence, comme l’avait bien compris Madiran. Cela demande aussi une certaine modestie et un certain esprit de pauvreté (sans négliger pour autant les progrès techniques), comme les ordres mendiants en leur temps. Le reste viendra par surcroît, si Dieu veut…
La bonne information (ou la réinformation) n’est pas une désinformation contraire mais le contraire de la désinformation par sa finalité et son intention morale. Dans La langue des médias (éditions de l’artilleur, 2016), Ingrid Riocreux indique que même les médias dits altrenatifs n’échappent pas aux travers de leurs adversaires, en utilisant à leurs fins des citations tronquées, ou faisant dire parfois à son auteur (même au pape) ce qu’il n’a pas dit… Ne pratiquons pas à l’envers un terrorisme intellectuel, dont la reductio ad Hitlerum (l’accusation d’« extrême-droite », d’« intégriste »…) reste un modèle de la praxis communiste (pratiquée hélas chez des clercs). La réinformation, comme la contre-révolution, ne parle pas en termes dialectiques de camps, mais en termes de bien commun, de bien ou de mal, de vrai ou de faux. Elle part de l’expérience, de la réalité, des choses vues ou dites et non d’idées préconçues, a priori.

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