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Cathophobie

La tyrannie de l’art dit contemporain

Un lecteur me signale ce texte de Dany-Robert Dufour, philosophe, dans Le Monde diplomatique d'avril 2010 :

"L’art contemporain est révolutionnaire ; en conséquence, ceux qui ne l’apprécient pas sont soit de francs réactionnaires, soit des réactionnaires qui s’ignorent, c’est-à-dire des néoréactionnaires. […] « Si vous vous en tenez au premier degré, c’est du vice, mais si vous le prenez au second degré, c’est de la vertu. » Ce discours est pervers, au sens clinique du terme, et non pas moralisateur, dans la mesure où il fait du problème (la violence souvent dévastatrice des passions et pulsions issues de cet amour de soi qu’on nomme l’égoïsme) la solution. Pervers, il l’est même doublement, puisqu’il brouille tout repère, en revendiquant de pouvoir tout dire et son contraire : le vice est vertu, le blanc est noirCette rhétorique-là agit donc en machine de destruction de toute argumentation critique, qui s’appuie au contraire sur la distinction entre le vrai et le faux. Pour atteindre ce « second degré », il suffit que celui qui parle exhibe ce que personne ne doit exhiber : il se livre ainsi à une provocation […].

CLes exemples ne manquent pas. Il suffit de penser aux œuvres des artistes parmi les plus réputés de notre époque. Du Belge Jan Fabre, qui présentait récemment au Louvre un choix d’excrétions diverses du maître lui-même, à Jeff Koons, fameux pour ses divers caniches géants, la bonne vieille recette compromission-connivence déploie sans faiblir dans l’art postmoderne la stratégie dûment payante du « second degré » : 1) provocation sans tabou ; 2) qui ne produit aucune autre signification ; 3) d’où s’ensuit la rumeur médiatique qui enclenchera… 4) une intéressante spirale spéculative. […]

Il s’ensuit une confusion majeure entre la simple innovation et la quête du sens. C’est là ce dont est victime l’art contemporain. […] L’art véritablement révolutionnaire, qui décompose le monde pour mieux le recomposer, ouvre à un rire salutaire, très précisément libérateur. L’art contemporain rit d’un tout autre rire, le rire nihiliste qui affirme qu’il se moque éperdument de toute valeur axiologique et qu’il n’y a rien à chercher : l’art n’existe que par la puissance du moment qui le reconnaît comme tel, et voilà tout.

[…] L’acte « critique » sépare le principe du vrai et celui de l’illusion, ce qui suppose en effet toujours un « tribunal de la raison ». Donc, pour éviter le tribunal, la Terreur et autres dictatures, on se refuse à toute hiérarchie critique, ce qui permet de donner à un tas d’excréments la dignité de l’objet artistique, dans la mesure où il est supposé avoir autant de valeur que n’importe quelle œuvre […].

Cette tolérance de l’art contemporain pour le n’importe quoi n’est pas anodine. Puisque c’est au nom même de la liberté d’expression que les propositions les plus intolérables devront être tolérées, comment ne pas voir que cet ultradémocratisme est exactement, sur le plan politique, ce qui peut directement conduire à la tyrannie — on sait d’ailleurs possible cette conversion depuis La République de Platon. […] Ladite « commédie » concerne aussi bien le spectacle vivant. Quand Jan Fabre présente, au Festival d’Avignon de 2009, L’Orgie de la tolérance, s’exhibent masturbations et orgasmes, avec un sérieux grotesque dépourvu de tout sourire rabelaisien. Le spectacle apparaît ainsi pour ce qu’il est : simplement pornographique, appuyé sur le recours au « second degré » complice, qui permet toutes les ambiguïtés.

RAnne Kerjean a pris quelques photos de la manifestation hier devant le 104.

Yves Daoudal cite les propos de Roméo Castellucci de juillet dernier.

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