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Pays : International

La Tchéquie à droite

La Tchéquie à droite

Selon Olivier Bault dans Présent :

La Tchéquie vire à droite après les élections législatives qui se sont déroulées les 8 et 9 octobre. Ou plutôt elle met un coup de frein à son évolution à gauche, car il s’agit là du pays le plus libéral-libertaire de tout le groupe de Visegrád (V4 : Pologne, Tchéquie, Slovaquie et Hongrie), et le parti qui était jusqu’à récemment donné gagnant dans les sondages, c’était le Parti pirate, au profil ultra-progressiste et même fortement européiste, un peu dans le style LREM. A cette différence près que son leader, Ivan Bartos, n’est plus favorable à l’immigration, et c’est même un peu à cause de la France. Il l’a dit le 20 septembre sur une radio tchèque, alors qu’il avait déclaré il y a un peu plus d’une décennie n’avoir aucun problème avec une Europe musulmane : l’exemple de ce qui se passe en France montre que, quand il y a trop d’étrangers, ceux-ci ne s’intègrent pas, et Bartos ne veut plus d’une Europe musulmane.

Le leader des Pirates tchèques a donc rejoint en cela la gauche social-démocrate et communiste de son pays qui est elle aussi identitaire et anti-immigration, comme la droite et comme la grande majorité de la population. Cela n’a pas empêché cette gauche, pour la première fois depuis la chute du communisme, d’être expulsée du Parlement avec ces élections, tandis que les Pirates, qui se présentaient en coalition avec les maires et indépendants (la coalition STAN), étaient sanctionnés par le vote préférentiel. Ce vote permet aux électeurs, dans le cadre du système à la proportionnelle, de cocher leur candidat préféré sur la liste de leur choix dans leur circonscription. Résultat : les maires et indépendants entrent à la Chambre des députés avec 37 sièges en tout mais seulement 4 pour les Pirates, au lieu de 22 jusqu’ici.

Le parti centriste ANO du Premier ministre Andrej Babis n’arrive que deuxième, de très peu, en pourcentage des voix au niveau national mais premier en sièges, avec 27 % des voix et 72 députés contre 78 précédemment. Babis a peut-être souffert de sa mise en cause dans les « Pandora Papers » desquels il ressort – ce qu’il a reconnu en niant toute malversation ou action illégale – qu’il a acheté un ensemble immobilier sur la Côte d’Azur en passant par des sociétés créées pour l’occasion dans des paradis fiscaux. Son parti siège avec LREM au Parlement européen mais est très hostile à l’immigration et peu enthousiaste face à la vision eurofédéraliste du groupe Renew. Cela reflète d’ailleurs les vues de son électorat, les Tchèques étant une des nations les plus eurosceptiques de l’UE. Babis gouvernait en coalition avec les sociaux-démocrates grâce au soutien des communistes, et l’échec des deux formations de gauche fait qu’il a peu de chances de pouvoir rester aux commandes.

La coalition de centre droit, Spolu (Ensemble), a obtenu quelques dixièmes de points de pourcentage de plus qu’ANO mais a un siège de moins, c’est-à-dire 71. Un mémorandum a cependant été signé avec la coalition STAN-Pirates pour négocier la formation d’un gouvernement sous la direction de Petr Fiala, le chef de la coalition Spolu. Le Premier ministre Babis, bon joueur, a d’ailleurs félicité Fiala de sa victoire. Le SPD, un parti national-conservateur anti-UE dirigé par le Tchèque de père japonais Tomio Okamura, reste exclu des négociations mais s’est maintenu au Parlement avec 9,5 % des voix et 20 sièges.

Malheureusement, après avoir rencontré le Premier ministre au lendemain des élections (sans lui avoir confié la mission de former un nouveau gouvernement), le président Milos Zeman a dû être hospitalisé en soins intensifs, et une évolution défavorable de son état pourrait retarder la nomination d’un nouveau Premier ministre.

A noter que Václav Klaus, l’ancien président tchèque qui a longtemps été la bête noire de Bruxelles pour son euroscepticisme libéral-conservateur de style thatchérien, est très critique sur la coalition Spolu et lui préfère publiquement le SPD. Il s’est en revanche réjoui de l’échec cuisant des Pirates qu’il qualifie de gauche radicale.

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