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“La solution ne serait-elle pas finalement d’autoriser la GPA tout en l’encadrant juridiquement ?”

Petit à petit, la légalisation de la location d'utérus avance. Le Point.fr a interrogé Roseline Letteron, professeur de droit public à l'université de Paris-Sorbonne, qui estime que face à l'illégalité, on ne peut pas laisser les pauvres enfants conçus ainsi sans identité nationale :

"On pourrait admettre des conventions de mères porteuses dont le contenu et les modalités seraient définis voire contrôlés par l'État, pour s'assurer que ces pratiques ne reviennent pas à exploiter la misère des femmes ou à encourager l'exploitation financière du corps humain. Le droit ne peut demeurer "la tête dans le sable". Des milliers [sic] d'enfants naissent de GPA à l'étranger et le droit ne pourra résister longtemps à cet état de fait. Avant la loi Neuwirth de 1967, de nombreuses femmes achetaient la pilule contraceptive à l'étranger. Avant la loi Weil [sic] de 1974, les femmes allaient subir des IVG en Suisse ou au Royaume-Uni. Le droit a donc fini par évoluer et à s'adapter à ces revendications nouvelles. Ces différentes situations montrent bien qu'il faut accorder au droit une place plus modeste qu'il n'y paraît. Quoi qu'on en dise, il ne crée pas les règles sociétales, mais il en est le produit. Les enfants nés par GPA à l'étranger sont bel et bien présents et appartiennent à la collectivité nationale. Le droit devra en tenir compte, tôt ou tard."

Aude Mirkovic a déjà répondu à cet argument :

"Les enfants ne sont pas des fantômes de la République. Qu’est-ce que cela veut dire d’ailleurs exactement, fantômes de la République ? Les enfants nés à l’étranger d’une GPA ont un acte de naissance établi dans et par ce pays, indiquant leur filiation. Le refus par le droit français de donner le moindre effet au contrat de gestation pour autrui, c'est-à-dire en pratique le refus de transcrire les actes de naissance sur les registres français, comme le refus de leur reconnaître la nationalité française, ne fait pas disparaître la filiation établie en droit du pays de naissance, comme l’a encore rappelé la Cour d’appel de Rennes à propos d’enfants nés d’une gestatrice en Ukraine : « le refus de transcription ne prive pas les enfants de leur filiation, reconnue par le droit ukrainien, et ne porte pas atteinte, en conséquence, à l'intérêt des enfants et, notamment, à leur droit de vivre avec leurs parents » (Arrêt du 8 janv. 2013).

Ce n’est pas la vie des enfants qui est compliquée par le fait que leur filiation découle d’actes étrangers, mais celle de leurs parents. En effet, a-t-on déjà vu un enfant produire lui-même son acte de naissance ? Disposer d’actes de naissance étrangers est une contrainte objective, mais elle ne pèse que sur les parents. Et cette contrainte ne résulte pas de la loi française, mais de la violation délibérée de la loi française à l’étranger, en connaissance de cause. Ce sont ceux qui ont délibérément mis l’enfant dans cette situation qui, ensuite, invoquent la situation de l’enfant pour justifier leur acte ! Comme l’a encore dit, très justement, la même Cour de Rennes (elle est compétente pour toutes ces affaires), l'intérêt de l'enfant ne peut pas être invoqué par son géniteur qui a « fait le choix délibéré de mettre cet enfant et lui-même hors la loi » (CA Rennes, 10 janv. 2012).

Mais revenons à l’intérêt de l’enfant, précisément. L’interdiction de la GPA protège les enfants en général de faire l’objet de semblables contrats. Régulariser la situation de tel enfant au regard du droit français semble conforme à son intérêt et c’est sans doute le cas. Mais cela priverait tous les autres de la protection que la prohibition légale leur assure car, si la loi peut être contournée en toute impunité, la prohibition cesse d’être dissuasive et ne peut plus remplir sa fonction protectrice."

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