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Pays : International

La responsabilité des Etats dans la crise financière

De Jacques Garello :

M "Tout d’abord, je ne vois pas en quoi l’idéologie de la dictature des marchés serait aujourd’hui dominante. Bien entendu, la crise a permis aux vrais coupables de mettre en accusation, pêle-mêle, Reagan, Thatcher, Friedman, Hayek, les économistes de Chicago, les financiers de Wall Street. […] Il est établi que la crise n’a pas pour origine le marché mais bien la politique monétaire de la FED, et surtout les manœuvres politiques du parti démocrate qui a inventé les crédits hypothécaires à discrimination positive : priorité aux minorités insolvables grâce à l’intervention de Fannie et Freddy, ces braves agences garanties par l’État fédéral (et créées dans la ligne du New Deal, réanimées pour raison électorale par Bill Clinton). Elles ont bien renvoyé l’ascenseur en devenant les fidèles soutiens des démocrates, arrosant copieusement les gens du Congrès (Obama en tête). Voilà sans doute où étaient l’avidité et la voracité. […]

On ne sait pas non plus que tous les déséquilibres imputés au marché sont les sous-produits des interventions étatiques. Il n’y aurait pas à subir les crises pétrolières s’il n’y avait pas l’OPEP. Il n’y aurait pas de paradis fiscaux s’il n’y avait pas d’enfers fiscaux. Il n’y aurait pas de panne du crédit si l’épargne n’était pas matraquée. Il y aurait création d’emplois si la liberté du contrat de travail n’était pas entravée. Il y aurait des retraites confortables si l’on acceptait la capitalisation. Il n’y aurait pas de violences ni de carences scolaires si on en finissait avec le monopole de l’Education Nationale et des syndicats d’enseignants. Peut-on l’ignorer ? Quel est le terrorisme intellectuel qui s’est installé chez nous depuis un demi-siècle au moins ? De quoi nous parle-t-on chaque jour, sinon de Grenelle, de développement durable, de droit au logement, de fonds souverains, de dumping social ? L’idéologie dominante est-elle celle de Friedman, ou celle de Keynes, du New Deal, d’Al Gore et de Marx relooké ?"

Dans Centisimus annus, Jean-Paul II rappelait le rôle de l'Etat, non pas acteur économique, mais arbitre exerçant la fonction régalienne de justice :

"il existe une sphère légitime d'autonomie pour les activités économiques, dans laquelle l'Etat ne doit pas entrer. Cependant, il a le devoir de déterminer le cadre juridique à l'intérieur duquel se déploient les rapports économiques et de sauvegarder ainsi les conditions premières d'une économie libre, qui présuppose une certaine égalité entre les parties, d'une manière telle que l'une d'elles ne soit pas par rapport à l'autre puissante au point de la réduire pratiquement en esclavage" [n°15].

"L'activité économique, en particulier celle de l'économie de marché, ne peut se dérouler dans un vide institutionnel, juridique et politique. Elle suppose, au contraire, que soient assurées les garanties des libertés individuelles et de la propriété, sans compter une monnaie stable et des services publics efficaces. Le devoir essentiel de l'Etat est cependant d'assurer ces garanties, afin que ceux qui travaillent et qui produisent puissent jouir du fruit de leur travail et donc se sentir stimulés à l'accomplir avec efficacité et honnêteté. […] L'Etat a par ailleurs le devoir de surveiller et de conduire l'application des droits humains dans le secteur économique ; dans ce domaine, toutefois, la première responsabilité ne revient pas à l'Etat mais aux individus et aux différents groupes ou associations qui composent la société. L'Etat ne pourrait pas assurer directement l'exercice du droit au travail de tous les citoyens sans contrôler toute la vie économique et entraver la liberté des initiatives individuelles. […]

L'Etat a aussi le droit d'intervenir lorsque des situations particulières de monopole pourraient freiner ou empêcher le développement. Mais, à part ces rôles d'harmonisation et d'orientation du développement, il peut remplir des fonctions de suppléance dans des situations exceptionnelles, lorsque des groupes sociaux ou des ensembles d'entreprises trop faibles ou en cours de constitution ne sont pas à la hauteur de leurs tâches. Ces interventions de suppléance, que justifie l'urgence d'agir pour le bien commun, doivent être limitées dans le temps, autant que possible, pour ne pas enlever de manière stable à ces groupes ou à ces entreprises les compétences qui leur appartiennent et pour ne pas étendre à l'excès le cadre de l'action de l'Etat, en portant atteinte à la liberté économique ou civile." [n°48]

Michel Janva

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6 commentaires

  1. Je suis d’accord pour ne pas profiter de la crise pour aller vers un étatisme abusif.
    Je suis également d’accord de voir les responsabilité des Etats dans cette crise.
    En revanche, et toujours en suivant Centesimus Annus, il est impossible de nier la responsabilité des acteurs sur les marchés: les entreprises privées ont bien participer à la vente de subprime, à la titrisation massive de ces créances, aux “erreurs dans la notation de ces crédits…
    En somme, s’il y a une chose à ne pas faire, c’est de rejeter la responsabilité de la crise entièrement sur l’Etat ou entièrement sur le Marché.
    Aujourd’hui, notre économie fonctionne avec une forte implication de ces deux acteurs, et la responsabilité est logiquement partagée.
    [Certes. Mais l’action de l’Etat n’a-t-elle pas déresponsabiliser les prêteurs ? MJ]

  2. Jacques Gaérello a un inconvénient majeur, il a les pieds sur terre et dit les choses avec clarté. On ne pardonne pas cela à des esprits brillants.
    Ca vaut la peine de le lire en entier!

  3. Effectivement, cela a contribué, comme je l’ai dit d’ailleurs.
    Mais on ne peut pas en même temps demander plus de susbidiarité/liberté et dire que les acteurs du marché sont irresponsables (même si l’Etat a mal fait son travail de régulation).
    Soit on croit dans la liberté véritable des agents économiques (ce qui est notre cas, et n’est pas contradictoire avec des règles de bon fonctionnement), soit on pense que celle-ci doit complétement dirigée par l’Etat.
    Mais on ne peut jouer sur les deux tableaux.
    [L’Etat n’a pas de travail de régulation à assumer. Il est là le problème. L’Etat a un rôle judiciaire : celui de faire respecter le droit. MJ]

  4. J. GARELLO vise et tire juste : la crise actuelle marque la fin de l’Etat-Providence, ce socialisme de la démagogie démocratique.
    C’est l’Etat US ou Français qui s’endette au delà du raisonnable, pour favoriser le sacro saint ”niveau de vie”, ou la pseudo ”égalité” et c’est le contribuable et son entreprise qui par leurs impôts et charges paient le gâchis étatique, destiné à acheter des parts de marché électoral.
    Il y a eu la chute du communisme, et voilà au tour de l’Etat social démocrate, redistributeur, matérialiste et souvent totalitaire, de rejoindre lui aussi les poubelles de l’histoire.
    L’Etat doit garantir la justice, il ne doit pas la fabriquer à la place des corps sociaux, ou des entités économiques.
    Garello, catholique et économiste libéral, rappelle ainsi très bien par son analyse comment s’appliquent les principes de la DSE à la situation actuelle.

  5. A propos de la régulation, attention aux anglicismes. L’anglais regulation signifie réglementation en français et n’est donc pas tout à fait la même chose que la régulation.
    L’Etat a un rôle de réglementation pour fixer les règles du jeu sans lesquelles le marché ne peut exister : interdiction de la corruption, de la manipulation de cours, du vol, du meutre, du chantage, etc.
    La régulation doit être du ressort des autorités de marché (l’AMF) ou des entreprises de marché (Euronext). De même que l’Etat ne vient pas arbitrer un match de foot mais intervient dans le domaine du pénal (dopage, pot-de-vin…), il n’a pas à arbitrer les transactions de marché.
    Aujourd’hui, plus que la fin de l’Etat providence, j’en vois le renforcement. De même qu’il est plus facile d’encourager le préservatif pour lutter contre le sida, renforcer l’intervention de l’Etat dans l’économie est un populisme qui répond aux attentes de la population. Mais dans les deux cas, la vraie solution est l’abstinence, laquelle présente la difficulté de demander de la discipline, mais est la plus efficace.

  6. Pour Lénine il y avait les idiots utiles. Ceux qui défendaient le socialisme malgré eux. Aujourd’hui le libéralisme a ses idiots utiles. J. Garello en fait partie. Comme tous les libéraux il fait de la liberté un absolu. C’est un libéral, adepte de Smith qui considérait que chacun en poursuivant son propre intérêt permettait ainsi la prospérité générale.
    Ce qui est une perversion du précepte évangélique “cherchez le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste sera donné par surcroit”.
    Il ne faut pas seulement écarter tous les financiers cupides, mais aussi tous les idéologues de tout poil. A commencer par les libéraux. Ils sont pitoyables avec leur déification du marché. La transparence, la concurrence, le profit, laisser-faire laisser-passé et tous leurs artifices.
    Bien sûr qu’il ne faut pas opposer les libertés (et non la liberté) et l’Etat. Bien sûr qu’il ne faut pas non plus déifier l’Etat. Mais la liberté n’est pas première, ce qui est premier c’est le bien commun, que préconise St Thomas et non l’intérêt général. Et c’est à l’Etat de défendre le BC. Pour cela il faut à la tête de l’Etat une autorité qui soit capable de s’élever de façon constant au dessus des intérêts particuliers, aujourd’hui on dirait au dessus des lobbies.
    Dans ma thèse, je rappelle ce fait suivant. Sous le Roi Soleil, il y a eu pour différentes raisons, un mouvement de vente des biens communaux. Sous l’impulsion et au profit de la bourgeoisie. Ces actes juridiquement parlant étaient correctes. Mais ils blessaient la justice, car ces biens profitaient aux plus petits. Louis XIV, contre l’avis de son conseil, a annulé ces actes. La justice au dessus du droit. Certes ce n’est pas la conception libérale de la propriété manifesté par l’article 544 du code civil, qui fait de la propriété un droit absolu ; c’est la conception de la propriété de la DSE. Et aujourd’hui il faudrait faire la même chose aux EU pour les ménages les plus pauvres. Mais on déresponsabilise hurlent les libéraux ! et on ne déresponsabilise pas les financiers ! Ils ont fait des profits scandaleux ; on leur laisse. Et on nationalise les pertes. Ce serait risible s’il n’y avait pas des milliers de drames familiaux à la clé.
    Bien sûr qu’il faut mettre fin à l’Etat soit disant providence. Mais pour cela il faut comprendre que ce phénomène moderne est dû d’abord à la déchristianisation de la société. Et qu’ensuite c’est le fils du libéralisme.
    Il est urgent que les catholiques se libèrent du libéralisme. Qu’ils comprennent où est le bien commun. Un texte de F. Perroux peut aider http://spesmethodologie.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=71&Itemid=1

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