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Valeurs chrétiennes : Culture

La phénoménologie de la vie, un remède à la barbarie

De Vivien Hoch

1*MEBtqrmAjJ4DsNy7650nrg"Une grande partie de la philosophie contemporaine, du moins en Occident, est marquée par le nihilisme : déconstruction, études de genre, anti-naturalisme, anti-spécisme, réductionnisme, constructivisme, holisme, marxisme. Ces pratiques de pensée ont ouvert une ère du vide, selon l’expression de Gilles Lipovetsky. D’autres qualifient ce qui se passe de “barbarie” (Michel Henry, Jean-François Mattéi).

Mais la philosophie contemporaine a su aussi, de manière plus discrète, générer en son sein des anticorps conceptuels puissants face au nihilisme, en proposant de nouvelles manières de penser. En développant la notion de « monde de la vie (Lebenswelt) », la phénoménologie a permis de resserrer l’horizon du vide sur l’épaisseur concrète de la vie humaine. Le monde de la vie est une expression qui décrit la manière d’être au monde la plus originaire et la plus fondamentale. Nous avons une vie concrète, une adhérence au monde qui échappe aux logiques marchandes, idéologiques, étatiques, médiatiques, corporatistes. Pour échapper aux logiques mortifères pour la société et pour l’humanité, il faudra renouer avec un concept de vie à la hauteur des enjeux. C'est ce que propose le philosophe chrétien Michel Henry, à la suite de Husserl. (…)

La tentative phénoménologique de laisser la vie en dehors du réductionnisme scientifique a ouvert des voies de développement considérables pour les philosophies issues. Saint Jean-Paul II, phénoménologue « pratiquant », a forgé le concept d’ « écologie humaine » en méditant les textes de Husserl et de Max Scheler sur le monde de la vie(1). Ces méditations ont pu aboutir à un développement théologique des thématiques du monde de la vie ; ainsi l’affirmation suivante, issue de la lettre aux familles, « Le rationalisme moderne ne supporte pas le mystère »(2), peut-elle être comprise comme un prolongement théologique de la thématique du monde de la vie chez les phénoménologues.

De manière plus radicale encore, Michel Henry a développé ces dernières années une réflexion sur l’opposition radicale entre la Vie (en majuscule, chez lui) et ce qu’il appelle la « barbarie ». Ce phénoménologue catholique, décédé en 2002, a replacé la question de la Vie au cœur de la culture, de la civilisation et même de la théologie.

La barbarie, écrit Joseph de Maistre, cité par Michel Henry, est une ruine, non un rudiment(6). Ce qui veut dire que la barbarie est toujours seconde par rapport à la culture : elle n’est que dégénérescence de ce qui est déjà là. Avec la barbarie, s’ouvre une période de nihilisme destructeur, dont on ne sait si on en sortira un jour.

Ce nihilisme se caractérise par la destruction et l’oblitération qu’il provoque. Il tend à « oublier » la vie. Il la met hors-jeu, en dehors des préoccupations objectivistes, idéologiques ou économiques. De même que l’embryon n’est qu’un « amas de cellules » aux yeux de la logique scientifique, le travailleur n’est qu’une « force productive » pour la logique économique et le citoyen n’est qu’un « commis de l’État » pour la logique socialiste. L’hypertrophie de la rationalité scientifique provoque une réduction de la Vie à des logiques qui ne sont pas les siennes, et qui lui sont même contradictoire. Cette réduction de la vie enclenche autodestruction.

« Un mode de vie qui se tourne ainsi contre la vie, c’est-à-dire contre soi-même, c’est une contradiction » écrit Michel Henry. (…)

Se sortir de la barbarie, c’est renouer avec l’essence de la vie et la ressaisir comme ce qu’elle est : la source fondamentale de toute culture, de toute civilisation et de toute philosophie."

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