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Histoire du christianisme

La Messe issue du Concile Vatican II : quelle limite aux “abus” ?

La Messe issue du Concile Vatican II : quelle limite aux “abus” ?

L’abbé Claude Barthe est l’auteur de nombreux ouvrages de réflexion sur la crise actuelle de l’Église et de chroniques religieuses dans diverses revues. Il s’est spécialement consacré à la défense et à l’illustration du « génie » de la liturgie romaine traditionnelle. Il vient de publier La Messe de Vatican II. Dossier historique. La réforme de la liturgie qui a suivi Vatican Il n’a pas de véritables précédents historiques : réforme d’aggiornamento, de mise à jour, elle ne se comprend que dans le cadre d’une volonté d’adaptation du catholicisme à la modernité. En prétendant restaurer la liturgie en son état supposé d’avant le Moyen Âge, elle a surtout opéré une restructuration conforme à la sensibilité contemporaine.

Commencée officiellement en 1964, elle avait été précédée d’une longue préparation par les clercs et les historiens très engagés du Mouvement liturgique des années 1950, organisés en groupe de pression efficace, et qui firent reprendre leurs thèmes de prédilection par les diverses Commissions de réforme qu’ils dominaient.

La radicalité du processus, l’infléchissement doctrinal qu’il comportait et les débordements tolérés puis approuvés ont provoqué à la fois une réaction réformiste, dont le chef de file a été le cardinal Joseph Ratzinger, et une opposition de non-réception dominée par Mgr Marcel Lefebvre. Par étapes (1984, 1988, 2007), les célébrations « sauvages » du culte traditionnel sont finalement devenues de plein droit, de sorte que le rite nouveau coexiste aujourd’hui avec son état antérieur, autre aspect totalement inédit de cette réforme.

Les éléments apportés par ce dossier historique très complet permettent de dépasser les débats souvent trop passionnés. Ils en font un instrument utile pour tous, en particulier pour la génération de ceux qui n’ont pas connu l’après-Concile, quel que soit le point de vue de chacun.

Retraçant la réforme du rituel, l’auteur montre que les fameux abus liturgiques, qui en ont scandalisé plus d’un, sont inscrits dans les textes, qui refusent de figer les gestes et laissent place à une très grande liberté de choix et même de créativité, avec l’emploi de terme comme “on peut”, “habituellement”, “par exemple”… Les prêtres, imprégnés par les thèmes du Mouvement liturgique et, compte tenu des libertés que laissaient les nouveaux livres, sont devenus eux-mêmes d’autres réformateurs, d’autant que la célébration en langue populaire, avec une infinité de choix possibles, favorise grandement le jeu personnel des acteurs liturgiques. De Paul VI au dernier vicaire de paroisse, tout le monde réformait à plein régime. D’ailleurs, à la limite, on pourrait dire que, dans la nouvelle liturgie, l’acte de réformer est aussi important que le contenu de la réforme. Ainsi, si le latin est la langue de l’Eglise et la chant grégorien le chant propre de la liturgie, ils ont totalement été abandonnés de façon tout à fait “légale”, de même que la communion dans la main, exception devenue norme (comme les ministres extraordinaires de la communion, etc.). Ainsi, même aujourd’hui, avec l’ordination de nombreux prêtres classiques, on retrouve cette idée de réforme individuelle, mais cette fois dans l’autre sens, avec plus de sacralité dans les célébrations. Et les textes, eux, laissent une grande liberté aux célébrants :

La prière universelle comporte dix introductions possibles, qui n’excluent pas l’usage d’autres formules, et de neuf prières de conclusion, mais on peut aussi s’inspirer de la prière universelle du Vendredi Saint ou d’autres prières. […]

Les préfaces sont difficiles à dénombrer : 46 pour le temporal, 10 pour le sanatorial, 13 pour les communs des saints, 16 pour les défunts, messes rituelles (mariages, profession religieuse), messes votives […] Et surtout, la prière eucharistique qu’elles introduisaient était (et avait sans doute toujours été) unique. Or, les prières eucharistiques au choix sont désormais officiellement au nombre de 11 (ou de 14, si on considère les prières pour les circonstances particulières comme quatre prières distinctes, comme le fait le missel de 2002) :

  • quatre principales
  • deux pour la réconciliation
  • trois pour les messes d’enfants
  • une pour les rassemblements
  • et une pour des circonstances particulières, en fonction desquelles peuvent être choisies quatre préfaces :
    • L’Eglise en marche vers l’unite
    • Dieu guide son Eglise sur la voie du salut
    • Jésus chemin vers le Père
    • Jésus modèle de charité

auxquelles correspondent quatre prières d’intercession (l’équivalent du Te igitur du canon romain) placées dans la seconde partie de la prière eucharistique, après la consécration, comme dans les prières eucharistiques II, III, IV.

Mais il en existe encore, car certaines conférences épiscopales, notamment à l’occasion d’évènements particuliers, ont demandé l’approbation de prières eucharistiques spécifiques. Ainsi la Conférence des évêques du Brésil a obtenu l’approbation d’une l’anaphore à l’occasion du Congrès eucharistique national, à Manaus, dite prière eucharistique de Manaus et devenue, pour le Brésil, la Ve prière, qui a l’étrange particularité, au moins parmi les anaphores autorisées, d’être dialoguée.

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