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Bioéthique / France : L'Islam en France

La manifestation du 6 octobre contre la PMA sans père et les Français musulmans : une occasion temporairement ratée ?

La manifestation du 6 octobre contre la PMA sans père et les Français musulmans : une occasion temporairement ratée ?

La foule immense, d’une gravité joyeuse, qui a manifesté le 6 octobre avec des drapeaux verts dans les rues de Paris contre la PMA sans père et autres manipulations filiatives et génétiques, ne respirait pas le Grand Remplacement.

Les populations d’origines africaines (noires), moyen-orientales, arabo-musulmanes étaient fort peu représentées, tout au moins à hauteur de vue de manifestant moyen. Vous savez, cette fameuse diversité qu’on n’a pas le droit de nommer (on sait qu’on prend des risques) mais que par ailleurs le CSA passe son temps à décompter en particulier à travers son Observatoire de la diversité… pour en tirer des ratios à appliquer aux médias audiovisuels et publicitaires.

Le 6 octobre, donc, le comptage était assez vite fait. Et c’est bien dommage. Pourquoi dommage ?

Parce qu’il paraît que les Français musulmans et l’islam sont toujours stigmatisés. On les associerait sans cesse et sans raison (…) à de la violence terroriste, à un antisémitisme culturo-religieux, à un grignotage constant de la loi républicaine par tous ces petits accommodements conformes à la charia (à commencer par les procédures d’abattage hallal), alors que l’islam ne serait qu’une religion. 

L’islam comme religion ? La discussion du projet de loi de bioéthique, la manifestation annoncée du 6 octobre étaient d’excellentes raisons pour que les musulmans participent à un débat national, et non pas communautaire, sur un sujet anthropologique qui concerne tous les hommes.

D’autant plus que la religion musulmane s’oppose à la PMA sans père de façon nette. En effet, c’était le 30 octobre 2018, la commission de l’Assemblée nationale préparant la révision de la loi de bio-éthique discutée actuellement avait organisé une table-ronde avec des représentants de religionsM.Kbibech, vice-président du CFCM (Conseil français du culte musulman), représentait donc le culte musulman. Il a indiqué que, dans l’islam, la préservation de la filiation légitime est un principe absolu, et dans le cadre d’un mariage légal homme et femme. De ce fait, la PMA n’est permise que si elle ne va pas à l’encontre de cette filiation (« Ceux qui cherchaient un appui pour la PMA pour les femmes seules ou les couples de femme, c’est pas dans le culte musulman qu’ils vont le trouver ») ; la GPA est absolument illicite car faisant intervenir un tiers.

Donc l’ordre du jour de la manifestation aurait dû permettre la participation de Français musulmans en nombre (petites précisions évidentes mais néanmoins utiles concernant l’évaluation de la fameuse diversité arabo-musulmane : sur un plan individuel, il n’y a pas d’équivalence exacte ni entre musulman et arabe, ni entre arabe et musulman. Et la foi est plutôt difficile à évaluer… Il s’agit d’ordres de grandeur, d’impressions soumises elles-mêmes à confrontation).

Comment évaluer l’intérêt porté au débat crucial en cours de la part des représentants musulmans en ce mois d’octobre 2019 ?

Premier indice : avant l’examen du projet de loi proprement dit, l’Assemblée Nationale a organisé le 29 août 2019 une nouvelle audition de différentes personnalités représentant des cultes. Pour les musulmans, M.D.Boubakeur, président par intérim du Conseil français du culte musulman (CFCM) et médecin, avait été invité. Il ne s’est pas rendu à la réunion apparemment pour des raisons d’agenda. Et donc l’islam n’a pas été représenté.

Deuxième indice : les pages d’accueil de nombreux sites Internet musulmans ont été consultées tout à la fois avant et après la manifestation du 6 octobre, pendant cette période de discussion parlementaire en première lecture à l’Assemblée Nationale. Quelle conclusion en tirer ? Un désintérêt quasi-total pour ce sujet des lois de bioéthiques : aucun article mis à part –et c’est notable et on y revient plus avant- un article sur le site Union des Mosquées de France. Et rien sur la manifestation du 6 octobre.

  • Rien sur lemuslimpost.com, qui traite pourtant bien de sujets français puisqu’il y a en particulier un article intitulé « Faut-il faire taire le multirécidiviste Eric Zemmour? »
  • Rien sur http://www.musulmansdefrance.fr (le site de l’UOIF), qui titrait encore sur l’attaque terroriste de Christchurch en Nouvelle-Zélande en mars 2019 !
  • Rien sur http://www.islamophobie.net/ (le site du CCIF) dont le dernier communiqué concerne l’agression en 2016 d’un septuagénaire parce que musulman.
  • Rien sur oumma.com, qui malgré le titre également universaliste, évoque cependant l’attaque à la Préfecture de police. La seule manifestation annoncée sur ce site pour le dimanche 6 octobre à Paris était la Marche citoyenne pour la démocratie et le respect des droits en Algérie.
  • Rien sur le site https://www.cfcm.tv/ (site du Conseil Français du culte musulman) qui titre aussi A la Une sur les attentats de Nouvelle-Zélande !
  • Rien sur le site https://www.mosqueedeparis.net/ (le site privé en quelque sorte de D.Boubaleur).

Troisième indice, imparfait : on aurait pu penser à des appels de personnalités représentatives (les imams des grandes villes françaises, prenant position). Une interrogation par moteur de recherches ne donne rien. Cela ne vaut cependant pas certitude, c’est vrai.

Revenons à la seule contribution trouvée , celle de Mohammed Moussaoui (Président de l’Association des mosquées de France), proposée pour contribuer aux débats démocratiques et à l’évaluation des choix projetés pour notre modèle sociétal concernantl’Assistance Médicale à la Procréation, mise en ligne le 30 août 2019 sur le site de l’association.

Il s’interroge sur « Que dit le droit musulman sur l’AMP ? » [entre parenthèses, on retrouve cette formulation toujours juridique, et non pas de conscience libre ou de foi, des préceptes musulmans].

Eh bien, tout confirme l’avis déjà donné en octobre 2018 et toute cette présentation, précise, claire, aurait très bien pu être l’objet d’un discours à la tribune de la manifestation du 6 octobre. Extraits :

« Le développement de techniques médicales, de nature à participer au bien-être des hommes et des femmes, à soulager leurs souffrances physiques et morales et à permettre l’émergence de nouvelles formes de solidarité et d’altruisme par le don gratuit d’organes, s’il n’est pas suffisamment encadré par des principes fondamentaux et structurants, il pourrait être source de dérives et d’atteintes à la vie et à la dignité humaines… Parmi ces principes en lien avec notre sujet, il y a la « filiation par descente » (Annssab, en arabe). La filiation par descente, repose sur l’identification de la mère et du père et de leur rôle dans la structure familiale, première institution structurante de la société humaine ».

Et plus loin :

« De nombreux passages coraniques très concis et très explicites énumèrent des règles et normes précises dont l’objectif est de s’assurer de l’identité du père. La mère étant celle qui accouché de l’enfant ».

Et encore :

« S’appuyant sur ce principe de filiation par descente, les écoles juridiques musulmanes sont unanimes sur l’interdiction de toute technique d’AMP faisant appel à un donneur de gamètes. Le don de gamètes à autrui étant lui-même illicite. Seule la possibilité d’une AMP avec des gamètes d’un homme et d’une femme unis par le mariage est sujet de discussion ».

Enfin :

« Nous souhaitons maintenant développer quelques arguments qui appellent à la prudence quant à l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules. Les études partielles sur les conséquences de l’effacement institutionnalisé du père de l’environnement familial de l’enfant ne permettent pas d’avoir le recul nécessaire sur les dommages sur son vécu. Cette absence ne saurait être comparable à celle résultant d’un divorce ou d’un décès. Celle-ci, l’Humanité l’a expérimenté depuis sa première existence… Instituer le droit d’un adulte ou de deux adultes d’avoir un enfant sans se soucier du droit de l’enfant d’avoir un père est une injustice flagrante à l’égard d’un être vulnérable… Instituer un mode de filiation par déclaration anticipée de volonté en transférant délibérément la maternité à une autre femme (la deuxième mère) que celle qui accouche ferait fi des liens qui se nouent entre la femme enceinte et l’enfant pendant la durée de la gestation….  Pour conclure, nous réaffirmons comme nous l’avons fait dans d’autres débats, notre conviction que le risque d’emprunter, par la transformation d’un grand principe régulateur qu’est la filiation, un chemin irréversible qui engage la société d’aujourd’hui et de demain dans un avenir incertain est très grand ».

Nous rappelons aux Français musulmans, qui veulent vivre leur foi de façon intime et considèrent que la loi islamique n’est qu’une affaire purement privée qui, dans ses obligations quotidiennes publiques, s’efface toujours devant la civilité française, et qui souhaitent partager des enjeux communs plutôt que communautaires, que d’autres manifestations pourraient être organisées en fonction des actes et du calendrier politique à propos de ce projet de loi. Et que la présence de tous les hommes de bonne volonté sera alors nécessaire.

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