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L'Eglise : Le Vatican

La crise économique vue de Rome

"La Civiltà Cattolica" a effectué une analyse de la crise économique. Cette revue est rédigée par un groupe de jésuites de Rome. Mais chacun de ses articles est soumis, avant impression, au contrôle de la secrétairerie d’état du Vatican. Extraits :

"L’Europe paraît vraiment confrontée à la pire crise qu’elle ait connue depuis la fin de la seconde guerre mondiale. D’ici à quelques mois l’euro […] pourrait cesser d’exister […]. Mais l’Union Européenne est tellement intégrée dans la mondialisation que sa faillite (même si c’est seulement celle d’une partie de l’Union) représente un risque systémique pour tous les pays du monde. […]

Il y a dans le monde des liquidités en abondance. Mais on ne sait pas où les placer, sauf à les maintenir à l’intérieur des frontières de chaque pays. La demande de produits financiers à "risque zéro" […] ne trouve plus d’offre adéquate, parce que les titres de dette publique libellés en euros […] sont considérés comme dangereux […]. Le risque est lié aux basses perspectives de croissance économique pour l’UE ; à la démographie (baisse du nombre de travailleurs, augmentation des dépenses liées aux retraites et à la santé) ; aux déficits et aux dettes publiques et bancaires élevés et peu soutenables ; aux défauts d’origine de l’euro (les forts différentiels de productivité/compétitivité, l’échec de l’intégration des marchés bancaires et des politiques fiscales nationales) ; à la crédibilité limitée du personnel politique européen, au niveau national et dans leurs rapports au sein de l’UE, en ce qui concerne la mise en œuvre des mesures attendues par les marchés. […]

Jusqu’à maintenant on a évité la banqueroute dans la panique, c’est-à-dire la fuite généralisée pour se débarrasser des produits financiers libellés en euros au-delà des rendements promis. Cependant, si la crise de liquidités européenne peut être compensée en payant des taux d’intérêt croissants, le poids accru de charges financières conduira à la difficulté de rembourser les dettes, c’est-à-dire à une crise de solvabilité des états, des banques, des entreprises et des ménages. […] Il y a un risque que, dans l’avenir, même les Bunds ne soient plus considérés comme sans risques, si les décisions du récent Conseil européen des 8 et 9 décembre sont perçues par les marchés comme une solution politique peu durable. Il ne suffit pas que l’Allemagne assume unilatéralement, à travers un ou plusieurs instruments financiers, la responsabilité de garantir les dettes de l’Eurozone, parce que le rating allemand perdrait son triple A. Et donc Berlin n’apporterait plus d’assurance crédible aux créanciers et la crise s’aggraverait.

Avec ces scénarios, on est face à une sorte de "protectionnisme" international des liquidités. Les pays extra-européens ne veulent pas financer l’Eurozone, parce que les ressources financières en question pourraient au contraire couvrir leurs nouveaux besoins dans le cas d’une éventuelle faillite de l’Italie, de l’Espagne ou d’autres débiteurs européens. Pour se financer à des taux d’intérêt croissants, les états européens touchés par une crise de liquidités réduisent leurs dépenses et augmentent les impôts (également pour montrer un budget public sain et permettant de rembourser les dettes). Cela aura, en 2012, des effets de récession dans certains pays comme l’Italie et peut-être dans toute l’Eurozone et cela produira un ralentissement économique mondial. On voit apparaître le spectre d’une nouvelle récession mondiale, avec comme corollaire un euro qui n’aura plus de valeur internationale, à la fois comme moyen de paiement et comme réserve des banques centrales. […]

Du point de vue légal, la BCE ne peut pas sauver un état membre. […] Mais l’interdiction de procéder à des interventions extraordinaires faite à la BCE n’est pas seulement un problème de légalité ou d’indisponibilité de l’Allemagne à payer les dettes d’autrui. Il faut tenir compte de "l’aléa moral". Si la BCE (ou Berlin ou le FMI) devenait le prêteur sûr de dernière instance, cela inciterait les états et les banques à ne pas être rigoureux dans leur gestion et à s’endetter au-delà de leur capacité de remboursement. Après le soutien apporté à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal (à recommencer), maintenant l’Allemagne, la BCE, la Commission et le FMI pourraient secourir les nouveaux pays européens en crise (l’Espagne, l’Italie et, potentiellement, la France et la Belgique). Mais ils mettent deux conditions pour faire face au risque d’un aléa moral.

En premier lieu, les états sauvés doivent mettre en œuvre des mesures d’austérité économique (réduction des dépenses et augmentation des impôts, afin de ramener le déficit à zéro et donc de ne pas augmenter la dette publique) et des réformes structurelles pour faire redémarrer la croissance économique. Cela a déjà été promis depuis plus d’un an mais peu d’états ont tenu leurs promesses. En second lieu, il faut attribuer à l’UE (la Commission, ou un ministre des finances du Conseil européen à créer, ou la cour de justice européenne) la capacité de vérifier les progrès des états et en sanctionner les inaccomplissements. Les marchés auraient alors confiance et ils recommenceraient à prêter de l’argent aux pays européens en crise, à des taux d’intérêt raisonnables. […]

Malgré tout, les marchés pourraient ne pas refaire confiance à l’Eurozone après le Conseil européen des 8 et 9 décembre. Qui prêtera, dans ce cas, des capitaux à un grand état et à ses banques pour leur éviter une banqueroute imminente ? […] Il ne faut pas oublier qu’en 2012 les banques et les états de l’Eurozone devront se refinancer pour un montant de 1 900 milliards d’euros, en excluant les ressources destinées à de nouveaux investissements. […]"

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5 commentaires

  1. ” il faut attribuer à l’UE (la Commission, ou un ministre des finances du Conseil européen à créer, ou la cour de justice européenne) la capacité de vérifier les progrès des états et en sanctionner les inaccomplissements.”
    Les Jésuites de Rome, et peut-être nous dit-on la Secrétairerie d’Etat du Vatican, n’ont pas d’autre solution à nous proposer que celle qui tourne le dos à la subsidiarité. Bizarre, vous avez dit bizarre. Il est vrai que la subsidiarité n’est pas un dogme, ce n’est qu’une “loi de sagesse ” ! La sagesse n’intéresse-t-elle plus nos jésuites romains ?

  2. @ Laguérie Gérard
    “subsidiarité” quand on s’est mis sous la dépendance des investisseurs par la triche (au traité de Maastrich) ?
    “Mais l’interdiction de procéder à des interventions extraordinaires faite à la BCE n’est pas seulement un problème de légalité ou d’indisponibilité de l’Allemagne à payer les dettes d’autrui. Il faut tenir compte de “l’aléa moral”. Si la BCE (ou Berlin ou le FMI) devenait le prêteur sûr de dernière instance, cela inciterait les états et les banques à ne pas être rigoureux dans leur gestion et à s’endetter au-delà de leur capacité de remboursement.”. Même chose avec la dévaluation.
    Il nous manque l’honnêteté : c’est l’origine la crise

  3. Je crois qu’il y a des problèmes de traduction comme pour l’expression “prêteur sûr de dernière instance” qui devrait être rendu par “prêteur en dernier ressort” (“last resort” disent les anglophones).
    C’est d’autant plus dommage de mal le traduire que cette histoire de “prêteur en dernier ressort”, que la BCE est en train de devenir, est le dernier coup de pied de l’âne qui permet aux technocrates mondialistes de sauver leur bidule (http://www.cafedelabourse.com/archive/article/la-bce-enfin-preteur-en-dernier-ressort : “Au moins, on sait maintenant que la BCE est prête à utiliser toutes les armes dont elle dispose pour essayer de protéger le système financer de la zone euro.”).
    Et une fois de plus les citoyens européens payeront cette nouvelle distorsion de la réalité à un moment ou un autre. C’est la même histoire depuis au moins 2008 : la plupart des mesures reviennent à reculer pour mieux sauter dans le gouffre et d’içi là maintenir le Potemkine gaucho-libéral droitdelhomiste. Quand cela explosera, certainement après les élections de cette année scolaire (Russie, France, USA, Brésil), on verra peut être l’inflation partir pour de vrai et l’immobilier chuter fortement.
    Une des dernières raisons du micmac financier actuel est de maintenir les taux bas pour ne pas désepérer les classes moyennes qui ont cru faire de belles affaires immobilières et se retrouveront en short lors de la hausse des taux. Ce serait suicidaire pour les gouvernements de laisser partir les taux actuellement.
    Gageons que pour gérer tout cela de nombreux gouvernements technocratique se mettront en place, en France on appelle ça la cohabitation des démocrates (Le nouvel Economiste s’est livré ci-contre à un exercice de fiction (espérons que cela le reste) en imaginant ce que serait dans une situation d’urgence un gouvernement de techniciens – et non pas de technocrates. http://www.lenouveleconomiste.fr/editorial-politique-fiction-13202/).
    Bref, soit je ne suis pas très malin-malin soit je ne maitrise pas la langue de buis en béton ou la casuistique jésuistique du XXIème siècle, mais je ne comprends pas bien les lignes de force du texte.

  4. trahoir,
    je comprends ces affaires sans doute encore moins bien que vous. On ne peut pas dire que les commentaires polémiques éclaircissent le débat. Si on les suit, on conclut que « les milieux financiers » conspirent à la ruine de l’euro, dont ils ont par ailleurs inspiré la création, et s’acharnent à vouloir garantir l’existence. Ce sont les mêmes analystes qui ricanent quand l’euro baisse face au dollar (vous voyez, l’euro c’est nul) et se lamentent quand il monte (l’euro fort étouffe la croissance).

  5. C’est la langue de bois-buis pour laquelle il faudrait un dictionnaire.

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