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France : Société

La Cour des Comptes recommande de transférer la mission Sentinelle aux forces de sécurité

La Cour des Comptes recommande de transférer la mission Sentinelle aux forces de sécurité

Lancée début 2015 pour protéger les Français face à la menace terroriste, la mission Sentinelle, permettant de déployer jusqu’à 10 000 militaires pendant un mois sur le territoire national, s’est inscrite dans la durée. D’après la Cour des comptes, il est temps de tourner la page.

Premier enseignement de ses conclusions, rendues publiques lundi : entre 2015 et 2020, ce déploiement a coûté plus de deux milliards d’euros au total , et même plus de trois milliards en intégrant les jours pendant lesquels les militaires ne patrouillent pas. Un niveau trop élevé, juge la Cour des comptes, qui grève les capacités d’entraînement de l’armée au quotidien. L’opération Sentinelle est le grain de sable qui vient enrayer le cycle militaire : entrainement, opération, repos. En outre, l’image de militaires patrouillant dans les rues ne favorise pas le recrutement (“engagez-vous, vous verrez du pays…”).

Par conséquent, l’activité opérationnelle des soldats engagés est en fort recul, en cohérence avec la courbe des forces déployées sur le terrain. En 2017, les patrouilles de Sentinelle ont débouché sur 7335 événements (périmètre de sécurité sur un colis ou un véhicule suspect, altercations, aide à la personne, appui aux policiers ou gendarmes, etc.). Ce chiffre a été divisé par plus de trois lors de l’année 2020, avec seulement 2375 faits et interventions.

Au-delà des chiffres, la Cour des comptes dresse une longue liste de biais : la banalisation de ces patrouilles pour des missions éloignées de leur cœur de métier, l’amalgame des détachements (de Sentinelle) avec les forces de sécurité intérieures, la couverture du territoire uniquement à des fins d’image, ou encore le sentiment d’inutilité et d’usure exprimé par un nombre croissant de personnels mobilisés.

Conclusion : Parce que la menace a évolué, la réponse purement quantitative paraît insuffisante et une autre réponse est nécessaire. A menace endogène, réponse endogène, c’est-à-dire fondée sur l’exploitation du renseignement venant de l’intérieur et la mise en œuvre de pouvoirs de police. Raison pour laquelle le rapport recommande, en conclusion, d’opérer un transfert progressif de la mission Sentinelle aux policiers et gendarmes.

L’évolution de la menace a conduit à réduire les effectifs de Sentinelle de 10 000 à 3 000 hommes. En 2014 et 2015, la menace, exogène, se caractérisait par la projection d’attaques depuis le Levant. Mais depuis les revers de l’État islamique, la menace est devenue endogène, même si elle est parfois incarnée par certains ressortissants étrangers réfugiés ou résidents illégaux. Depuis la fin 2018, elle est portée par des individus inspirés par l’État islamique mais qui ne sont pas nécessairement affiliés à une organisation terroriste. Il en résulte que les forces militaires qui ne disposent ni du renseignement intérieur, ni de pouvoirs de police, ni des armements appropriés en zone urbaine, ne paraissent pas les mieux placées pour faire face à la nouvelle forme de menace. En même temps, les sollicitations des forces de Sentinelle se multiplient. La présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022 a donné lieu à la tenue d’un grand nombre d’évènements en France métropolitaine et outre-mer, qui ont entraîné des contraintes supplémentaires en termes de sécurité. En 2023, la France accueillera la Coupe du monde de rugby et en 2024 les Jeux olympiques. Parallèlement, devraient être poursuivies des tâches – qui sont parfois reportées – telles que l’aide civile et militaire due par la France aux forces alliées transitant ou stationnant sur son territoire. Dans ce contexte, il apparaît que les forces de Sentinelle, imbriquées dans le continuum sécurité/défense, seront largement employées pour des missions éloignées de leur cœur de métier. Les armées sont conscientes de cette dérive quand elles résument les trois vulnérabilités que représentent l’addiction des autorités et forces de sécurité intérieure à la force Sentinelle, la banalisation et l’amalgame des détachements avec les FSI, la dilution des unités militaires engagées dans une logique de couverture du terrain à des fins d’image ou de satisfaction des autorités civiles, plus que par une réelle recherche d’efficacité militaire.La demande du gouvernement à la force Sentinelle de participer à la lutte contre l’immigration illégale et clandestine (LIIC) complexifie la situation. Le ministère de l’intérieur et celui des armées partagent à cet égard des visions divergentes, voire opposées. Sur les frontières montagneuses où elles peuvent apporter une plus-value, les armées participent cependant à la lutte antiterroriste. Alors que les armées se concentrent sur l’hypothèse d’un engagement majeur en coalition dans une opération de coercition de haute intensité, la Cour estime qu’il n’est plus pertinent de poursuivre sans limite de temps une contribution à la tranquillité publique par un « affichage de militaires dans les rues ». Il appartient donc aux FSI de reprendre des secteurs d’activité qui leur reviennent en priorité et pour lesquels elles sont mieux équipées qu’en 2015 dans la mesure où les moyens humains et matériels ont été significativement renforcés pour leur permettre de faire face à la menace terroriste. Par ailleurs, une réflexion renouvelée sur le pilotage des différentes réserves opérationnelles (des ministères de l’intérieur et des armées) sous commandement unifié d’une Garde nationale rénovée serait de nature à simplifier la mobilisation des différentes réserves pour des missions intérieures.

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2 commentaires

  1. Il est certain que les militaires seraient mieux employés à nettoyer les “cités” (comprendre : les quartiers gangrénés par les pègres de toutes obédiences) avec tous les moyens nécessaires – aussi bien physiques que juridiques – qu’à déambuler dans les gares, les aéroports etc … pour tenter d’instiller un “sentiment de sécurité” bien illusoire.

  2. à quoi sert “Sentinelle”?

    les soldats étaient devant le Bataclan ;
    ils ont eu interdiction d’ intervenir.
    on ne tire pas sur de braves djihadistes.
    c’est un policier- hors service- qui , seul, a réagi.

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