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Institutions internationales

La CEDH valide l’expulsion d’un djihadiste

La CEDH valide l’expulsion d’un djihadiste

De Nicolas Bauer, membre de l’ECLJ :

En 2020, l’ECLJ était intervenu dans deux affaires d’expulsion de djihadistes vers leurs pays d’origine, en tant que tierce-partie à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). En février 2022, la première affaire Johansen c. Danemark a été tranchée. La CEDH a validé la privation de nationalité danoise et l’expulsion vers la Tunisie de M. Johansen, revenant de Daech.

Le 15 décembre 2022, la CEDH a annoncé avoir rendu sa décision dans la deuxième affaire : Isam Al-Bayati c. Allemagne. Les juges européens ont validé l’expulsion de M. Al-Bayati vers l’Irak. C’est encore une victoire pour l’ECLJ et pour l’Europe.

Un djihadiste irakien expulsé quinze ans après sa condamnation pénale

M. Al-Bayati, citoyen irakien, a fait l’objet de plusieurs condamnations liées à des activités relevant du terrorisme, en particulier : collectes de fonds, transferts d’argent en Irak, détention d’une arme et possession de cassettes audios appelant au djihad armé. Dans les réseaux terroristes irakiens, il est connu comme le « banquier ». Sa dernière condamnation pénale date de 2006 et la décision d’expulsion de 2009.

Il a alors saisi un tribunal administratif, entraînant plusieurs années de contentieux. Son ultime recours interne, devant le Tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe, a été déclaré irrecevable en 2018. En mars 2019, c’est à la CEDH qu’il dépose une requête. Ce recours n’étant pas suspensif, l’Allemagne l’a expulsé vers l’Irak en octobre 2021, avec une interdiction de retour pour quinze ans.

La sécurité nationale prime les droits individuels d’Isam Al-Bayati

Le djihadiste avait invoqué, contre son expulsion, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Marié et père de deux filles, il considérait que cette décision d’expulsion violait son droit à la vie privée et familiale. La décision de la CEDH, publiée le 15 décembre 2022, déclare irrecevable la requête d’Isam Al-Bayati, pour défaut manifeste de fondement.

Les juges européens ont considéré qu’il était légitime de faire primer la sécurité nationale, menacée par les activités terroristes, sur les droits individuels de M. Al-Bayati. La CEDH a également rappelé que les juridictions allemandes, examinant le recours du djihadiste, avait exploré avec lui les possibilités qu’il avait pour poursuivre sa vie de famille en Irak ou dans d’autres pays.

Cette décision de la CEDH soutient l’Allemagne dans l’exercice des fonctions fondamentales de tout État européen : garantir la sécurité et protéger la nation. La possibilité pour un État d’expulser des étrangers constitue un moyen nécessaire pour lui permettre de remplir ces fonctions, a fortiori lorsque ces étrangers ont participé à des activités islamistes et terroristes.

Pour aller plus loin, lire nos observations dans l’affaire Al-Bayati c. Allemagne (n° 12538/19)

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La CEDH valide l’expulsion d’un djihadiste

La CEDH valide l’expulsion d’un djihadiste

Victoire de l’ECLJ :

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a annoncé le 3 mars 2022 avoir rendu sa décision dans l’affaire Johansen c. Danemark : elle a validé la privation de nationalité danoise et l’expulsion vers la Tunisie d’un djihadiste. C’est une victoire pour l’ECLJ, qui était intervenu dans cette affaire, en tant que tierce-partie.

Adam Johansen avait la double nationalité danoise et tunisienne depuis sa naissance. Il est marié et père d’un enfant. Après s’être équipé de matériel militaire, il est parti en Syrie en 2013 pour être recruté comme « combattant » par Daech. De retour au Danemark en 2014, il est arrêté en 2016 et condamné à de la prison ferme en 2017. Les juges de la Cour suprême du Danemark ont décidé à l’unanimité en 2018 le retrait de sa nationalité danoise et son expulsion avec interdiction permanente de retour au Danemark. Adam Johansen n’a donc plus la nationalité danoise depuis ce jugement, mais il vit toujours au Danemark alors même que sa peine de prison est terminée depuis mars 2020.

Le 10 mai 2019, M. Johansen a déposé une requête à la CEDH, invoquant l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. D’après lui, son droit au respect de la vie privée et familiale aurait été violé par le retrait de sa nationalité et la décision de l’expulser. Par sa décision du 1er février 2022, la CEDH lui a donné tort en déclarant sa requête irrecevable.

Des conséquences sur la lutte contre l’immigration

Pour la CEDH, « la privation de sa nationalité danoise dont [Adam Johansen] se plaint résulte donc dans une large mesure des propres choix et actions du requérant[1] ». De fait, la Cour remarque que les infractions terroristes commises par le requérant « démontraient dans une large mesure son manque d’attachement au Danemark et à ses valeurs[2] ». Par ce raisonnement, la CEDH valide le fait que la nationalité n’est pas qu’un « papier » administratif. Le lien juridique entre une personne et un État – définition de la nationalité – est la traduction d’un lien personnel. Inversement, la privation de la nationalité est la traduction, en droit, de la mort d’un tel lien personnel. L’État danois n’a fait que prendre acte d’une réalité factuelle et matérielle.

C’est la première fois que la CEDH se prononce sur la privation de nationalité d’un national de naissance. Adam Johansen était né Danois. Dans toutes les affaires jusqu’alors tranchées par la Cour, les requérants étaient nés étrangers et avaient été naturalisés. La CEDH précise que « le fait que le requérant en l’espèce avait obtenu la nationalité danoise par naissance ne modifie pas de manière significative [le problème juridique][3] ». Comme le rappelle la Cour[4], l’ECLJ avait argumenté en ce sens. En effet, contrairement à d’autres États comme la France, le Danemark a ratifié la Convention européenne sur la nationalité, qui lui interdit de discriminer ses ressortissants en fonction du mode d’acquisition de la nationalité[5]. Le requérant ne peut donc pas bénéficier d’un privilège par rapport aux Danois naturalisés.

Ces arguments de la CEDH ont des conséquences sur les possibilités que gardent les États en matière de nationalité et donc de politique d’immigration.

Une « position ferme » face aux terroristes

La CEDH remarque également dans sa décision que « la révocation de la nationalité danoise du requérant était la conséquence de sa condamnation pour un crime terroriste très grave[6] » et indique que « la Cour estime légitime que les États contractants adoptent une position ferme à l’encontre de ceux qui contribuent à des actes terroristes[7] ». La Cour met de côté les arguments d’Adam Johansen sur la reprise de ses études et sa bonne conduite, en insistant sur un point : « le demandeur a été condamné pour avoir accepté d’être recruté et entraîné par une organisation terroriste en vue de commettre des actes terroristes[8] », ce qui, pour la Cour « était d’une nature telle qu’il représentait une menace sérieuse pour l’ordre public[9] ».

Le requérant a invoqué son droit au respect de sa vie familiale, pour éviter son expulsion. À ce sujet, la CEDH le met face à ses contradictions : si M. Johansen souhaite rester au Danemark avec sa famille, pourquoi alors aurait-il en 2013 « quitté sa famille au Danemark de sa propre initiative (…) afin de s’installer dans une zone de guerre en Syrie[10] » ? En outre, la Cour fait remarquer que « la compagne [épouse] du requérant, qui s’était convertie à l’Islam à l’âge de 18 ans, et leur fils de 8 ans, qui avait fréquenté une école islamique pendant une courte période et avait ensuite été scolarisé à domicile par sa mère, n’étaient pas totalement dépourvus de préparation pour accompagner le requérant en Tunisie[11] ».

À l’issue de l’examen de proportionnalité, la CEDH estime que la restriction du droit de M. Johansen au respect de sa vie familiale était nécessaire à « la protection du public contre la menace du terrorisme[12] ».

Adam Johansen aurait déjà dû être expulsé

Par cette décision, la Cour rappelle aux États la latitude qu’ils ont pour priver les criminels binationaux de leur nationalité et pour expulser des terroristes dans leurs pays d’origine. À ce jour, M. Johansen n’a cependant toujours pas été expulsé vers la Tunisie. Pourtant, son recours à la CEDH n’était pas suspensif. Le Danemark avait donc la possibilité d’exécuter la décision d’expulsion avant même la décision de la CEDH, c’est-à-dire dès 2018. Les autorités tunisiennes ont par ailleurs confirmé en décembre 2021 qu’ « il ne faisait aucun doute que le requérant avait la nationalité tunisienne » et que « la base juridique nécessaire existait pour permettre à l’ambassade de Tunisie de délivrer des documents de voyage en vue de l’expulsion du requérant vers la Tunisie[13] ».

À la suite de la décision de la CEDH validant l’expulsion, le Danemark pourrait enfin expulser Adam Johansen… huit ans après son retour de Syrie.

____

[1] CEDH, Johansen c. Danemark, n° 27801/19, 1erfévrier 2022, § 50 (toutes les citations de la décision sont traduites librement depuis l’anglais).

[2] Ibid., § 70.

[3] Ibid.

[4] Ibid., § 42.

[5] Convention européenne sur la nationalité (Conseil de l’Europe), adoptée le 6 nov. 1997 à Strasbourg, article 5 § 2.

[6] Johansen c. Danemark, op. cit., § 50.

[7] Ibid.

[8] Ibid., §79.

[9] Ibid., § 80.

[10] Ibid., § 81.

[11] Ibid., § 82.

[12] Ibid., § 84.

[13] Ibid., § 20.Un

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