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Institutions internationales

La CEDH : Nouvelle caution des lois contre le blasphème

La CEDH : Nouvelle caution des lois contre le blasphème

Le 25 avril 2021, un journaliste islamologue, Saïd Djabelkhir, a été condamné à trois ans d’emprisonnement ferme et 50.000 Dinars algériens d’amende pour plusieurs messages sur Facebook. Il y contestait la véracité historique de certains événements cités dans le Coran, pointait l’héritage païens du pilier de l’islam du pèlerinage et se moquait de la sunna et du prophète. À la suite d’une seule plainte, il fut poursuivi sur le fondement de l’article 144, paragraphe 2 du Code pénal algérien qui dispose que :

Est puni d’un emprisonnement de trois ans à cinq ans et d’une amende de 50 000 DA à 100 000 DA, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque offense le Prophète (Paix et salut soient sur lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’Islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen.

Cette condamnation a suscité l’émoi de nombreuses associations et de deux rapporteurs spéciaux des Nations unies. Le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression et le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction ont écrit à la Mission permanente d’Algérie auprès des Nations unies à Genève pour exprimer leur désapprobation d’une telle condamnation et demander des explications au Gouvernement algérien.

Dans sa réponse du 22 septembre 2021, la mission algérienne soutint totalement le bienfondé de la condamnation et, plus grave encore, elle s’appuya sur la Cour européenne des droits de l’homme pour justifier la répression de toute critique de l’islam en Algérie.

La Cour européenne des droits de l’homme a effectivement rendu un arrêt dramatique le 25 octobre 2018 dans l’affaire E.S. c. Autriche. La Cour a confirmé la condamnation d’une conférencière qui avait eu des propos très critiques contre l’islam en considérant que sa liberté d’expression devait être restreinte pour préserver les sentiments religieux des musulmans et la paix religieuse en Autriche. Une telle décision était en totale contradiction avec la jurisprudence libérale de la Cour en ce domaine. Un autre élément très grave dans cette affaire est que les juridictions autrichiennes avaient reproché à la requérant de ne pas avoir été objective et d’avoir eu pour « but de démontrer que Mahomet n’était pas digne d’être vénéré. » La Cour souscrit à cette analyse et confirma que par principe, on pouvait reprocher à quelqu’un de dénigrer la religion musulmane. Une décision très loin de « l’esprit Charlie »…

L’ECLJ avait déposé des observations écrites dans cette affaire, critiqué la décision de la Cour et plaidé publiquement pour son renvoi en Grande Chambre. De manière décevante, la CEDH rejeta la demande de renvoi en Grande Chambre, empêchant cette formation solennelle de corriger avec autorité cette grave atteinte à la liberté d’expression.

Suite à cet arrêt, l’ECLJ s’était inquiété dans la presse de ce précédent et avait critiqué le mauvais signal que la Cour européenne envoyait aux pays musulmans.

C’est donc sans surprise que nous constatons aujourd’hui que l’Algérie peut s’appuyer allègrement sur la décision de la CEDH pour justifier sa condamnation d’un homme critiquant l’islam, pour préserver la paix religieuse du pays. La Mission algérienne s’appuie habilement sur cet arrêt de la CEDH en prétendant respecter « la jurisprudence la plus avancée en matière des droits de l’Homme ». Il sera très difficile aux Rapporteurs Spéciaux de répondre au Gouvernement algérien car, en droit international, une décision de la CEDH est plus importante qu’une déclaration d’expert de l’ONU.

Cette réponse est une preuve de la gravité de la décision de la CEDH dans l’affaire E.S. c. Autriche et une preuve de la justesse de l’analyse de l’ECLJ. Il est à craindre que d’autres pays musulmans répondent à présent de manière identique aux critiques faites contre leurs lois sur le blasphème. L’ECLJ continuera de faire tout son possible pour que la CEDH revienne à sa jurisprudence libérale en matière de liberté d’expression.

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