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Cathophobie

Le blasphème : un conformisme moderne

De Philippe Bilger :

"Aujourd'hui, la question n'est plus de savoir qui s'y mettra mais qui aura le courage, l'anticonformisme de ne pas s'y mettre ! Qui saura résister au grand jeu décapant et progressiste du blasphème ?

Je consulte Le petit Larousse. Blasphème : parole, discours qui insulte violemment la divinité, la religion et, par extension, quelqu'un ou quelque chose de respectable. A lire cette définition, on n'a plus le moindre doute. Le blasphème est devenu le sport à la mode et il n'est plus une activité dite intellectuelle qui n'estime devoir, précisément pour se faire respecter, mettre à bas le respectable traditionnel, moquer les sentiments religieux, offenser les croyances et se parer des plumes d'une modernité dupe de rien et surtout pas de ce qui risquerait de transcender.

Depuis plusieurs jours, demeure dans un coin de ma tête un malaise médiatique qui paradoxalement concerne mon homme de télévision préféré : Frédéric Taddéï. Dans l'une de ses dernières émissions, ses invités avaient été conviés à s'exprimer sur la pièce Golgota Picnic. Facile de deviner dans quel sens l'ensemble des réactions est allé. C'était du théâtre, de l'art, l'art est sacré, la religion ne l'est pas, pas touche à la culture, les chrétiens sont énervants et la violence des catholiques intégristes inadmissible, insupportable, ils devraient tendre l'autre joue, le blasphème est formidablement révolutionnaire… J'exagère à peine. Cette théorie consensuelle et fière d'elle est devenue franchement déplaisante – déjà, l'interrogation fondamentale occultée : s'agit-il vraiment de culture, d'art ou ceux-ci doivent-ils être invoqués avec parcimonie, comme une forme de consécration, et non pas tel un réflexe devant n'importe quoi ? – quand le porte-parole de Civitas, gentil, souriant mais à la dialectique infiniment pauvre s'est trouvé confronté à ce groupe méprisant, condescendant et que Frédéric Taddéï a ajouté sa voix, certes avec discrétion, à ce dernier. Je me suis demandé si un jour on acceptera, pour ne pas ruiner un débat, de choisir aussi des réactionnaires pugnaces et capables d'argumenter. Car il en existe. […]

Rien, en tout cas, ne me paraît plus indigent que cette mécanique du blasphème persuadant à bon compte les esprits forts qu'ils sont forts alors qu'ils ne sont que faibles, trop contents de pouvoir remplacer le dialogue des intelligences par la dérison, le sarcasme qui, exclusifs, représentent les qualités d'un monde qui ne sait plus ce qu'est penser, analyser, respecter, s'émouvoir, lever le visage, questionner, rêver, imaginer, parier. Et si la transcendance n'était pas une vieille lune ? Et si blasphémer systématiquement était une audace de pacotille dans une société qui s'en fait une gloire ? […] J'ai toujours détesté les conformismes. Celui du blasphème comme les autres."

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