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Pays : Israël

Israël-Palestine : Pour faire la paix, il faut bien plus de courage que pour faire la guerre

De la Commission Justice et Paix de l’Assemblée des Ordinaires catholiques en Terre Sainte le 23 juillet 2014, via L'Homme Nouveau :

« A Rama, une voix se fait entendre, une plainte amère ; c’est Rachel qui pleure ses enfants. Elle ne veut pas être consolée pour ses enfants, car ils ne sont plus » (Jérémie 31, 15)

Une réalité de violence et de deuil

Israël et la Palestine résonnent des cris des pères et des mères, des frères et des soeurs et des proches des jeunes gens qui sont tombés victimes de la dernière vague du cycle de violence qui affecte ce pays. Certains de leurs visages sont bien connus, parce que les médias ont couvert en détails leurs vies, interviewant leurs parents, leur donnant une nouvelle vie dans nos imaginations. Tandis que d’autres – de loin bien plus nombreux – se réduisent à quelques statistiques, sans nom et sans visage. La couverture, la mémoire et le deuil sélectifs font également partie du cycle de la violence.

Nous offrons nos sincères condoléances à tous ceux qui sont en deuil, Israéliens et Palestiniens. Nous devons continuer à prier pour que les jeunes qui sont tombés récemment soient les deniers à subir une mort violente dans cette escalade de haine et de violence.

Un langage qui engendre la violence

« La langue est un membre minuscule et elle peut se glorifier de grandes choses ! Voyez quel petit feu embrase une immense forêt : la langue aussi est un feu. C’est le monde du mal, cette langue placée parmi nos membres : elle souille tout le corps ; elle enflamme le cycle de la création, enflammée qu’elle est par la géhenne. (…) Par elle nous bénissons le Seigneur et Père, et par elle nous maudissons les hommes faits à l’image de Dieu » (Jacques 3, 5-6.9).

Notre espoir de mettre fin au cycle de la violence est brisé par le langage irresponsable de punition collective et de vengeance qui engendre la violence et étouffe l’émergence de toute alternative. Beaucoup de personnes en position de pouvoir et appartenant au leadership politique restent retranchés sur leurs positions. Non seulement ils ne veulent pas s’engager dans quelque dialogue réel et significatif, mais ils versent encore de l’huile sur le feu avec des paroles et des actes qui fomentent le conflit.

Le langage violent de la rue en Israël appelant à la vengeance est alimenté par les attitudes et les paroles d’un leadership qui continue à entretenir un discours discriminatoire qui promeut les droits exclusifs pour un groupe particulier ainsi que l’occupation avec ses conséquences désastreuses. Des implantations sont construites, des terres sont confisquées, des familles sont séparées, des êtres chers sont arrêtés et même assassinés. Le leadership de l’occupation semble croire que l’occupation peut être victorieuse en écrasant la volonté du peuple pour la liberté et la dignité. Ils semblent croire que leur détermination réduira finalement au silence l’opposition et transformera le mal en bien.

Le langage violent de la rue palestinienne appelant à la vengeance est alimenté par les attitudes et les paroles de ceux qui ont abandonné tout espoir de parvenir à une juste solution du conflit par les négociations. Ceux qui cherchent à construire une société totalitaire, monolithique, où il n’y a pas de place pour quelque différence ou diversité, gagnent en support populaire en exploitant cette situation désespérée. A ceux-ci aussi nous disons : la violence en réponse à la violence ne fait qu’engendrer davantage de violence.

Rompre le cycle de la violence

Lors de l’invocation pour la paix en Israël et en Palestine, tenue au Vatican le 8 juin 2014, le pape François a dit : « Pour faire la paix, il faut du courage, bien plus de courage que pour faire la guerre. Il faut du courage pour dire oui à la rencontre et non à l’affrontement ; oui au dialogue et non à la violence ; oui à la négociation et non aux hostilités ; oui au respect des accords et non aux provocations ; oui à la sincérité et non à la duplicité. Pour tout cela, il faut du courage, une grande force d’âme. »

Il nous faut reconnaître que l’enlèvement et l’assassinat de sang-froid des trois jeunes Israéliens et le meurtre brutal du jeune Palestinien sont les produits de l’injustice et de la haine que l’occupation sème dans les coeurs de ceux qui sont enclins à de tels actes. Ces morts ne peuvent aucunement être justifiées et nous en portons le deuil avec ceux qui pleurent le gaspillage de ces jeunes vies. Utiliser la mort des trois Israéliens pour imposer une punition collective au peuple palestinien tout entier et à son désir légitime d’être libre est une exploitation tragique d’une tragédie et entraîne davantage de violence et de haine.

En même temps, il nous faut reconnaître que la résistance à l’occupation ne peut pas être mise sur le même pied que le terrorisme. La résistance à l’occupation est un droit légitime, le terrorisme fait partie du problème. Une fois de plus nous disons à tous et à chacun : la violence en réponse à la violence ne fait qu’engendrer davantage de violence. 

La situation actuelle à Gaza est une illustration du cycle sans fin de la violence en l’absence d’une vision pour un avenir alternatif. Rompre le cycle de la violence est le devoir de tous, oppresseurs et opprimés, victimes et bourreaux. Afin de s’engager dans ce but, tous doivent reconnaître dans l’autre un frère ou une soeur à aimer et à chérir au lieu d’un ennemi à haïr ou à éliminer.

Le besoin d’un changement radical

Nous avons besoin d’un changement radical. Israéliens et Palestiniens ensemble doivent s’affranchir des attitudes négatives de méfiance et de haine réciproques. Nous sommes appelés à éduquer la jeune génération dans un nouvel esprit qui met en question les mentalités actuelles d’oppression et de discrimination. Nous devons nous affranchir de tout leadership qui tire profit du cycle de la violence. Nous devons trouver et soutenir des chefs qui sont déterminés à travailler pour la justice et la paix, en reconnaissant que Dieu a enraciné ici trois religions : judaïsme, christianisme et islam, et deux peuples : Palestiniens et Israéliens. Nous devons trouver des chefs qui sont suffisamment clairvoyants et courageux pour regarder la situation actuelle en face et pour prendre les décisions difficiles qui s’imposent ; des chefs qui sont prêts à sacrifier, si nécessaire, leur carrière politique pour le bien d’une paix juste et durable. De tels chefs ont la vocation d’être des guérisseurs, des artisans de paix, des assoiffés de justice et des visionnaires ouvrant des alternatives au cycle de la violence.

Nous rappelons la récente visite du Pape François dans notre région et ses appels incessants pour la justice et la paix. Lors de sa rencontre avec le leadership palestinien il a dit : « En manifestant ma proximité à tous ceux qui souffrent le plus des conséquences de ce conflit, je voudrais dire du plus profond de mon coeur qu’il est temps de mettre fin à cette situation, qui devient toujours plus inacceptable, et ce pour le bien de tous. Que redoublent donc les efforts et les initiatives destinés à créer les conditions d’une paix stable, basée sur la justice, sur la reconnaissance des droits de chacun et sur la sécurité réciproque. Le moment est arrivé pour tous d’avoir le courage de la générosité et de la créativité au service du bien commun » (25 mai 2014). De même, lors de sa rencontre avec le leadership israélien, il a dit : « À cet égard, je renouvelle le souhait que soient évités de la part de tous des initiatives et des actes qui contredisent la volonté déclarée de parvenir à un véritable accord et qu’on ne se lasse pas de poursuivre la paix avec détermination et ténacité. Il faut repousser avec fermeté tout ce qui s’oppose à la recherche de la paix et d’une cohabitation respectueuse entre juifs, chrétiens et musulmans » (26 mai 2014).

Rôle des chefs religieux

Notre rôle, en tant que chefs religieux, est de parler un langage prophétique qui révèle des alternatives au-delà du cycle de la haine et de la violence. Un tel langage refuse d’attribuer le statut d’ennemi à tout enfant de Dieu ; c’est un langage qui ouvre la possibilité de se regarder les uns les autres comme des frères et des soeurs. A l’invocation pour la paix, le pape François s’est écrié : « Nous avons entendu un appel, et nous devons répondre : l’appel à rompre la spirale de la haine et de la violence, à la rompre avec une seule parole : “frère”. Mais pour être capables de prononcer cette parole, nous devons tous lever le regard vers le Ciel, et nous reconnaître enfants d’un seul Père. »

Les chefs religieux sont invités à tenir un langage responsable, de façon qu’il devienne un instrument pour transformer le monde d’un désert de ténèbres et de mort en un jardin florissant de vie.

« Heureux les affamés et les assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés enfants de Dieu » (Matthieu 5, 6-9).

Jérusalem, le 8 juillet 2014

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