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L'Eglise : Benoît XVI / L'Eglise : L'Eglise en France

Son exemple nous rappelle Jean-Baptiste : «il faut qu’Il grandisse et que je diminue».

Homélie de la messe d’action de grâce pour le pontificat de Sa Sainteté le
Pape Benoit XVI célébrée en la cathédrale Saint-Pierre de Vannes le 28 février par Mgr Centène :

"Frères et sœurs,

VNous sommes réunis ce soir pour une
célébration particulièrement exceptionnelle. Alors que le siège de Pierre est
vacant depuis quelques minutes, nous nous sommes rassemblés afin de rendre
grâce à Dieu pour le pontificat qui vient de s’achever. Ce qui rend cette circonstance véritablement
inédite, c’est que celui pour le ministère de qui nous rendons grâce est
toujours vivant.

Le mystère de la mort et de l’entrée
dans la gloire éternelle, qui vient transfigurer le visage de nos chers
disparus, et qui, presque toujours vient anoblir leurs traits, engendre
généralement le processus d’une mémoire sélective qui permet de ne retenir que
les qualités, les bons moments, les souvenirs heureux tandis que les voiles du
deuil dissimulent les aspérités, les discordes, les incompréhensions.

Le genre littéraire de l’éloge
funèbre est alors un exercice convenu et relativement facile dans lequel la
charité peut apporter quelques améliorations à la vérité en la transfigurant
parfois jusqu’à la défigurer.

Parler de l’œuvre d’un vivant et
rendre grâce au Seigneur pour cette œuvre nous oblige à éclairer ces deux notions,
la charité et la vérité, l’une par l’autre. Benoît XVI, ne désapprouverait pas
cet exercice, lui qui, dans l’une de ses encycliques nous invitait à la « 
caritas in veritate », à la charité dans la vérité.

Quels sont donc les souvenirs que nous
garderons de ce grand Pontife ?

CDans le message que j’adressai aux
prêtres pour leur faire part officiellement de la renonciation de Benoît XVI et
de cette messe d’action de grâce, j’évoquais en toute objectivité un
« pasteur humble et un théologien lumineux ».

De l’humilité, il en fallait en effet
pour accepter de succéder à ce géant que fut Jean-Paul II, sans chercher à
l’imiter mais en restant soi-même.

De l’humilité, il en fallait pour
passer du statut du théologien à celui du Pasteur universel, livré aux foules,
donné en spectacle aux anges et aux hommes et interdit de vie privée comme il
l’a souligné lui-même lors de sa dernière audience.

De l’humilité, il en fallait pour
entrer dans l’arène, avec sa voix douce, plus habituée à persuader qu’à commander,
avec sa gestuelle timide jusqu’à paraitre parfois gauche.

De l’humilité, il en fallait pour
accepter de passer du savoir au pouvoir en étant bien conscient que la Vérité
contemplée ne peut pas être imposée et expose toujours à l’incompréhension.

Le style qu’il a su donner à la
papauté était bien éloigné du «  panzer cardinal » que les médias ont
essayé de nous présenter au début de son pontificat, alors même qu’il nous
confiait ses craintes «  priez pour moi, afin que je ne me dérobe pas, par
peur, devant les loups[1] ».

C’est encore la vertu d’humilité qui a
poussé celui qui s’était présenté à nous le 19 avril 2005, lors de son élection,
comme « l’humble ouvrier dans la vigne du Seigneur[2] »,
à nous dire, le 27 février 2013, lors de sa dernière audience : « la
barque de l’Eglise n’est pas la mienne, la nôtre, mais celle de Dieu. Il ne la
laissera pas couler. »

Entre ces deux dates et ces deux
expressions, il a exercé le ministère pétrinien comme un véritable service,
faisant passer la gloire du Maitre avant celle du serviteur, nous invitant à
nous tourner vers Dieu et non vers lui. Son exemple nous a redit les paroles de
Jean-Baptiste évoquant le Messie : «  il faut qu’Il grandisse et que
je diminue
[3] ».

C’est cette humilité, vécue au
quotidien, dans son existence comme dans son ministère, qui  lui confère aujourd’hui la grandeur que donne
le renoncement.

De l’humilité, il en faut pour
reconnaitre ses limites, pour dire «  je ne peux plus », dans un
monde qui glorifie la toute-puissance
, pour reconnaitre les outrages
impitoyables du temps dans une société qui se grise dans la recherche illusoire
d’une éternelle jouvence sur fond de rejet de la nature humaine et des limites
de sa condition.

Benoît XVI avait écrit en 2010 :
« Si un pape se rend compte clairement qu’il n’est plus capable,
physiquement, psychologiquement ou spirituellement d’accomplir les tâches de sa
fonction, il a le droit et, selon certaines circonstances, le devoir de
démissionner[4]

De l’humilité, il en faut pour
pouvoir penser qu’un autre sera plus capable que soi d’affronter les nouvelles
tempêtes au gouvernail de l’Eglise.

De l’humilité, il en faut pour voir
la vérité, pour l’admettre et pour la traduire en acte.

C’est là que se joue la cohérence de
celui qui fut et qui reste tout à la fois un pasteur humble et un théologien
lumineux.

Le ministère de Benoît XVI est marqué
par le souci constant d’ouvrir aux hommes le chemin de la Vérité dans le
contexte difficile de la post-modernité.

Après que la raison ait été adorée aux
XVIIIème et XIXème siècles, la fin du XXème a marqué son déclin. Elle est
entrée en crise et a été foulée aux pieds, tantôt détrônée par l’affectivité,
tantôt racornie et limitée à l’horizon des sciences expérimentales.

La notion d’une vérité universelle
semble avoir disparu. La pensée est émiettée sous le pilon du subjectivisme et
du relativisme qui consiste à penser que tout se vaut et que chaque individu
est à lui-même la mesure et la norme du vrai, du beau et du bien.

Par son œuvre de
théologien, Benoît XVI a mis en évidence la logique du christianisme,
l’harmonie entre la foi et la raison, l’accord entre la sagesse et la
révélation.

A notre monde marqué par
le nihilisme il a rappelé l’importance de la loi naturelle pour le respect de
l’homme et de la création.

A notre Eglise marquée
par la sécularisation il a demandé de restaurer la transcendance du culte
divin.

En proclamant l’année de
la foi à l’occasion du cinquantième anniversaire du Concile, en poursuivant la
Nouvelle Evangélisation initiée par son prédécesseur, il a cherché à « rendre
visible la foi comme l’alternative que le monde attend après la faillite de
l’expérience libérale et de  type
marxiste
[5] ».

Celui qui lors de son
élection était volontiers présenté comme un pape de transition se révèle, à
postériori, comme un prophète et son enseignement est fondateur pour l’Eglise
du XXIème siècle qui aura besoin de convictions fortes et bien intégrées.

La pensée théologique de
Benoît XVI, qui est souvent apparue comme un signe de contradiction, ne se
décline pas comme un intellectualisme froid. Elle est habitée par la
contemplation mystique des vérités qu’il énonce et elle s’achève dans
l’adoration.

Aujourd’hui, comme il le
révélait lors de son dernier Angelus sur la place Saint-Pierre[6], en
commentant l’évangile de la Transfiguration, Dieu l’appelle sur la montagne
mais il n’abandonne pas l’Eglise. Si Dieu lui demande cela, c’est pour le
servir avec le même dévouement.

Ce soir, à notre action
de grâce pour le Pontificat qui vient de s’achever, nous voulons joindre notre
prière pour la personne du pape émérite et notre supplication confiante pour
l’avenir de l’Eglise.

+ Raymond
CENTENE

Evêque de Vannes


[1] Benoît XVI, homélie de la messe
inaugurale du pontificat, Dimanche 24 avril 2005

[2] Benoît XVI, premier salut
du Pape, bénédiction apostolique "urbi et orbi", 19 avril 2005.

[3] Cf. Jn 3:30.       

[4] Benoît XVI, Lumière du
monde
, le Pape, l’Eglise et les signes des temps. Entretien avec Peter
SEWALD, Bayard, 2010.

[5] Cardinal Ratzinger, Discours
aux Présidents des Com. Doctr. des épiscopats européens, 2 mai 1989.

[6] Dimanche 24 février 2013

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