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Pays : Afghanistan

“Heureux ceux qui sont morts pour la mère patrie”

Homélie de l'abbé Christian Venard, aumônier parachutiste du17e RGP et de la 11e BP par suppléance, pour les obsèques religieuses de Emmanuel Técher, Jean-Marc Guéniat, Laurent Marsol en grande union avec leurs frères d’armes et de sacrifice Guillaume Nunès Patégo, Cyrille Hugodot et Thomas Gauvin, morts au Champ d’Honneur

D "1er juin 2011, Guillaume Nunès-Patégo, caporal-chef au 17e RGP, puis Florian Morillon, caporal-chef du 1er RCP, Cyrille Hugodot, caporal-chef au même 1er RCP et maintenant, sept de plus, à avoir donné leur vie en Afghanistan, dont quatre encore de notre 11e BP, Thomas Gauvin, capitaine du 1er RCP, Emmanuel Técher, adjudant-chef du 17e RGP, Laurent Marsol, Adjudant-chef du 1er RCP, Jean-Marc Guéniat, adjudant-chef du 17e RGP. Oui, mes amis, trop de noms viennent en un mois et demi endeuiller nos cœurs. Et les mots nous semblent si faibles… si dérisoires. Et pourtant, il faut parler en leur nom ; car maintenant qu’ils sont privés de leurs voix, ils nous haussent et nous poussent par leur dignité de fils de France morts au combat pour la Patrie !

Tout au long de ce mois et demi empourpré de leurs sang, me revenait cette citation d’un de nos grands anciens d’Indochine : «  N’entends-tu pas la perfide objection : à quoi bon tous ces morts ? Il est vrai que la guerre ne nous a pas apporté la paix de ce monde. Il est vrai que nous avons perdu Dien Bien Phu. Mais en ceci tu vois cette erreur moderne qui juge la valeur d’un acte d’après le succès visible. C’est la morale du boutiquier. La valeur d’une action est celle que Dieu lui décerne. Pour Dieu, seul compte le courage et l’héroïsme mis au service de ses frères, du pays, de la charité. Quel que soit le résultat visible ! Mourir pour la communauté nationale est un acte héroïque de charité, qui hisse les êtres au-dessus des horreurs de la guerre. »

Oui, ils sont morts en héros de la charité ! Et pourtant, il aura fallu que sept d’entre eux tombent la même semaine sur cette terre afghane pour qu’enfin, un sursaut d’honneur et de reconnaissance vienne à s’exprimer par la voix du Chef de l’Etat ! Sept d’un coup pour que, enfin, il semble que la société française ait à cœur de reconnaître ses héros ! Est-ce si dur ? Oui, mes amis, car trois conditions sont nécessaires pour qu’un pays, une nation, une communauté puisse reconnaître l’héroïsme de certains de ses membres.

Première condition, il faut que la vertu d’honneur soit la première. L’honneur et la parole d’un homme doivent être reconnus comme vertu majeure. Loin de ce que notre ancien appelait la « morale du boutiquier »… Or nous constatons que, dans notre pays, seul compte trop souvent le poids de l’argent, l’apparence et le mépris.

Deuxième condition, il est nécessaire que dans cette communauté nationale, l’égoïsme ne règne pas en maître, et qu’il paraisse évident à la majorité que parfois, l’intérêt particulier doive s’effacer devant le bien commun, fusse au prix du sacrifice ultime de sa propre vie. Or… mes amis… n’est-ce pas l’individualisme et l’hédonisme forcenés qui marquent notre pays, où chacun semble ne vouloir exister que pour des droits acquis sans jamais satisfaire aux devoirs impérieux du bien commun ?

Enfin, troisième condition pour qu’un pays puisse reconnaître l’héroïsme de ses enfants, il est impératif que les forces publiques, la communauté tout entière, reconnaissent et plus encore respectent, les forces verticales, la transcendance, qui traversent la vie de chaque être humain et qui constituent sa dignité la plus profonde. Pour le dire avec d’autres mots, un pays qui n’est plus capable de respecter le spirituel, qui le tourne en dérision et qui se détourne de toute force morale qui dépasse l’horizontalité déprimante de l’économique et du matérialisme, n’est plus digne de ses héros !

Car nous parlons bien de héros quand nous évoquons la mémoire de Thomas, Emmanuel, Guillaume, Florian, Jean-Marc, Laurent et Cyrille. Non pas qu’ils se soient pris pour des surhommes sur le modèle nietzschéen. Oh, non… Aucun d’entre eux n’est parti sur la terre afghane pour pratiquer un sport de l’extrême ou pour ressentir des émotions fortes, ou que sais-je… Non, chacun d’entre eux est parti, conscient du danger et volontaire pour remplir une mission dangereuse, au service de la France… A notre service ! Chacun d’entre eux a, tout au long de son engagement parachutiste chanté et médité la « prière du para » que nous chanterons, dans un instant de tout notre cœur. Et dans cette prière sublime, écrite par l’aspirant Zirnheld peu avant sa mort au champ d’honneur en 1942, nous osons demander la tourmente, la souffrance, la Foi, l’ardeur et combat ; nous osons réclamer à Dieu tout ce que les autres ne veulent pas. Mais non pas dans un discours insensé, mais avec l’humilité de celui qui demande tout cela, aujourd’hui car il sait qu’un jour il n’aura plus la force de le demander… « Que vous me les donniez, mon Dieu, définitivement. Que je sois sûr de les avoir toujours ; car je n’aurai pas toujours le courage de vous le demander »… Là voila l’humilité qui constitue la véracité du héros, jointe à la pudeur qui authentifie son sacrifice… Et nous savons que tels étaient chacun de nos camarades paras, humble, pudique, courageux… morts au champ d’honneur… au champ d’HONNEUR ! Dans leur sacrifice, ils nous ont dépassés et désormais, près saint Michel notre saint Patron, ils nous précèdent sur le chemin de la vertu et de la sainteté héroïque…

Au moment où nous voyons disparaître à nos yeux leurs dépouilles mortelles, je réalise qu’il faut toute une vie pour comprendre cela. (Inspiré d’un texte du père Zanotti, « de l’amour en éclat ») Toute une vie pour saisir que Dieu n’exauce que les prières incorporées de pleurs et de baisers. Il y faut du sang, de la chair des combats, des actes de foi sous des monceaux d’espérance, pour que l’amour renverse les haines. Avec vous, chères familles, j’ai caressé leurs cercueils, avec vous j’ai caressé leurs visages et j’ai béni leurs fronts et posant la médaille de Saint-Michel sur leur cœur…  Mais il faut être vrai, il n’y avait plus de sang, plus de chair, pas de lutte, peu de foi, des fragments d’espérance et des lueurs de fierté ; et pour toute réponse un monceau de silence…

Alors de toute mon âme je me suis écrié : « Seigneur, malgré tout, apprenez-moi à aimer » !

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