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L'Eglise : L'Eglise en France

Et ne nos inducas in tentationem

La sixième demande du Pater traduite jusqu'ici par «Ne nous soumets pas à la tentation» va devenir «Et ne nous laisse pas entrer en tentation».

"Cette
formulation malencontreuse, désormais corrigée, a laissé penser depuis
1966 où elle est entrée en vigueur – au grand dam des milieux
traditionalistes qui s'y sont toujours opposés – que «Dieu, infiniment
bon et source de toute bonté, puisse pousser l'homme au mal et au péché
»
explique le P. Frédéric Louzeau, théologien, auteur d'un remarquable
ouvrage récent sur le sujet (La prière du mendiant, l'itinéraire spirituel du «Notre Père»,
éditions Parole et Silence – Collège des Bernardins). Un contresens
total, donc, «blasphème» pour certains qui préféraient la formulation
«Ne nous laissez pas succomber à la tentation». Formule équivoque,
enfin, lue en chaire dans toutes les églises du monde francophone, priée
publiquement ou intimement par des millions de catholiques mais
induisant, dans des esprits non avertis, une sorte de perversité d'un
Dieu, demandant de supplier pour échapper au mal que lui-même
attiserait…

Cette ambiguïté va cesser. Le 22
novembre prochain les éditions Mame publient une nouvelle traduction en
français de la Bible liturgique qui a été approuvée par le Vatican le 12
juillet dernier
. La «Bible liturgique», est vraiment le texte de
référence, officiel, lu dans toutes les églises lors de toutes les
messes et enseigné dans le catéchisme. […]

La
véritable cause du problème vient d'une difficulté de bien traduire une
nuance subtile du Notre Père. Elle a été mise en évidence par l'abbé
Jean Carmignac en 1969 puis par l'exégète Jean Delorme et enfin par le
professeur de l'école biblique de Jérusalem, Raymond-Jacques Tournay en
1995. Il y a un piège grammatical dans l'araméen, que l'hébreu renforce
touchant le verbe «soumettre». Selon le contexte de la phrase, et la
date de son usage dans l'ancien ou le nouveau Testament, il revêt trois
sens différents: «soumettre», «mettre à l'épreuve» ou «tenter» (dans le
sens de pousser directement au mal). En français donc, la traduction
littérale la plus stricte – «soumettre» – s'est révélée, à l'usage,
fausse sur le plan théologique: Dieu, selon les théologiens, ne pouvant
être la cause du mal. La traduction nouvelle «ne nous laisse pas entrer
en tentation» est sans doute moins proche du texte original mais elle
est plus juste sur le fond: elle indique, selon ces différents
théologiens, que Dieu tolère effectivement la «tentation». Mais en vue,
assurent-ils, de préserver – et de renforcer- la liberté de l'homme, de
pouvoir dire non au mal."

Dans une conférence donnée en 2008, Yves Daoudal explique l'origine de cette traduction :

"Pour le coup on a ici un hébraïsme, et un vrai. Et les
hébraïsants sont ici précieux. Ils nous expliquent que le verbe grec traduit un
verbe araméen à la forme causative. Or le causatif peut avoir un sens factitif
fort, faire, faire faire, et un sens permissif, laisser faire, permettre de
faire. Ce qui est le cas ici, comme en plusieurs endroits de la Septante. Par
exemple dans le psaume 140 qui dit littéralement, de façon très proche de la
demande du Pater : N’incline pas mon
cœur vers les paroles mauvaises
. Le sens est : Ne laisse pas mon cœur
s’incliner vers les paroles mauvaises. Du moins si l’on tient à traduire pirasmone par tentation. En fait ce mot veut dire d’abord épreuve.
Le psaume 25 dit à Dieu : Tenta me,
ce qui ne se traduit pas par « Tente-moi », bien sûr, mais par
« Mets-moi à l’épreuve »
. Sans m’y laisser succomber…"

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